"Les Eglises de maison en réseau : priorité aux relations" par Stéphane Rossel

mardi 17 septembre 2013

Implanter de nouvelles Eglises en Suisse romande passe par différentes manières de faire. Avec l'Association pour l'implantation d'Eglises de maison (AIEM), Stéphane Rossel travaille à la multiplication des Eglises de maison en réseau. Depuis 2003, il incarne cette façon de faire sur le Plateau du Jorat (VD), l'occasion de donner la priorité aux relations, à la formation personnalisée et à l'envoi.

Il m'arrive fréquemment de partager la vision des Eglises de maison en réseau à toutes sortes de personnes, chrétiennes ou non chrétiennes, membres d'Eglise ou responsables spirituels, et je suis parfois surpris des réactions. Un ancien m'a dit un jour son intérêt pour les Eglises de maison, parce que la charge financière de leur communauté était trop lourde pour les membres. Un autre pensait que les Eglises de maison étaient la solution à tous les problèmes de l'Eglise. Certains chrétiens ne veulent pas en entendre parler et d'autres en font le fer de lance d'une nouvelle réforme.
Lorsqu'on parle d'Eglises de maison, on parle d'abord de structure. On ne parle ni de foi, ni de relations, ni même d'êtres humains. Toute vie a besoin de structures pour se développer, mais celles-ci doivent être adaptées au but visé. La structure d'un tronc d'arbre est-elle meilleure que celle d'une fraise? Tout dépend de ce qu'on veut en faire: un meuble ou un dessert? Une Eglise de maison est-elle meilleure qu'une Eglise traditionnelle? Tout dépend du but.
Le but des Eglises de maison est clairement d'atteindre les non-chrétiens, de les former comme disciples de Jésus-Christ, et de les envoyer dans leur appel.

Atteindre
Pour atteindre les non-chrétiens, il faut les rejoindre là où ils sont, c'est-à-dire partout ailleurs que dans l'église: au travail, dans un club de sport, aux pompiers, aux fêtes du quartier, au chœur mixte, ou que sais-je. Non pas y aller dans le but d'évangéliser, mais créer des amitiés en servant, en étant disponible, en écoutant... en aimant. Je ne compte plus le nombre de partages profonds sur la foi, de prière en pleine activité avec un non-chrétien, de réponses de Dieu dans leur vie... et parfois de conversions, alors que je n'étais pas là pour évangéliser mais pour servir.
Les personnes qui sont devenues nos amis et qui se posent des questions sur Dieu, la foi ou le sens de la vie, viendront facilement prendre un café chez nous pour partager un peu plus. Elles iront rarement dans une église, mais chez des amis, il n'y a pas de souci. C'est déjà cela une Eglise de maison.

Former
Si le passage obligé en vue de l'envoi passe par la formation, il faut trouver une manière efficace de former les futurs envoyés. Les former non seulement bibliquement, mais aussi dans la mise en action concrète de leur foi dans leur quotidien, dans la découverte et la pratique de leurs dons naturels et spirituels, et surtout dans leur relation intime avec Jésus-Christ. Former une personne en lien avec son vécu demande un grand investissement de notre part. La former du haut de la chaire ou lui faire suivre un cours n'est pas suffisant. Il faut être en relation proche avec elle. Si la relation un à un est très importante, ce qui porte le plus de fruit, ce sont les relations dans un petit groupe de partage qui favorise l'enseignement et la pratique de la vie en Christ. Ces petits groupes sont de véritables lieux de formation personnalisés, où l'amitié des quelques autres personnes est porteuse et dynamisante. C'est cela une Eglise de maison.

Envoyer
Si le but visé est d'envoyer les chrétiens dans leur appel, il y a de fortes chances que les disciples formés partent servir Dieu ailleurs. C'est le propre de la semence que de porter du fruit plus loin que la plante mère. Nous n'allons donc pas acquérir une salle de culte, puisque le bâtiment a tendance à « fixer » les gens là où ils ont investi financièrement. Ce serait contre-productif en terme d'envoi.
En lisant les évangiles, je découvre que Jésus avait ce même but: atteindre, former, envoyer.

En écho à ce que Jésus a fait
Jésus a atteint les gens en allant là où il pouvait les rencontrer: sur les places, dans les fêtes, au Temple, à la piscine (!) et dans les rues mal fréquentées. Ce n'est certainement pas à la synagogue qu'il a acquis sa réputation d'être « un mangeur, un buveur, un ami des publicains et des gens de mauvaise vie » (1). Les gens le suivaient parce qu'il répondait à leurs besoins de relation, de compassion, de santé... et parfois même de nourriture. En plus de cela, Jésus leur « donnait des tuyaux » pour une vie spirituelle et relationnelle équilibrée, et « remontait les bretelles » aux religieux! Tout pour plaire!
Cependant, Jésus ne s'est pas satisfait des « suiveurs ». Il a choisi douze personnes dans le but de les former pour ensuite les envoyer. Ces douze ont appris de Jésus en le voyant enseigner et faire des miracles, et en l'imitant. Mais c'est dans les moments à huis-clos que Jésus leur partageait son cœur. Il dispensait alors les enseignements plus pointus sur le Royaume de Dieu, il parlait de sa mort et de sa résurrection, il recevait l'incompréhension des disciples, il les envoyait en mission et les recevait à leur retour, il partagea la cène avant sa mort. C'est là aussi qu'il leur dit son angoisse et qu'il pleura sur Jérusalem. Si bien qu'il appela ses disciples : « Mes amis », parce que ceux-ci savaient tout de lui. Marc écrit: « En privé, il expliquait tout à ses disciples » (2). Juste Jésus et les douze, dans un lieu privé, souvent une maison, parfois une barque ou dans la nature.
Puis, après sa résurrection, Jésus retrouve ses amis pour les envoyer faire des nations des disciples. Ils partent par la grâce et l'Esprit de Dieu, et nous leur en sommes reconnaissants!

En écho à ce que les apôtres ont fait
Dans quels buts partent-ils? Pour implanter des Eglises? Non. Ils partent faire avec d'autres ce que Jésus a fait avec eux: vivre la réalité du Royaume de Dieu en paroles et en actes, former des disciples et les envoyer dans leur appel. Non pas implanter des églises, mais être l'Eglise. De culture juive, ils auraient pu reproduire le modèle de la synagogue en la christianisant. Mais ils n'ont pas fait cela. Ils ont préféré vivre avec les nouveaux chrétiens le style de vie qu'ils partageaient avec Jésus. En particulier vivre ces moments privés, tellement chers à leur cœur, dans lesquels ils ont été formés comme disciples et où ils pouvaient tout partager.
De ces lieux privés dans les maisons où l'Eglise rompait le pain, priait, chantait, partageait la nourriture, était enseignée, on en trouve des traces dans les villes où l'Evangile est entré. C'est le cas à Jérusalem, Philippes, Troas, Ephèse, Rome, Colosses, Laodicée et Corinthe. Que l'Eglise soit persécutée ou non, qu'elle soit de culture juive, romaine ou grecque, qu'elle ait été implantée par Pierre ou par Paul, elle se retrouvait dans les maisons.
Mais pas uniquement dans les maisons. Elle se rassemblait aussi en groupes de plusieurs « Eglises-maisons » de la ville. On en trouve des traces au Temple de Jérusalem, sous le portique de Salomon. Egalement à Ephèse, dans l'école de Tyranus où, semble-t-il, des chrétiens comme des non-chrétiens sont enseignés par Paul. Et encore à Corinthe, où Paul utilise l'expression « l'Eglise entière » pour parler de ces rassemblements. Cependant, des indices dans le texte biblique semblent indiquer que ces rencontres plénières n'étaient pas des cultes, mais des rencontres de partage de l'Evangile avec la population ; l'aspect cultuel se vivant dans les maisons.

Une structure légère et adaptée au but visé
Atteindre, former, envoyer. Rien de nouveau donc, et il y a fort à parier que c'est le slogan de la plupart des nos Eglises FREE. Alors pourquoi une structure en réseau d'Eglises de maison?
Principalement parce que cette structure légère favorise la connexion avec les non-chrétiens, apporte une grande souplesse dans la formation ciblée des chrétiens, et permet d'envoyer facilement les personnes dans leur appel. C'est une structure adaptée au but visé.
Un réseau d'Eglises de maison est donc plus une mission qu'une Eglise locale. Son but n'est pas de faire grandir l'Eglise locale en nombre de membres, mais d'envoyer des chrétiens formés dans leur appel. Pour certains, l'appel est de servir Jésus-Christ dans une autre Eglise ou dans un groupe de jeunes. Pour d'autres leur appel est de servir dans une œuvre chrétienne. D'autres encore démarrent une nouvelle Eglise de maison par leur témoignage personnel. Et certains restent dans l'Eglise de maison en apportant leur soutien au réseau.
Si les Eglises de maison restent de petites entités, elles ont néanmoins une vision large du Royaume de Dieu. Dans notre expérience du Plateau du Jorat (VD) (4), nous avons réalisé que si nous implantions une Eglise évangélique, nous apporterions une division entre les chrétiens locaux. Nous avons donc cherché à tisser des liens entre les différents chrétiens, en mettant nos dons et nos talents au service des autres, chrétiens et non-chrétiens. Le résultat est un réseau d'amitiés qui n'a aucun rapport avec une dynamique œcuménique ou intercommunautaire. Nous sommes une bande d'amis qui servent Jésus-Christ ensemble, qui cherchent à atteindre, former et envoyer des personnes au nom de Jésus.
Finalement, c'est aussi ça l'Eglise !
Stéphane Rossel

Pour aller plus loin dans la réflexion autour des réseaux d'Eglises de maison, voir le document de Stéphane Rossel : « Implanter un réseau d'Eglises de maison. Fondement biblique ».

Notes
1 Matthieu 11,19.
2 Marc 4,34.
3 1Corinthiens 14,23.
4. Plus d'infos : www.surunplateau.ch.

  • Encadré 1:

    Bio express
    Stéphane Rossel est pasteur au sein de l'Association pour l'implantation d'Eglises de maison (AIEM). Il développe sur le Plateau du Jorat (VD) un réseau d'Eglises de maison en lien avec les chrétiens réformés et catholiques de la région (www.surunplateau.ch). Il s'implique aussi dans des activités jeunesse pour les jeunes chrétiens de cette région (www.mix-age.ch).
    Par ailleurs Stéphane Rossel coache des réseaux d'Eglises de maison en Côte-d'Ivoire, en République centrafricaine et en République démocratique du Congo.
    L'AIEM est partenaire de la FREE.
    Stéphane est marié à Sylvie. Ils ont 4 enfants.
    Pour découvrir l'association : www.aiem.ch.

  • Encadré 2:

    Un repas de soutien pour l'AIEM
    L'Association pour l'implantation d'Eglises de maison (AIEM) organise le samedi 21 septembre un repas de soutien à la grande salle de St-Cierges à 19h. Ce sera l'occasion de découvrir la démarche de l'AIEM au travers de temps de rétrospectives et de témoignages. Prix de la soirée : 75.-
    S'inscrire : www.aiem.ch/repas.

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