Ces juifs qui évangélisent des juifs

vendredi 04 avril 2014

L'organisation missionnaire Juifs pour Jésus est constituée de juifs messianiques – c'est-à-dire de juifs qui ont reconnu en Jésus leur Messie. Son message central est qu'un juif ne cesse pas de l'être, lorsqu'il accueille le salut par la grâce en Jésus (Yéchoua). Explications.

« Nous cherchons à faire de l'Evangile un sujet incontournable pour notre peuple juif dans le monde », explique Stephen Pacht, directeur de la branche suisse de la mission Juifs pour Jésus. Depuis trois ans, après avoir fondé la branche française du mouvement, ce missionnaire s'est établi dans la région de Nyon.
Membre de l'Alliance juive messianique, Stephen Pacht noue des contacts avec des juifs de la région genevoise, mais aussi avec des pasteurs, des curés et même un rabbin. Il organise des célébrations en collaboration avec des Eglises à l'occasion de fêtes juives.
Ainsi, il a collaboré avec l'Eglise évangélique La Fraternelle (FREE) à Nyon dans l'organisation d'une fête de Pourim. Il a également fait découvrir la fête de Hanoucca dans l'Eglise évangélique L'Arc-en-Ciel (FREE) à Gland. Cette fête est célébrée en fin d'année et elle symbolise la résistance spirituelle du judaïsme. En d'autres occasions, il a présenté la Pâque juive à l'occasion de Pâques.

Evangélisation des juifs, enseignement des chrétiens
« Notre travail comporte deux facettes, explique Stephen Pacht. D'une part, nous voulons annoncer l'Evangile aux juifs en leur montrant que Jésus est leur Messie et qu'il n'y a de salut qu'en lui. D'autre part, nous voulons aider les chrétiens à témoigner envers les juifs et à mieux connaître les racines juives de la foi chrétienne. » Dans ce but, la mission Juifs pour Jésus n'engage que des missionnaires juifs messianiques, c'est-à-dire des chrétiens d'origine juive. Par contre, les autres collaborateurs sont pour la plupart des chrétiens d'origine non juive.
Si les juifs messianiques sont peu nombreux dans les régions francophones – et par conséquent les missionnaires de Juifs pour Jésus –, il n'en va pas de même partout dans le monde. Ainsi, la présence de cette mission d'origine étasunienne est importante à New-York, à Kiev (Ukraine), en Israël... « L'organisation est présente dans une quinzaine de pays et elle soutient une centaine de missionnaires à plein-temps, précise Stephen Pacht. Même si beaucoup de mauvaises nouvelles arrivent du Proche-Orient, beaucoup de bonnes choses se passent actuellement en Israël au niveau de l'Evangile. »
Le nombre de juifs messianiques est estimé à 100'000 dans le monde, dont près de 10'000 en Israël. Dans ce pays, les communautés messianiques sont souvent de tendance évangélique charismatique et ne conservent que très peu de pratiques du judaïsme.

Jésus comme Messie : un aboutissement, pas un abandon
Les juifs messianiques tiennent cependant à leur identité et refusent d'être appelés simplement « chrétiens ». Ils ne le font pas par désir de se distancier des Eglises, mais plutôt pour montrer que la foi en Jésus le Messie ne constitue pas une rupture par rapport au judaïsme, mais plutôt un aboutissement, un accomplissement. C'est là un point sur lequel ils insistent beaucoup.
« La plupart des juifs pensent que devenir chrétien est un abandon, voire un rejet de son identité religieuse, ethnique et sociale, précise Stephen Pacht. Cette manière de voir a été provoquée par la chrétienté qui s'est montrée adversaire des juifs. Mais un juif ne cesse d'être juif, lorsqu'il devient chrétien. De plus, beaucoup de juifs pensent que leur religion est incomplète. Ils attendent la venue du Messie et prient pour cela. » Inutile de préciser que l'idée d'une continuité entre judaïsme et reconnaissance de Jésus comme Messie est un argument qui a le don d'exaspérer nombre de rabbins et de juifs orthodoxes !
Une autre raison pour laquelle les juifs messianiques tiennent à cette identité est liée à leur volonté d'annoncer l'Evangile aux juifs. L'apôtre Paul ne dit-il pas qu'il s'est fait juif pour gagner les juifs ?

Diversité d'opinions parmi les juifs messianiques
Dans les régions francophones, il n'existe presque pas de communautés messianiques. La plupart des juifs convertis se rattachent à des Eglises existantes. « Et encore, ces communautés messianiques sont souvent constituées d'une majorité de chrétiens d'origine non juive », précise Stephen Pacht. Il existe par exemple des Centres messianiques à Paris et à Marseille. On trouve également une Maison d'étude messianique à Genève (voir encadré). Celle-ci, constituée en association, pourrait devenir une communauté cette année.
Il existe également des organisations qui ne sont ni des communautés, ni des missions, mais qui encouragent les Eglises à découvrir leur enracinement dans l'Ancien Testament et à évangéliser les juifs. C'est par exemple le cas de l'œuvre française Le Berger d'Israël qui publie un journal et fonde des groupes bibliques.
Le milieu messianique regroupe des chrétiens aux opinions théologiques diverses, notamment en ce qui concerne la fin des temps et la nécessité de conserver une forte identité juive dans la pratique religieuse. Sur le plan politique, beaucoup de juifs messianiques francophones ne voient pas le sionisme comme une position prophétique, mais comme un droit des juifs à vivre dans un pays qui leur appartient. « Les juifs messianiques perçoivent le retour des juifs en Israël comme un signe de la continuité des promesses de Dieu, précise Stephen Pacht. Mais cela n'implique pas que l'Etat moderne d'Israël soit la forme de cet accomplissement. »

N'oubliez pas les juifs !
« Il est important que les chrétiens aient à cœur l'évangélisation des juifs, martèle Stephen Pacht. Certains d'entre eux ont un vif intérêt pour Israël, mais pas nécessairement pour le salut des juifs. Cela tient peut-être à la situation politique au Proche-Orient ou à un point de vue sentimental sur Israël. Mais, plus qu'un peuple élu, agressé ou agresseur, Israël est un peuple de pécheurs qui ont besoin d'un Sauveur. Et si Israël ne se comporte pas toujours de manière honorable, cela démontre une fois de plus que ces gens ont besoin de Jésus. »
Certains chrétiens disent : « On a tant fait de mal aux juifs qu'il n'est plus possible de leur dire quoi que ce soit. On peut juste les aimer ». « Ce 'on' ne représente pas tous les chrétiens, rappelle Stephen Pacht. Des chrétiens peuvent avoir honte du passé de l'Eglise, mais jamais de Jésus qu'ils représentent ! »

Claude-Alain Baehler

  • Encadré 1:

    Bio express
    Stephen Pacht, père de famille de 56 ans, est directeur pour la Suisse de la mission Juifs pour Jésus. Ses parents, juifs athées, non pratiquants et sensibles à la souffrance des juifs, sont originaires de Vienne. Durant la Seconde Guerre mondiale, contraints à la fuite, ils ont passé par la Suisse. Une fois la paix revenue, ils se sont établis en Grande-Bretagne. Stephen Pacht a grandi dans ce pays. Il a découvert l'Evangile à l'université, grâce à un ami chrétien évangélique.
    Expert comptable de formation, Stephen Pacht est devenu missionnaire en Grande-Bretagne. Plus tard, en 1992, il a fondé la branche française de Juifs pour Jésus à Paris. Depuis un peu plus de trois ans, il développe une nouvelle antenne en Suisse.

  • Encadré 2:

    L'opposant : Jews for Judaism
    L'organisation étasunienne Jews for Judaism (Juifs pour le judaïsme) combat les juifs messianiques avec virulence. Elle prétend que l'organisation Juifs pour Jésus tente, comme les nazis, d'éradiquer les juifs.
    Jews for Judaism cherche à montrer qu'il est impossible à la fois d'être juif et de reconnaître en Jésus le Messie. L'organisation sanctuarise l'idée d'un fossé infranchissable entre juifs et chrétiens, causé par des siècles de persécutions. Se basant sur des textes tels que Jean 8.44, 1 Thessaloniciens 2.15 ou Matthieu 27.25, elle soutient que les persécutions ne sont pas le fait de faux chrétiens, mais de vrais chrétiens influencés par le Nouveau Testament.
    Il existe d'autres groupes au langage plus nuancé, tels que l'Amitié judéo-chrétienne ou le Council of Christian and Jews (Conseil des chrétiens et des juifs) en Grande-Bretagne. Ces organisations cherchent à développer de bons rapports et des échanges avec la communauté juive. Elles pensent que cela passe par l'abandon de tout prosélytisme. Leur position est donc en tension avec le point de vue évangélique. Ces groupes deviennent souvent les porte-parole d'un judaïsme qui ne veut pas d'évangélisation.

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