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Shane Claiborne, un Américain adepte de la mission intégrale en Occident

mercredi 29 août 2012

Il détonne à plus d’un titre ! Par son habillement, par son engagement dans une communauté de vie, par ses prises de position aux antipodes de la caricature de l’évangélique américain… Shane Claiborne était en Angleterre fin juillet pour une conférence près de Bath. Portrait de ce trentenaire, figure majeure de la mission intégrale en Occident.

Shane Claiborne a la trentaine bien entamée. Il porte des habits amples qu’il a cousus lui-même. Son pantalon a deux poches à l’avant, car « les hommes souffrent de mal de dos à cause de leur portefeuille dans leur poche arrière » ! Des dreadlocks soignées lui arrivent jusqu’à la taille. C’est un chrétien radical, mais non pas un chrétien « cool ». Ses dreadlocks, il a même eu l’intention de les couper lors d’une prédication, car elles le rendaient trop « cool ». Les chrétiens, selon lui, ne sont pas appelés à être « cools », mais extra-ordinaires !
En 1997, dans un souci de marquer une différence dans la société américaine, Shane et ses amis créent à Philadelphie une communauté de vie appelée « The Simple Way » (le chemin ordinaire). Installée dans un des quartiers les plus défavorisés de la ville, une friche industrielle, cette communauté partage l’amour du Père par des actes, en redynamisant les activités de quartier, en logeant les sans-abris, en nourrissant les pauvres, en aidant ceux qui souffrent d’addictions ou encore en faisant les devoirs avec les enfants.
 
Prendre au sérieux l’Evangile qui dérange
En souriant, Shane Claiborne s’exclame: « L’Evangile donne du réconfort aux personnes en difficulté, et pose des difficultés aux personnes confortables ! » C’est en rencontrant des sans-abris que la vie de Shane Claiborne a changé. Confronté à la souffrance des rues, ce jeune américain a commencé à être dérangé par l’Evangile. « C’est à ce moment là que j’ai vu que j’étais un croyant, mais que je ne suivais pas ce que Jésus nous dit », affirme-t-il. Sa rencontre avec Mère Teresa et quelques séjours en Irak, notamment pendant la Seconde Guerre d’Irak, font aussi partie de ces expériences transformatrices qui l’ont amené à mener un style de vie « simple et radical ».
Selon lui, les chrétiens doivent mener une vie connectée aux souffrances des autres. Jésus, lui-même, vivait cette connexion en étant un immigré, un rescapé d’un massacre d’enfants et un SDF. Il était sans cesse entouré de gens qui souffrent. Pour répondre à l’appel de Jésus, « nous devons prendre nos passions les plus profondes et les associer aux souffrances de notre monde, afin de voir les graines du Royaume de Dieu pousser », s’exclame Shane, débordant d’enthousiasme.
 
Une sainte cène lui vaut la prison !
Passionné par la justice sociale, la réconciliation et Jésus, ce trentenaire a su ainsi lier ses passions à la souffrance de son quartier. Shane Claiborne a connu des cellules de prison de la police de Philadelphie. Il a été incarcéré après avoir protesté contre des lois interdisant à toute personne de dormir dans la rue, ou encore prohibant la distribution de nourriture dans l’espace public. C’est en dormant dans la rue avec des sans-abris et en partageant la sainte scène avec des SDF dans un espace public que Shane et ses amis ont réussi à faire modifier ces lois injustes.
« The Simple Way » essaie d’instaurer un climat de paix entre les habitants du quartier et la police. Les jeunes, haineux à l’égard des forces de l’ordre qui avaient emprisonné des proches, ont été invités à rencontrer les policiers. Ils ont appris à les connaître et à les respecter. Il est même arrivé qu’un policier sorte sa matraque et joue au baseball avec les enfants de ce quartier. A Shane de déclarer avec des mains qui s’agitent : « Les chrétiens doivent être connus pour leur capacité à rompre avec une dynamique de mort par l’amour ! »
 
Un espoir rédempteur
Voilà plus de 10 ans, Shane racontait à un ami qu’il ne voyait pas beaucoup de changements dans son quartier. L’octogénaire lui demanda depuis combien de temps sa communauté vivait là. Apprenant que cela faisait 5 ans, ce même homme s’exclama : « Vous verrez du changement, mais dans 10 ans peut-être ! » S’insérer dans un quartier prend du temps. Après presque 20 ans, la communauté « The Simple Way » voit une brise de changement souffler. « Ce sont des petits pas », déclare Shane Claiborne. « Quand il y a 10 personnes qui sont sans-abri et qu’une arrive à s’en sortir, c’est déjà incroyable ! Ça montre qu’il y a une fissure dans le mur et une opportunité. Il y a toujours un espoir rédempteur ! »
Antje Carrel
 
Shane Claiborne a publié plusieurs livres dont un est traduit en français : Vivre comme un simple radical, Paris, Première Partie, 2009, 250 p. Pour une présentation de ce livre.
  • Encadré 1:

    « L’important, c’est de rencontrer les difficultés des gens autour de nous ! »

    Shane Claiborne était en Angleterre fin juillet pour une conférence « New Wine », qui appelle les Eglises locales à changer les nations. Cet activiste et « pécheur en convalescence » a répondu à quelques questions sur la mission intégrale.
     
    Votre communauté de vie « The Simple Way » a des valeurs similaires à la mission intégrale, vous identifiez-vous à ce mouvement ?
    Oui, bien qu’on l’appelle parfois différemment. Un de mes professeurs me disait : « Donne à quelqu’un un poisson et il mangera pour la journée, mais apprends-lui à pêcher et il mangera pour le reste de sa vie. » Aimer notre prochain comme nous-même signifie aider les gens qui souffrent d’injustices, ceux qui sont marginaux, et éviter qu’ils ne se fassent écraser par le « rouleau compresseur » de la société.
     
    Qu’est-ce que vous faites pour aider les gens de votre quartier à ne pas se faire écraser par ce « rouleau compresseur » ?
    On aide les gens à s’exprimer, on les aide à avoir une voix. Par exemple, on a commencé une communauté de désintoxication qui s’appelle « Nouvelle Jérusalem ». Sur le mur d’entrée de cette maison est inscrit : « Nous ne pouvons pas être guéris tant que nous n’aidons pas à guérir la société qui nous a rendu malades. » Nous croyons vraiment au blessé guérisseur. Nos blessures ne font pas seulement partie de notre existence, mais elles deviennent nos diplômes, elles nous équipent afin d’aider les autres. C’est pour cela que, lorsqu’on rencontre des personnes qui veulent sortir de la drogue, on demande de l’aide à des amis qui en sont sortis. Leur sagesse est bien plus grande que la nôtre. Dans la Bible les plus grands instruments de la grâce de Dieu ont été des personnes blessées profondément : David, Saul de Tarse, Marie Madeleine, etc.
     
    On peut lire de nombreuses choses sur la mission intégrale, mais auriez-vous des conseils pour la mettre en action au quotidien ?
    On ne peut pas avoir que de la théorie de théologiens. Il faut écouter les personnes de terrain, qui côtoient de près la souffrance et l’injustice. Jésus n’est pas venu sur terre avec une théorie, ni avec une théologie expliquant comment aider les pauvres. Il est arrivé sur terre comme un nouveau-né réfugié, durant un massacre d’enfants. Après, il a parcouru le monde sans avoir un lieu où reposer sa tête. Finalement, il est mort sur une croix. Une très grande partie de sa vie a été consacrée à entrer en contact avec les difficultés des gens ! C’est ce que nous faisons avec « The Simple Way ». Mère Teresa disait très justement : « Aujourd’hui, c’est la mode de parler des pauvres, malheureusement ce n’est pas le mode de leur parler. » Nous devons faire attention de ne pas parler des pauvres sans avoir des pauvres à notre table !
    Propos recueillis par AC
  • Encadré 2:

    Bio express

    Natif du Tennessee, l’un des Etats du sud des Etats-Unis profondément imprégné de foi évangélique, Shane Claiborne entreprend des études de sociologie et une formation comme animateur jeunesse à l’Eastern University en Pennsylvanie. Il y est l’élève du sociologue et théologien Toni Campolo.
    Depuis une dizaine d’années, Shane Claiborne est l’un des représentants les plus médiatisés d’un mouvement qui, en milieu évangélique américain, est appelé le « nouveau monachisme ». Ce mouvement rassemble des lieux de vie communautaire qui tentent, au travers de leur vivre ensemble, d’incarner l’Evangile dans un environnement souvent difficile.
    Agé de 37 ans, Shane Claiborne a publié notamment Vivre comme un simple radical en 2006, un ouvrage disponible en français. Il y retrace sa recherche d’une vie de disciple juste et sa quête d’une foi chrétienne incarnée dans le quotidien de la vie.
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