Aumôniers et acteurs de résurrection

mercredi 31 mars 2010
Des aumôniers visitent, écoutent le prisonnier, le requérant d’asile ou la personne en fin de vie et alitée à l’hôpital. Dans des situations fermées, ils partagent ces étincelles de vie qui émanent de leur foi : une façon de mettre en pratique le message de la résurrection.
Un sentiment de légèreté saisit le touriste lambda qui pénètre dans un aéroport. Celui de Genève n’échappe pas à la règle : des vols sont annoncés par haut-parleur, des personnes de toutes nationalités se croisent dans une ambiance fébrile... Anne-Madeleine Reinmann a le pas énergique et le sourire lumineux : elle traverse le hall, passe les guichets sécurisés en enlevant d’office ses chaussures – « J’ai mis des talons et je sais que les portiques de sécurité ne les aiment pas » – prend son badge et arpente les couloirs qui bordent les galeries marchandes duty free de la zone d’embarquement... jusqu’à son bureau ! Anne-Madeleine Reinmann, 49 ans, est aumônière.
Depuis le 1er janvier 2008, les requérants d’asile arrivés en Suisse par voie aérienne peuvent être retenus jusqu'à soixante jours aux aéroports de Genève et Zurich. Ils sont auditionnés deux fois par les fonctionnaires qui statuent sur leur sort. Ils peuvent ensuite recourir contre une décision négative ou une non-entrée en matière (NEM)... jusqu’à la décision finale de la justice administrative fédérale. Les « recalés » du bout du lac Léman sont pris en charge par le canton en vue théoriquement d'un rapatriement. Parmi eux, certains passent par le centre de détention administrative de Frambois... Où se rend par conséquent aussi Anne-Madeleine Reinmann.

Durcissement de la procédure
« La loi devient toujours plus dure, déclare-t-elle. Il faut actuellement presque arriver avec la tête sous le bras pour demander l’asile. Et encore faut-il prouver qu’il ne s’agit pas d’automutilation ! » Ce jour-là, seuls 2 requérants occupent les locaux spartiates situés dans la zone internationale de l’aéroport, un Pakistanais et un Albanais de Serbie. « Plusieurs Iraniens viennent d’être déplacés dans des foyers à Genève, dont une famille avec un enfant de 5 ans : ils sont restés 61 jours ici. » Avec son statut de diacre, Anne-Madeleine propose aux personnes échouées dans cet espace fermé de prier avec eux et pour eux. « Je distribue des nouveaux testaments qui ont un succès fou : ils sont énormément à lire la Bible ! Avec les ressortissants musulmans, pas de problème : on se respecte beaucoup. Je propose aussi de prier pour eux et ils l’acceptent volontiers. »
Deux dortoirs, une chambre destinée aux familles ou aux mineurs non accompagnés, pas d'air frais : les fenêtres ne s'ouvrent pas... Au bout d'un couloir, il y a les sanitaires, une cuisine, une salle de séjour avec téléviseur et baby-foot. Une petite bibliothèque avec des livres, des jeux de société, quelques jouets. Un bureau de l'ODM et un autre dévolu aux collaborateurs d'ORS Service SA, l'entreprise mandatée pour l'encadrement des requérants, complètent le tableau. Au sous-sol, l'association d'aide juridique Elisa possède elle aussi un espace de travail. Sur le toit du bâtiment : une terrasse grillagée d'une trentaine de mètres carrés avec vue sur le tarmac ! La galerie marchande du terminal, ses bars et ses boutiques de luxe sont l’autre alternative des requérants pour faire quelques pas.

Dieu est toujours là
« J’ai obtenu qu’ils reçoivent 3 francs par jour durant le temps de la procédure, c’est-à-dire le premier mois », indique Anne-Madeleine. Dont l’objectif est de les aider à vivre « là où c’est le mieux pour eux. Or ici en Suisse, cela devient misérable, déplore-t-elle. Après avoir été déboutés, ils n’ont pas le droit de travailler. » Longtemps membre de l’Eglise évangélique de Cologny (FREE), l’aumônière a rejoint la Paroisse réformée de son village de Genthoz depuis son entrée en fonction auprès de l’AGORA (Association genevoise œcuménique auprès des requérants d’asile et des réfugiés).
« Dans chaque partage, j’aimerais laisser la confiance que Dieu est toujours là, quel que soit le tunnel à traverser. Les situations particulières de ces personnes sont juste dramatiques, mais j’aime les partager avec eux. » Et pour cela, Anne-Madeleine est prête à se laisser déranger à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Une disponibilité qui fait l’admiration de la police de l’aéroport, qui elle aussi lui téléphone parfois. Pour lui signaler que tel requérant ne semble pas aller bien...
Gabrielle Desarzens
  • Encadré 1: Philippe Rohr : « Etre un Evangile vivant »
    « La bonne nouvelle, c’est qu’il est donné à chacun de nous d’être un Evangile vivant. De témoigner que Dieu permet aux hommes de revenir de la mort à la vie », estime Philippe Rohr, 46 ans, qui travaille comme aumônier à la prison de Champ-Dollon (GE). Pour lui, passer de la mort à la vie, cela signifie se relever. Se sentir soudain libéré du poids de ses chaînes, retrouver goût à l’existence, retrouver de la sève, de la force ; et de la fécondité. « En Christ, cette renaissance est proposée à chacun, sans conditions, souligne-t-il. C’est-à-dire qu’il est donné au plus faible des humains de pouvoir dire : ‘J’étais mort et je suis vivant, pour les siècles des siècles’. »
    Son travail, il le conçoit d’abord comme une écoute. « Quelle que soit la qualité de la rencontre avec un prisonnier, un entretien en aumônerie représente, de fait, une respiration pour la personne détenue. Un moment de paix dans un quotidien qui agresse tous les sens. » Et s’il parle de trésor, dans ces moments partagés, c’est qu’il y a là un rapport fondamental d’égal à égal entre deux êtres « tirés de la même terre, de la même glaise, dans la nudité d’une relation dépouillée de toute prétention. »
    G.D.
  • Encadré 2: Noëlle Sennwald : « Porteurs de vie »
    « Les aumôniers sont des porteurs de vie en ce qu’ils rencontrent des personnes là où elles en sont, dans ce qu’elles vivent, et en leur proposant quelque chose de la lumière de Dieu », résume à St-Loup Noëlle Sennwald. Aumônière depuis 15 ans en milieu hospitalier, dont 11 dans ce site privilégié à Pompaples, cette femme de 60 ans explique faire ce travail parce qu’elle a la foi ; parce qu’elle a vu Dieu, Jésus et le Saint-Esprit à l’œuvre dans sa vie ; parce qu’elle aime les gens qu’elle rencontre ; et parce qu’elle découvre chez eux des perles de vie.
    « Il y a une beauté de la relation, de la rencontre, même dans la douleur, déclare-t-elle. C’est le ‘déjà’ et le ‘pas encore’ de l’apôtre Paul. C’est partir de la souffrance du Vendredi Saint et déboucher sur la résurrection. Cette lumière de Pâques, on ne peut pas la vivre sur terre de façon concrète sans passer par le sentiment que l’on va mourir. Le ministère que le Seigneur m’a confié, c’est d’être là pour redonner cette espérance. Montrer que là-haut, c’est habité et qu’on n’est pas seul jusque-là. » Noëlle Sennwald propose la prière et découvre toujours l’humilité. « On ne peut apporter que ce que l’on vit et laisser le choix à l’autre de prendre ou non. »
    G.D.
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