Shane Claiborne a la trentaine bien entamée. Il porte des habits amples qu’il a cousus lui-même. Son pantalon a deux poches à l’avant, car « les hommes souffrent de mal de dos à cause de leur portefeuille dans leur poche arrière » ! Des dreadlocks soignées lui arrivent jusqu’à la taille. C’est un chrétien radical, mais non pas un chrétien « cool ». Ses dreadlocks, il a même eu l’intention de les couper lors d’une prédication, car elles le rendaient trop « cool ». Les chrétiens, selon lui, ne sont pas appelés à être « cools », mais extra-ordinaires !
En 1997, dans un souci de marquer une différence dans la société américaine, Shane et ses amis créent à Philadelphie une communauté de vie appelée « The Simple Way » (le chemin ordinaire). Installée dans un des quartiers les plus défavorisés de la ville, une friche industrielle, cette communauté partage l’amour du Père par des actes, en redynamisant les activités de quartier, en logeant les sans-abris, en nourrissant les pauvres, en aidant ceux qui souffrent d’addictions ou encore en faisant les devoirs avec les enfants.
Prendre au sérieux l’Evangile qui dérange
En souriant, Shane Claiborne s’exclame: « L’Evangile donne du réconfort aux personnes en difficulté, et pose des difficultés aux personnes confortables ! » C’est en rencontrant des sans-abris que la vie de Shane Claiborne a changé. Confronté à la souffrance des rues, ce jeune américain a commencé à être dérangé par l’Evangile. « C’est à ce moment là que j’ai vu que j’étais un croyant, mais que je ne suivais pas ce que Jésus nous dit », affirme-t-il. Sa rencontre avec Mère Teresa et quelques séjours en Irak, notamment pendant la Seconde Guerre d’Irak, font aussi partie de ces expériences transformatrices qui l’ont amené à mener un style de vie « simple et radical ».
Selon lui, les chrétiens doivent mener une vie connectée aux souffrances des autres. Jésus, lui-même, vivait cette connexion en étant un immigré, un rescapé d’un massacre d’enfants et un SDF. Il était sans cesse entouré de gens qui souffrent. Pour répondre à l’appel de Jésus, « nous devons prendre nos passions les plus profondes et les associer aux souffrances de notre monde, afin de voir les graines du Royaume de Dieu pousser », s’exclame Shane, débordant d’enthousiasme.
Une sainte cène lui vaut la prison !
Passionné par la justice sociale, la réconciliation et Jésus, ce trentenaire a su ainsi lier ses passions à la souffrance de son quartier. Shane Claiborne a connu des cellules de prison de la police de Philadelphie. Il a été incarcéré après avoir protesté contre des lois interdisant à toute personne de dormir dans la rue, ou encore prohibant la distribution de nourriture dans l’espace public. C’est en dormant dans la rue avec des sans-abris et en partageant la sainte scène avec des SDF dans un espace public que Shane et ses amis ont réussi à faire modifier ces lois injustes.
« The Simple Way » essaie d’instaurer un climat de paix entre les habitants du quartier et la police. Les jeunes, haineux à l’égard des forces de l’ordre qui avaient emprisonné des proches, ont été invités à rencontrer les policiers. Ils ont appris à les connaître et à les respecter. Il est même arrivé qu’un policier sorte sa matraque et joue au baseball avec les enfants de ce quartier. A Shane de déclarer avec des mains qui s’agitent : « Les chrétiens doivent être connus pour leur capacité à rompre avec une dynamique de mort par l’amour ! »
Un espoir rédempteur
Voilà plus de 10 ans, Shane racontait à un ami qu’il ne voyait pas beaucoup de changements dans son quartier. L’octogénaire lui demanda depuis combien de temps sa communauté vivait là. Apprenant que cela faisait 5 ans, ce même homme s’exclama : « Vous verrez du changement, mais dans 10 ans peut-être ! » S’insérer dans un quartier prend du temps. Après presque 20 ans, la communauté « The Simple Way » voit une brise de changement souffler. « Ce sont des petits pas », déclare Shane Claiborne. « Quand il y a 10 personnes qui sont sans-abri et qu’une arrive à s’en sortir, c’est déjà incroyable ! Ça montre qu’il y a une fissure dans le mur et une opportunité. Il y a toujours un espoir rédempteur ! »
Antje Carrel
Shane Claiborne a publié plusieurs livres dont un est traduit en français : Vivre comme un simple radical, Paris, Première Partie, 2009, 250 p. Pour une présentation de ce livre.