Grâce à internet, le monde se rétrécit et devient une sorte de village global. Du temps de l'apôtre Paul, l'Eglise locale se préoccupait déjà de certaines communautés qui se trouvaient bien loin de son territoire géographique. Aujourd'hui, nous atteignons le bout du monde en autant de temps que Paul mettait pour aller d'une grande ville grecque vers une autre. Nous mangeons les produits d'un autre continent et nous sommes impliqués directement dans les échanges commerciaux avec le bout du monde.
L’Eglise émergente, acteur de la scène mondiale
La mondialisation fait peur et nous aurions, en tant que chrétiens, tendance à la combattre, sans nous rendre compte qu'elle participe à l'avènement du Christ et bien sûr, dans une visée eschatologique, à l'émergence de l'Antichrist. Notre histoire humaine converge vers un point final. Ce que nous pouvons faire, c'est limiter les dégâts, mais en aucun cas, nous ne pouvons changer le cours de l'histoire. Nous avons donc un double rôle à jouer: celui de préparer l'Eglise à affronter les pouvoirs qui s'opposent à Dieu et celui de "bon samaritain" comme de pourvoyeur de justice et d'équité. Une Eglise émergente doit s'inscrire dans un contexte de mondialisation. Elle doit cultiver une mentalité "mondialiste". Ma manière de vivre, de consommer, de faire de la politique ou du social, de me détendre a des répercussions jusqu'au bout de la terre. Notre manière de faire Eglise aujourd'hui ne peut plus ignorer les personnes au-delà de nos frontières. Traditionnellement, nous avons toujours eu ce souci des autres, puisque nous avons envoyé des missionnaires jusqu'au fin fond de la brousse, mais cette action se situait sur d'autres continents, sans relations directes avec nous. Les arts, la musique de ces pays, dits éloignés, bouleversent nos standards européens ou occidentaux. Les habitants du Sud travaillent pour nous, nous chaussent, nous habillent et nous nourrissent en partie. Aujourd'hui, surtout au travers des flux migratoires, nous nous rendons compte que les déséquilibres entre riches et pauvres, entre Nord et Sud, se répercutent jusque sur le pas de nos portes. Le village planétaire prend forme sous nos yeux.
L'Eglise émergente doit se profiler comme un acteur de la scène mondiale, non pas dans le sens traditionnel d'une entité qui veut dominer l'espace mondial du religieux, mais comme un organisme vivant, qui interagit avec des influences et des apports venant d'ailleurs. Elle donne, mais elle reçoit également. Nous prions par exemple pour les pays africains, mais quel est l'élan de prière venant de là-bas, en notre faveur?
Agir en interconnexion
Jusqu'à maintenant nous avons surtout sous-traité notre aide matérielle ou spirituelle au tiers-monde à des agences spécialisées. Notre rôle principal étant celui de financer. Par la même occasion, nous avons aussi perpétué un certain esprit post-colonial de supériorité qui restreint très souvent notre rôle à la sphère de l'argent. Si nos frères et sœurs de l'hémisphère Sud n'avaient pas des problèmes financiers récurrents, feraient-ils autant appel à nos soi-disant compétences? Nous avons le culot de voyager dans ces pays pour leur apprendre à mieux gérer et à faire croître l'Eglise, alors que les nôtres, ici en Occident dépérissent. C'est comme si un chef d'entreprise, dont la boîte est en train de faire faillite, se permettait d'enseigner ses pairs, pour dynamiser leur société commerciale.
Avec les moyens de communication modernes, il y a possibilité de se connecter directement avec les communautés ou organisations sur place et de plus en plus de groupes n'hésitent pas à prendre contact avec les Eglises d'ici. C'est une belle opportunité pour que les chrétiens du Nord et du Sud entrent en relations sans intermédiaires et peut-être un meilleur moyen de s'épauler réciproquement, en se rendant service.
Pour donner un exemple concret, je citerai le cas d'un médecin de notre communauté, actif à plein temps dans un hôpital missionnaire au Bangladesh. Il fait venir régulièrement, durant plusieurs semaines, des collègues européens, pour lui donner un coup de main. Récemment, un anesthésiste, membre de notre communauté, y est allé et ces "voyageurs" de la bienfaisance rapportent en retour des remises en question de notre style de vie, de nouveaux regards sur notre réalité, mais aussi sur celle des gens qu'ils ont aidés. Nous sommes saturés de reportages TV sur le tiers-monde, mais nous avons peu de réactions en live.
J'imaginerais qu'une Eglise émergente puisse s'atteler à un projet d'assainissement de l'eau dans une bourgade de l'hémisphère Sud tout en travaillant pendant toute la durée de l'intervention, ici en Europe, sur sa relation à l'eau. Certains de nos jeunes en difficultés existentielles auraient peut-être avantage à être engagés dans ce type d'actions et certaines personnes de là-bas pourraient trouver, ici, chez nous, des enseignants pour les former dans un métier ou une discipline scolaire. Les techniques de communication par internet sont maintenant très abordables pour pouvoir les utiliser à bon escient. La seule réponse à donner au problème de l'immigration clandestine et aux flots migratoires, c'est d'agir en interconnexion. Entre les peuples du Sud et nous, il y a le miroir déformant des médias électroniques. Nous ne connaissons pas la réalité cachée des gens en face de nous. C'est vrai pour eux et pour nous. Le partage des soucis peut amener à une nouvelle compréhension mutuelle. Il faudrait décoller de l'ornière "aide aux tiers-monde" pour rouler sur le chemin du tiers-monde qui nous aide.
Le train du partage
Si nous ne crochons pas nos Eglises émergentes au train du partage et de la relation Nord-Sud, nous allons créer une Eglise de l' « entertainment » spirituo-culturel. Déjà, aujourd'hui, les concerts, la production de musique ou de vidéos, les loisirs comme les voyages culturels à caractère chrétien, mangent une grande partie de nos investissements en argent et en temps. Franchement, quels sont les fruits générés par le monde musical, que nous retrouvons dans nos Eglises? Je ne veux pas tirer à boulets rouges sur le monde de la musique, mais je voudrais attirer l'attention, sur le fait qu'on se laisse peut-être trop vite embarquer dans ce monde des loisirs dits "loisirs pour évangéliser" ou pré-évangélisation.
Le fait de brancher une communauté sur les souffrances de la vie, permet de garder un certain équilibre et une certaine pertinence de la foi. Adaptation au monde des loisirs, oui, mais inféodation au diktat du loisirs, non!
Henri Bacher
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