365 jours, pas un de plus

Gilles Geiser vendredi 23 décembre 2022

Gilles Geiser, pasteur dans l’Eglise évangélique de Châble-Croix, à Aigle, nous propose un conte de Noël. Découverte...

Il était une fois, dans une époque très lointaine, un oiseau spécial qu’on appelait l’oiseau de joie. Son plumage était flamboyant, son éclat magnifique. Et que dire de son chant ? Il était à la fois mélodieux et envoûtant.

L’oiseau de joie était un oiseau extraordinaire.

A sa naissance, en plus de tous ces talents magnifiques, son créateur lui avait donné un pouvoir particulier et unique : il pourrait, durant un an, se transformer en une autre créature de son choix.

Trois cent soixante-cinq jours exactement. Pas un de plus.

Il lui suffirait de chanter la note la plus aiguë de son étonnante tessiture, et ce serait fait : pour une année exactement, il deviendrait un autre.

« Mais souviens-toi, lui avait dit son créateur, 365 jours, pas un de plus. »

Gardant précieusement en mémoire ce don extraordinaire, l’oiseau de joie s’en allait découvrir des espaces grandioses. Il volait au-dessus des montagnes les plus hautes, chantait de tout son cœur, virevoltait comme un voltigeur dans les airs, et visitait les terres les plus lointaines.

Son expérience favorite ? Découvrir de nouvelles îles ! Planer au-dessus de l’océan sur des kilomètres et des kilomètres, se laisser porter par le vent, et apercevoir, au loin, une petite tache pleine de verdure, sentir le bleu de l’eau s’éclaircir peu à peu, pour laisser apparaître les bandes de sable, des palmiers, des noix de coco !

Dès qu’il voyait une nouvelle île, il se dirigeait prestement vers elle, battait des ailes comme un fou, et se posait sur le premier arbre à sa portée.

Un jour, notre oiseau de joie survola une île qui l’intrigua. Elle était bizarre. En fait, ce n’était pas l’île qui était bizarre, mais ses habitants. Il y avait quelque chose qui ne jouait pas, quelque chose qui clochait. Pas quelque chose de visible, non, pas quelque chose de flagrant. Mais quelque chose quand même, sans qu’on sache trop quoi.

Notre oiseau de joie décida de survoler cette île jusqu’à ce qu’il décèle la source du malaise qu’il ressentait. Et puis, un matin, il comprit : les habitants de cette île-là ne riaient pas.

Pas un rire. Nulle part.

Dans les cours d’école, pas de fou-rire.

Entre les couples qui s’aimaient, pas de rire aux éclats.

Aucune franche rigolade entre adolescents qui bavardaient ça et là.

Les vieux non plus ne riaient pas en se rappelant leurs bêtises d’autrefois.

Sur cette île-là, les habitants ne riaient pas.

Alors, l’oiseau de joie se mit en tête de leur faire découvrir la beauté du rire. Il siffla avec entrain, tenta le plus beau chant de son répertoire, virevolta de ses hautes-voltiges les plus invraisemblables, proposa des cabrioles loufoques, des culbutes amusantes. Rien n’y fit. Il tenta même de faire semblant de tomber, de se prendre des arbres « pour de faux » pour que les habitants - les enfants au moins ! - émettent un sourire.

Rien.

Sur cette île-là, les habitants ne riaient pas.

Alors, l’oiseau de joie changea de tactique : il décida de commencer par un seul cœur, en espérant qu’ensuite, l’île entière lui emboîterait le pas.

Il s’approcha donc d’un petit garçon, Lupin de son vrai nom. L’oiseau de joie virevolta au-dessus de sa tête, se posa sur son épaule.

Et Lupin l’accepta. L’oiseau merveilleux essaya alors de parler au creux de son oreille « Souris ! » lui disait-il ! « Rigole ! Sois heureux ! »

Mais Lupin n’y comprenait rien. Il n’entendait qu’un chant d’oiseau, un beau chant, c’est vrai, mais rien de compréhensible. De beaux gazouillis, dénués de sens ; un bruit un peu plus beau que le silence.

Lupin était loin d’imaginer que l’oiseau de joie essayait de lui communiquer quoi que ce soit. Il ne comprenait pas.

C’est alors que l’oiseau de joie décida d’utiliser le cadeau particulier et unique qu’il avait reçu à la naissance : se transformer en une autre créature. Trois cent soixante-cinq jours, et pas un jour de plus. Un beau matin, très tôt, très très tôt, bien avant que le soleil ne se lève, l’oiseau de joie siffla sa note la plus haute qui soit. Instantanément, il se transforma.

Il devint une petite fille, pleine de joie ; avec des cheveux tout bouclés, comme il l’avait demandé. L’oiseau de joie était devenu Laetitia.

La première chose qu’elle fit, ce fut d’aller voir son ami Lupin… pour lui apprendre à rire !

Elle sonna chez lui. Lupin ne la reconnut pas, mais il la trouva sympa. Ils se lièrent d’amitié, et, trois jours plus tard, en préparant leur goûter, Lupin fit tomber sa tartine qui atterrit – bien entendu - du côté confiture ! Lupin fit une de ces têtes ! Du coup, Laetitia éclata de rire.

A ce moment-là, ce fut comme si le monde s’était arrêté.

C’était la première fois que Lupin entendait un rire ! C’était magnifique ! C’était tellement beau, tellement gai, tellement naturel et rafraîchissant. Il n’avait jamais entendu une chose pareille ! Il était émerveillé.

Les yeux grands ouverts, ébahi, il regarda Laetitia et lui dit : « C’était quoi, ça ? »

- Un rire ! dit Laetitia. C’était un rire !

- Alors apprends-moi à rire, lui dit Lupin.

Et c’est ce que fit Laetitia, un an durant.

En commençant par Lupin, sa famille, ses parents. De classe en classe, de cour en cour, de porte en porte, de cœur en cœur. Elle apprit à rire à tous les habitants de l’île. Rire pour un rien, rire de tout cœur, rire à en pleurer, rire sans plus pouvoir s’arrêter !

Rire.

Les habitants de l’île ne connurent jamais une année aussi belle et rafraîchissante que celle où Laetitia était venue les visiter.

Un beau matin, un an jour pour jour après sa première apparition, Laetitia redevint celle qu’elle était auparavant. Ce matin-là, Lupin aperçut un oiseau magnifique virevolter dans le ciel et se poser sur son épaule.

Un oiseau qu’il n’avait plus revu depuis un an.

Lupin ne reconnut pas Laetitia, non... mais quand il vit l’oiseau virevolter, il éclata de rire.

Et l’oiseau de joie s’envola.

* * *

Notes de l’auteur

A Noël, Jésus n’est pas venu « survoler » notre monde. Il est venu l’habiter. Il est venu nous apprendre et nous donner un essentiel pourtant si vite oublié. Il est venu nous apprendre qu’on était aimés. De classe en classe, de cour en cour, de porte en porte, de cœur en cœur. Nous apprendre à faire de son amour un mode de vie.

Ce que nous fêtons à Noël, c’est l’amour infini de Dieu qui l’a poussé à devenir un être humain. Pas pour un an, non… pour l’éternité.

Pour que l’être humain sache, sans aucun doute possible, qu’il est aimé, l’amour de Dieu s’est incarné. En Jésus. En vérité. Il a partagé dans notre langage la meilleure nouvelle que nous puissions imaginer : « Ne croyez pas que Dieu ne vous aime pas. Dieu vous aime personnellement, infiniment plus que vous ne le croyez. »

En Jésus, Dieu prouve l’immensité de son amour pour l’humanité.

Raison pour laquelle il naît, à Noël. Raison pour laquelle il meurt, à Pâques. Ce même amour l’a poussé à porter, à notre place, la punition que tous nos manques d’amour avaient méritée. Trois jours après, il ressuscitait, pour l’éternité ; pour que son amour soit à jamais présent dans le cœur de ses enfants.

À Noël, c’est l’amour de Dieu qui vient habiter notre monde. Comme un cadeau à recevoir, par la foi. Et tu sais quoi ?... on en a bien besoin !

Joyeux Noël à chacun !

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