Les pratiques de la société de consommation seraient-elles aussi entrées dans l'Eglise? Maintenant le croyant peut choisir son style de culte, comme s'il choisissait un yogourt au supermarché. Un culte à la "fraise", à la "vanille" selon le goût de chacun! Des activités cultuelles "colorées" selon les besoins de chacun? A première vue, c'est peut-être ce que l'on pourrait penser en fréquentant l’Eglise évangélique des Amandiers à Lavigny, qui en est à son huitième « culte à choix multiples ». J'ai assisté au quatrième et dernier de la deuxième saison et rassurez-vous, on est bien loin de la mentalité du pousseur de caddy.
Comment ça marche?
La manière de faire est très simple, mais l'idée vaut la peine d'être explorée. Tous ceux qui viennent pour le culte participent à un moment de louange d'une durée de 30 minutes. Jusque-là rien de nouveau. C'est ce que l'on retrouve dans la plupart de nos communautés. Là où le rythme de la matinée change, c'est dans la deuxième partie de la rencontre. Les participants choisissent, pour une heure environ, un atelier. Le jour de ma visite, les responsables de la communauté en proposaient six: « Témoigner selon ce que suis », « Accompagner la vie, jusqu’à la fin », « Exprimer sa foi par la danse », « Elémentaire mon cher Théo », « Dire sa foi par le rap », « Stop pauvreté 2015 – La lutte contre la pauvreté au quotidien ». Les groupes se répartissaient entre la salle de culte, des salles dans un bâtiment annexe ou même des locaux appartenant à la commune. Pendant ce temps, en groupes, les enfants et les ados rejoignent leurs activités dominicales respectives. Tradition oblige, le "culte" se termine avec tous les participants autour d'un verre. On est dans le vignoble de la Côte! J'ai mis « culte » entre guillemets, puisque ce matin-là, il n'y a ni prédication, ni sainte Cène.
Dans les discussions avec les organisateurs, il ressort clairement, que la mise sur pied d'une telle panoplie de possibilités, n'est pas une mince affaire. Il faut trouver des gens compétents pour chaque activité, qui non seulement connaissent la matière mais disposent également d’une fibre d'animateur. Dans leur fonctionnement, les ateliers ne se ressemblent pas. L'animatrice du plus grand groupe, une aumônière en hôpitaux, aborde la question des directives à donner avant de mourir. Elle présente plutôt son thème sous forme de conférence. Le groupe s'intéressant au rap rassemble plutôt des jeunes, mais d'autres drainent des personnes de tous âges. La danse attire surtout des dames qui s'exercent sur des danses et des mélodies chrétiennes, drapeaux à l'appui. Le groupe s'attelant à des questions théologiques était le plus "sérieux". Ici pas d'éclats de rire comme pour les autres. On bosse théologie avec pour certains, prise de notes et « tutti quanti ». Il y en a donc effectivement pour tous les goûts et besoins... comme au supermarché!
Pourquoi changer de formule?
Cette référence au supermarché n'est pas anodine. Effectivement, nous sortons de l'ère de l'école où celle-ci avait le même programme pour toutes nos chères têtes blondes (enfin aujourd'hui, c'est plus coloré!). Elle nous inculquait une culture commune et elle n'avait pas vraiment de concurrents jusqu'à l'arrivée du téléphone, des mass médias, d'internet, de la musique électronique. Notre patrimoine culturel est maintenant splitté en mille morceaux. Nous sommes déjà au chantoir N° 3 de JEM et le premier ne ressemble déjà plus au dernier, alors que le Psautier romand a servi de recueil de chants pendant plusieurs siècles. Oui, nous sommes à l'ère du supermarché quant à la diversité des produits culturels mis en circulation. L'Eglise doit suivre cette évolution et revoir sa copie. Lorsqu'on nous parlait d'avoir un même esprit, une même pensée, est-ce que nous parlions de la portée spirituelle de cette parole de l'apôtre Paul, ou bien de son application culturelle? Ne nous méprenons pas, même si nous faisons des efforts d'adaptation pour rejoindre les gens qui ont des attentes différentes, c'est toujours le groupe dominant qui impose sa cadence. Un programme de matinée comme celui élaboré à Lavigny permet réellement de laisser la place à des expressions culturelles différentes et du même coup de répondre à des besoins différents. On ne vient pas toujours le dimanche matin avec les mêmes préoccupations, les mêmes souhaits et les mêmes dispositions.
Le problème de l'unité
L'unité va devoir se vivre et se concrétiser différemment aujourd'hui que par le passé et il ne suffit pas d'avoir un moment de louange en commun pour la développer. Ce sera le pas suivant dans ce genre d'activités cultuelles: comment créer une unité spirituelle, mais aussi une unité d'action, autrement qu’avec des temps liturgiques, forcément imprégnés de culture? Il faudra donc sérieusement s’atteler à une nouvelle théologie de l’unité. Développer des critères pour mesurer celle-ci. C'est tout le chantier qui doit s'ouvrir en arrière-plan, sinon l'Eglise ira dans une "balkanisation" spirituelle au lieu d'être corps du Christ.
Henri Bacher
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