Vallorbe. Une petite ville frontière de 3300 habitants aux allures montagnardes, touchée par la crise économique des années 70 et pourtant toujours vivace. En 2000, les autorités helvétiques y déplacent de Genève le Centre d’enregistrement pour requérants d’asile. Un coup de tonnerre qui permet une formidable ouverture d’esprit : des chrétiens du lieu s’y sont engouffrés, à l’image d’Yvette Bourgeois, présidente de l’ARAVOH (Association auprès des requérants d’asile de Vallorbe œcuménique et humanitaire).
Entre 20 et 50 nouveaux requérants chaque jour
Ancien grand hôtel de Vallorbe puis ancienne caserne, le Centre d’enregistrement et de procédure (CEP) compte aujourd’hui 274 lits. Des collaborateurs de l’Office fédéral des migrations (ODM) gèrent le lieu et reçoivent souvent entre 20 et 50 nouveaux demandeurs d’asile par jour. La bâtisse n’est pas des plus accueillantes : des barbelés l’entourent et l’œil averti perçoit que les portes d’accès n’ont pas de poignée extérieure. Le lieu est donc fermé et le quidam n’y entre pas. Ce matin de fin mars, deux requérants d’asile en sortent. Les mains enfoncées dans les poches de leur veste, ils sont nu-pieds dans leurs tongs, malgré le fond de l’air encore cru. Ils se rendent dans les locaux de l’ARAVOH, à 50 mètres de là, dans une aile de la gare.
« Bonjour, Mama Africa ! »
Yvette Bourgeois pousse la porte d’entrée de ce lieu d’accueil. Elle est saluée d’un « Bonjour Mama Africa ! » empreint de respect par plusieurs jeunes Africains. « Cela veut dire qu’ils saluent celui ou celle qui ouvre sa porte et qui reçoit son prochain comme ses propres enfants », explique-t-elle.
Sur 60m2, l’association offre dans cette ancienne salle de cours pour apprentis CFF avant tout un espace autre que les couloirs du CEP. Et puis du thé, du café, une écoute, du partage... et un conseil juridique. Deux juristes en effet y sont employés par le SAJE (Service d’aide juridique aux exilés). « La loi suisse est devenue très restrictive. Peu de recours sont admis et les histoires sont lourdes : notre travail est très difficile », commente avec pudeur le juriste de ce matin.
45 bénévoles pour assurer une présence
Dans la pièce principale, quarante-cinq bénévoles se relaient autour des tasses pour assurer une présence – toujours par équipe de 2 – du lundi au vendredi de 9h à 11h et de 14h à 16h. Un tiers de ces bénévoles sont des hommes, un tiers d’entre eux est de Vallorbe même et on dénombre parmi eux tant des jeunes retraités que des professeurs ou des mères au foyer, commente Yvette Bourgeois. Ce matin, ce sont deux femmes, l’une de Jougne, en France voisine, l’autre du Brassus, qui servent les personnes occupées à jouer ou à discuter. « On les aime, c’est tout », disent-elles entre deux tasses lavées et essuyées.
Bientôt plus à la gare !
Depuis 5 ans, la structure fonctionne bien dans ces locaux. Mais une motion a été déposée par des habitants de Vallorbe pour « rétablir l’identité de la gare ». En dépit des bancs enlevés par les CFF et la salle d’attente fermée pour prévenir la présence des demandeurs d’asile, 105 m2 de porta cabines sont en effet prévus pour l’ARAVOH de l’autre côté du CEP et donc loin de la gare... « On a accepté cette solution pour la paix au village. Le déménagement est prévu à l’automne », indique Yvette Bourgeois.
Gabrielle Desarzens
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