La salle de gym a tout d’une ruche en émoi. Une dizaine de tables rondes sont dispersées de gauche et de droite. Chaque table dispose de son lot d’affiches blanches format A1, scotchées aux murs avec dessus des mots-clés ou des dessins de différentes couleurs. 17 équipes d’implanteurs passent deux jours, le vendredi 11 et le samedi 12 septembre, à faire le point sur leur vécu commun et à réfléchir à l’avenir. Voilà l’incubateur de nouvelles Eglises norvégiennes lancé par M4, qui tient séance dans la banlieue verdoyante de Kristiansand, au sud de la Norvège.
« 25 pour-cent du temps que nous passons ici est consacré à l’enseignement, 25 pour-cent à l’écoute et à la prière, et 50 pour-cent au travail en groupe », précise Öivind Augland, pasteur dans l’Eglise luthérienne libre à Kritiansand et initiateur de M4, une démarche originale d’accompagnement des projets d’implantation d’Eglise. « Nous avons terminé les deux ans de formation de M4 avec 15 équipes, 17 sont actuellement en formation et une dizaine devraient commencer le même processus en janvier prochain », ajoute-t-il.
Une Eglise rassemblée le dimanche autour d’un repas
« Nous n’avons jamais implanté d’Eglise dans le passé. » Anne-May Abrahamsen, la quarantaine, est aumônière dans une école chrétienne de niveau universitaire, dans la région de Kristiansand. Avec son mari, Alf Tor Abrahamsen, enseignant dans un gymnase, elle a lancé voilà deux ans une implantation d’Eglise originale. Cette communauté se retrouve tous les deux dimanches à midi pour un repas et non à 11h chaque dimanche, comme c’est le cas habituellement pour nombre d’Eglises norvégiennes. « Nous faisons comme Jésus, ajoute la responsable de cette implantation, malicieuse, nous apprécions particulièrement de partager un repas ensemble ! » Entre 80 et 120 adultes et enfants participent à chacune de ces rencontres qui comprend toujours, à côté du repas, un temps de louange et de prédication, ainsi qu’un temps de rencontre pour les enfants. Le public cible est la population norvégienne qui développe une « vague » foi en Dieu et qui n’ose pas franchir la porte des Eglises en place. En semaine, cette Eglise en implantation se retrouve en groupes de maison.
« Nous avons cinq valeurs clés qui nous définissent, explique cette femme. Tout d’abord une attitude bienveillante à l’égard de toute personne qui participe à nos rencontres. Nous souhaitons aussi être pertinents pour la situation de chaque personne qui nous rejoint, être enracinés dans la Bible et en Jésus-Christ, relationnels… et ‘rock-and-roll’ enfin ! », lâche-t-elle. C’est-à-dire ouverts à la différence dans l’habillement, mais aussi dans les trajectoires de vie par lesquelles chacun des participants est passé.
Quatre sessions sur deux ans
Durant ce week-end, Anne-May et son mari participent, avec six autres personnes de leur équipe d’implantation, au quatrième volet de la formation dispensée par l’association M4. Après avoir travaillé les fondements avec la première session intitulée : le « Maître », cette équipe a suivi deux autres formations avec pour thèmes : la « Multiplication » et la « Mission ». La dernière rencontre du cursus est consacrée au « Mouvement » et à la manière dont l’implantation va se projeter dans l’avenir et poursuivre sa route, afin de gagner le stade de la maturité.
« C’est important de passer du temps avec des gens qui sont dans la même situation que nous », lâche Anne-May Abrahamsen. Pendant ces deux jours, c’est l’occasion pour ces équipes de recevoir un enseignement mais aussi de se retrouver ensemble et de s’encourager dans leur tâche. « Nous n’avons pas pour but de devenir une grande Eglise, ajoute-t-elle. Lorsque nous serons 200, nous implanterons une nouvelle communauté ! »
Des implantations très diverses
Parmi les 17 équipes d’implanteurs qui suivent cette formation, une dizaine abordent la fin du cursus. Au nombre de ceux-ci, Tor Torsoy, un homme dans la soixantaine impliqué dans le pétrole. Il est l’un des « anciens » d’une Eglise luthérienne libre à Stavanger, une ville côtière de 130'000 habitants au nord-ouest de Kristiansand. Il pilote avec deux autres hommes de son âge et une dame dans la quarantaine, une implantation issue d’une Eglise-mère qui a fermé ses portes durant l’été. Au fil de ces dernières années, cette Eglise-mère a implanté à six reprises. A chaque fois dans des endroits où quelques-uns des membres vivent au quotidien.
A quelques mètres de la table de Tor Torsoy, il y a une table de jeunes agglutinés autour d’un ordinateur portable. Jon Andreas Tjentland, le bonnet enfoncé sur la tête, explique que son projet d’implantation s’inscrit dans le réseau Influx sur la ville de Bergen, une ville côtière du nord de la Norvège. « Il y a environ 25 personnes qui fréquentent notre groupe, précise-t-il. Nous vivons en communauté dans trois maisons différentes. Pour nous l’Eglise, c’est comme un famille. Notre désir est d’encourager les gens à vivre la prière, l’amour fraternel et l’hospitalité, avec Jésus au centre. »
M4, un outil pour accompagner l’implantation
« M4 est avant tout un outil. Il est né du besoin de mobiliser des gens à la base en faveur de l’implantation d’Eglises, explique Öivind Augland, le responsable de M4 en Norvège. Nous pensons en effet que chaque chrétien peut être impliqué dans une démarche d’implantation, mais que chaque chrétien n’est pas nécessairement un implanteur. » Durant les trente derniers mois, M4 a accompagné une trentaine d’Eglises en implantation en Norvège, et une soixantaine dans d’autres pays comme la Suède, la Lettonie ou la Tchéquie. « Avec M4, nous ne promouvons pas un modèle particulier d’Eglise, ajoute Öivind Augland. Nous sommes convaincus que, suivant les contextes et les cultures, nous avons besoin de modèles différents. » Ce qui réjouit tout spécialement ce pasteur de l’Eglise luthérienne libre, c’est ce qui s’est passé ces dernières années avec M4 en Tchéquie. « Dans ce pays, il n’y a pas beaucoup d’Eglises évangéliques, explique-t-il. Nous avons eu 17 équipes d’implantation lors de la première session de formation M4. Prochainement, nous allons lancer une deuxième session avec 10 à 12 nouvelles équipes. Il y a de la croissance en Tchéquie et c’est un moment extraordinaire pour l’Eglise de Jésus-Christ ! »
Serge Carrel