L’Arbre généalogique de Noël, un conte de Noël d'Alix Noble Burnand

vendredi 11 décembre 2009
Alix Noble Burnand conte depuis 25 ans. Toutes sortes d’histoires, parmi lesquelles des histoires inspirées de la Bible. Elle nous propose ici un conte de Noël à dire en famille. Un conte inspiré du livre biblique de Ruth... et qui, comme par enchantement, s’ouvre sur la naissance de celui qu’Alix Noble Burnand appelle le Maître des mots. A lire en famille ! Et pourquoi pas à l’occasion de la veillée du 24 décembre ou le 25. Bien du plaisir !
Noël, c’est un grand arbre dont les racines plongent loin, au fond des temps.

En ce soir-là, il y a la fête du battage dans un champ sous le village de Bethléem. Le maître a offert à boire et à manger aux moissonneurs sur l’aire, là où on a battu.
Les ouvriers s’en vont et remercient le maître de moisson pour le repas. L'homme se lève péniblement, titube un peu, trébuche et se rattrape aux branches basses d'un olivier. Chaque année, c'est pareil, il boit un peu trop! Mais comment faire autrement ? C'est la coutume qui veut ça. Un bon patron offre beaucoup à boire et il boit avec ses ouvriers : s'il ne faisait pas honneur au vin, ils ne comprendraient pas, ils prendraient ça pour de la fierté. Ça mettrait une distance entre eux et lui.
Les moissonneurs rentrent par groupe au village. La nuit tombe. Il devine encore leurs silhouettes sur le chemin, mais distingue à peine les murs roses des maisons; un groupe de femmes s'attarde encore près du feu : elles chuchotent, pouffent… les cancans habituels.
Elle n'est pas venue.

En plus, cette année est vraiment une année exceptionnelle: l'orge déjà, et maintenant le blé… L'homme regarde le tas éclairé par un reste de feu. Une quantité incroyable, comme si l'Eternel avait voulu se faire pardonner les années de sècheresse. Il a fallu une bonne semaine pour battre. Les hommes n'ont ménagé ni leur peine, ni leurs fléaux. Les femmes non plus : à peine le vent du soir se levait-il qu'elles arrivaient par groupe avec leur grands vans.

Elle, toujours seule, venait en dernier
avec le vieux van effiloché de sa belle-mère.
Peut-être qu'elle n'a pas bien compris
qu'elle était invitée pour la fête.
Ou alors, elle n'a pas osé.

La nuit s'appesantit sur les champs. Le maître entend dans le lointain les refrains paillards des moissonneurs qui rejoignent le village et les rires aigus des femmes.

Il l'a attendue. Il peut bien se l’avouer maintenant.
Toute la soirée, il a regardé vers le chemin.

Il jette un peu de bois sur le feu et se dirige vers le tas de blé. Il va dormir tout près. Il s'enroule dans son manteau et se couche sur le sol dur. C'est ainsi : le maître dort sur l'aire tant que le blé n'est pas rentré dans les greniers.
Le ciel étale en dessus de sa tête son pailletage d'étoiles. L'odeur fade du grain rampe sur le sol. Les grillons  font leur fête à eux, maintenant que le silence est revenu.

Souvent, il a cru voir sa silhouette derrière les murs blancs du champ.
Il aurait dû lui parler, avant. Aller vers elle.
Maintenant ce ne sera plus possible :
les moissons sont finies. Ils ne se rencontreront plus.

L'homme se tourne et se retourne. Il ne s'endort pas.

Peut-être qu'elle ne pense pas à lui:
il y a d'autres hommes au village.
D’ailleurs, il sait peu de choses sur elle :
elle vient d’ailleurs, elle aime suffisamment Noémi
pour être partie de chez elle, elle est veuve.
Elle n'était pas servante dans son pays, ça se voit au premier regard :
elle a une prestance, une sorte de race...
Quand le premier jour, il lui a dit qu'elle pourrait
aller boire l'eau à l'outre et manger avec eux,
qu'il avait donné des ordres pour que les hommes ne l'ennuient plus,
elle l'a regardé avec une sorte de froideur.
Elle a répondu, presque avec hauteur :
« Je ne suis pas ta servante, pourquoi me traites-tu ainsi ? »

La nuit pèse de tout son poids sur le village et sur les champs.
Soudain les grillons se taisent.
Un caillou roule.
Une odeur sucrée coule du chemin, s'étale au ras du champ et se mélange à celle du blé. Mais l'homme dort : il n'entend pas le silence, il ne sent pas le parfum. Il ne remarque pas l'ombre tapie derrière le mur.
Il rêve.

Il se voit lui-même, couché sur l'aire.
Soudain un arbre sort de son ventre. C’est un chêne. Il émerge de ses entrailles et élève vers le ciel un bruissement de feuilles.
Le rêveur voit maintenant des portraits d'hommes qui s'étagent sur les branches de l'arbre depuis le bas vers le haut : le premier est un roi d'une grande beauté. Il pince les cordes d'un luth et son chant se perd dans les étoiles.
Le second tient une épée d'or. Il juge et tranche.
Le troisième, le quatrième, tous sont rois.
En haut du chêne, le dernier roi, un bébé, vagit sous le ciel étoilé.
Sur la dernière branche, un roi nu hurle, puis meurt, les bras en croix.
L'arbre frémit du haut en bas.
L'homme sursaute : l'onde a pénétré ses entrailles.
Il se réveille d'un seul coup et rejette la couverture pour regarder son ventre.
Il y a quelqu'un!... Là, sous la couverture, tout près de son ventre, il y a quelqu'un!
Il bondit et crie:
— Qui est-là?
Une forme se déplie, un parfum se déploie.
Il la reconnaît enfin : c'est elle, Ruth. Elle qu’il a attendue toute la soirée !
Elle se dresse sur un coude. Il ne voit pas son visage. Elle chuchote :
— Noémi m'a dit que tu es racheteur. S'il te plaît, rachète-moi.
L'homme se penche vers le visage levé de la femme. Il respire son parfum. Son coeur bat.
Racheteur? Il n'avait plus pensé à cette histoire de rachat.
(La loi juive, en effet, prévoit les remariages avec des veuves. Dans le cas où le mort ne laisse pas d'enfant à sa femme, le racheteur – le frère ou le plus proche cousin – épouse la veuve, lui fait un enfant et rachète s'il le faut les biens du défunt. Il assure ainsi une descendance au mort et un avenir à la veuve.)
— Ta belle-mère dit vrai, mais il y a un autre racheteur, un parent plus proche. Je m'en occuperai demain. Toi, maintenant, reste ici.

Avant l'aube, il la réveille. Elle doit être rentrée avant le jour parce qu’il ne faut pas qu'on sache, au village, qu'elle a dormi avec lui.
Il ôte un à un les brins de paille qui parsèment ses longs cheveux embroussaillés.
Il respire son odeur.
— Donne-moi ton manteau, dit-il.
Elle frissonne et le lui tend .
Il va vers le tas de blé. Il y plonge ses mains et remplit le manteau de grains de blé.
— Ainsi, tu ne rentreras pas à vide chez toi.

C'est ainsi que Booz, le maître de la moisson, a épousé Ruth, la veuve du pays de Moab, celle qui était revenue avec Noémi, sa belle-mère veuve aussi, dans son village de Bethléem.
L’arbre de Noël est sorti de terre, il a poussé ses premières branches.
Ruth et Booz ont eu un fils, Oved. L’un des fils d’Oved, Jessé, a lui-même eu 7 fils, dont l'un, David, a eu 17 fils, dont l'un, Salomon a eu des fils, dont l'un....
De branche en branche, l’arbre est monté haut dans le ciel du temps tout scintillant d'étoiles.
Jusqu'à cette nuit-là, où, sur l'aire abandonnée d'un champ au bas de Bethléem, une femme gémit de la douleur qui lui tord les entrailles. Elle pousse, et pousse en dehors d’elle un petit bébé : le descendant de Ruth et de Booz.

Il s’appelle Emmanuel, Dieu avec nous. Et l’on n’est plus jamais seul.
Il s’appelle Bethléem, la maison du pain. Et l’on n’a plus jamais faim.
Il s’appelle le Racheteur, il ranime nos vies.
Il s’appelle Noël.

Alix Noble Burnand                                                                               novembre 2009


Publicité

Journal Vivre

Opinion

Opinion

myfreelife.ch

  • Pour les Terraz et les Félix, des choix porteurs de vie

    Ven 22 septembre 2023

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Jeu 15 juin 2023

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

  • Une expérience tchadienne « qui ouvre les yeux »

    Ven 20 janvier 2023

    Elle a 19 ans, étudie la psychologie à l’Université de Lausanne, et vient de faire un mois de bénévolat auprès de jeunes de la rue à N’Djaména. Tamara Furter, de l’Eglise évangélique La Chapelle (FREE) au Brassus, a découvert que l’on peut être fort et joyeux dans la précarité.

  • « Oui, la relève de l’Eglise passe par les femmes »

    Ven 16 septembre 2022

    Nel Berner, 52 ans, est dans la dernière ligne droite de ses études en théologie à la HET-PRO. Pour elle, la Bible est favorable au ministère féminin. Et les communautés doivent reconnaître avoir besoin tant d’hommes que de femmes à leur tête.

eglisesfree.ch

  • Rencontre générale de la FREE : vers une réorientation du budget

    Ven 13 décembre 2024

    La seconde Rencontre Générale de la FREE pour 2024 s'est tenue le 23 novembre à l'Eglise évangélique des Amandiers (Lavigny). Les délégués des Eglises ont accepté le budget 2025 et la modification d'un article des statuts, les membres de la direction ont donné des nouvelles de leur secteur et Michel Faggion a présenté la mission de la FLP. Compte-rendu.

  • Rencontre générale : la FREE confirme son désir d’apporter un soutien efficace aux Eglises

    Ven 26 avril 2024

    La dernière Rencontre générale de la FREE a montré que sa situation financière est relativement saine. Elle a aussi montré comment la fédération remplit des tâches indispensables aux Eglises, et que celles-ci ne pourraient par remplir à titre individuel.

  • Un·e responsable des finances (10%)

    Lun 29 janvier 2024

    Plus grande fédération d’Eglises évangéliques en Suisse romande, la FREE offre un cadre de travail dynamique et défiant, en lien étroit avec les autres acteurs du milieu chrétien évangélique romand, suisse et international. Dans ce cadre, la FREE recherche un·e responsable des finances.

  • Rencontre générale : une fédération utile

    Mer 29 novembre 2023

    La Rencontre générale du 25 novembre 2023 a permis de remercier Stéphane Bossel pour 23 ans d’engagements divers et importants dans la FREE. Elle a aussi permis à l’équipe de direction de partager quelques priorités, notamment le sens, les valeurs et la plus-value que la FREE peut offrir aux Eglises.

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !