Crise migratoire : Martin Accad invite chaque Eglise locale à créer un groupe d’action

mercredi 09 mars 2016 icon-comments 3

L’organisation Portes ouvertes, l’Eglise évangélique de Gland et le FREE COLLEGE ont organisé samedi 5 mars une rencontre avec le théologien libanais Martin Accad. Thème de la matinée : « Le chrétien face aux migrants ». Compte rendu d’une conférence qui n’a laissé personne indifférent et possibilité d'écouter l'enregistrement audio.

« Les Eglises évangéliques libanaises sont transformées par la crise syrienne ! » C’est ce qu’a lancé Martin Accad à une centaine de personnes le samedi 5 mars dans l’Eglise évangélique Arc-en-ciel (FREE) à Gland. Prenant son auditoire à rebrousse-poil, le théologien évangélique libanais a lancé qu’il était facile de voir le verre à moitié vide et de stimuler la peur. De son côté, il « essaie plutôt d’adopter une perspective selon Dieu » et de montrer d’abord comment le Liban connaît actuellement un retournement de situation extraordinairement surprenant. Pendant 35 ans, cette « Suisse » du Moyen-Orient était sous contrôle syrien. En 2005, cette armée d’occupation s’est retirée et, depuis 2011, c’est le peuple syrien qui « commence à nous envahir. Et on n’imagine pas que les Libanais soient capables de supporter cela… Et pourtant c’est le cas ! »

La crise syrienne réveille l’Eglise libanaise

Pour illustrer la capacité d’accueil de son pays, Martin Accad a évoqué l’exemple de l’Eglise baptiste qu’il fréquente à Beyrouth. Depuis deux ans, cette communauté s’est lancée dans l’accueil et le soutien des réfugiés. Elle est passée d’une assistance de 120 à 150 personnes au culte chaque dimanche, à deux cultes le dimanche matin, avec à chaque fois plus de trois cents personnes, et à un culte le samedi soir pour des réfugiés irakiens. « Dans l’assistance, 20 à 25 pour cent des femmes portent le voile islamique. Ce ne sont pas les Libanais qui sont parvenus à cela. Nous étions incapables de surmonter par nous-mêmes notre haine à l’endroit des Syriens… »

Pour ce théologien, Dieu est en train de transformer et de réveiller l’Eglise de son pays, comme il aimerait le faire au travers de cette crise avec les Eglises d’Europe. « C’est l’Eglise libanaise qui, par son attitude d’ouverture, est vraiment aidée par les réfugiés syriens, et non l’inverse ! »

Ce spécialiste du dialogue interreligieux voit dans l’émergence de l’Etat islamique une chance pour le Moyen-Orient. De nombreux musulmans modérés se sont prononcés publiquement et à grande échelle contre l’islam incarné par Daech. « Il y a eu plus d’une trentaine de conférences d’importance, mises sur pied par des organisation musulmanes, qui se sont départies de la lecture du Coran effectuée par Daech. Ce qui est important, c’est que cette majorité, souvent silencieuse, s’entende sur le besoin d’une réforme fondamentale. Les chrétiens sur place, en s’impliquant dans une telle discussion, pourraient permettre une transformation en profondeur de la société. »

Créer des groupes de recherche et d’action

Martin Accad a par ailleurs invité les chrétiens européens à résister à la peur. « Nous sommes les disciples d’un réfugié juif palestinien, dont la famille a dû fuir un tyran et se réfugier en Egypte », a-t-il lancé. Pour lui, chaque Eglise locale, communauté ou paroisse de Suisse devrait constituer un groupe de recherche et d’action pour s’informer de l’identité des réfugiés, de leurs origines et de leur vision du monde. Pour faciliter leur accueil, de tels groupes pourraient organiser des temps de sport, des cours de langue, des rencontres… afin de faire preuve d’une véritable hospitalité. 

Le théologien évangélique libanais s’est montré un brin moqueur par rapport aux difficultés des Occidentaux à parler de religion avec les musulmans. Et ce praticien du dialogue interreligieux de dire : « Mais les musulmans ‘adorent’ parler de Dieu. Nul besoin de les forcer. Ils ne sont nullement offensés d’avoir des conversations autour d’un tel thème. Ils le désirent même ! »

Il a aussi rappelé la soif spirituelle et le vide profond que connaissent ces réfugiés. « Imaginez un peu : les Syriens qui arrivent en Europe ont dû tout quitter à cause d’un Etat qui se dit ‘islamique’, sunnite donc de la même obédience musulmane qu’eux. La déception est énorme et ils sont ouverts à quelque chose de nouveau ! »

Un tel groupe de recherche et d’action pourrait aussi créer des ponts culturels avec ces réfugiés et leur indiquer ce qu’ils ont besoin de comprendre pour s’intégrer de manière adéquate à la société occidentale, notamment pour les hommes dans leurs relations avec les femmes. « Peut-être que cette arrivée en masse de réfugiés syriens changera aussi vos Eglises dans les années qui viennent », a-t-il conclu. 

Serge Carrel

L'enregistrement audio de la conférence sur le site de Portes ouvertes.

Voir un article de Martin Accad : « L’Etat islamique et le futur de l’islam ».

  • Encadré 1:

    Un site du Réseau évangélique suisse pour venir en aide aux réfugiés

    Le Réseau évangélique suisse (RES) anime depuis le début de l’année un site qui propose des ressources pour venir en aide aux réfugiés. Sous 6 rubriques différentes, ce site permet d’accéder à des adresses qui, dans les différents cantons romands, facilitent l’hébergement, le contact, l’accueil, le partage, l’accompagnement et les dons à des oeuvres impliquées dans l’action auprès des réfugiés.

    Ce site vient en complément de l’engagement à 40% par le RES de Céline Léchot, chargée d’encourager l’accueil de migrants chez des privés.

    Le site-ressources du Réseau évangélique pour l’action en faveur des réfugiés.

3 réactions

  • Peel Olivier vendredi, 11 mars 2016 15:42

    Je ne peux pas me permettre de juger ce qui se passe au Liban. Si tout cela s'avère être vrai, il y a une action de l'Esprit sur cette Eglise. Amen. Toutefois, la situation des réfugiés au Liban est une chose, celle en Europe en est une autre. C'est bien de se moquer des Occidentaux et de notre timidité mais parler de Dieu avec les musulmans est effectivement facile. Et alors? ça change quoi? A moins que l'Esprit de Dieu n'agisse dans le coeur de ces musulmans, ils ne se convertiront pas de peur de la condamnation qui pèse sur eux pour apostasie.
    De plus, pas un mot sur ce qui se passe dans les camps des réfugiés où plusieurs chrétiens ont été insulté, rejeté par des musulmans. Et les centaines de viols? On ne parle pas d'une centaine de musulmans mais de centaine de milliers voire de plusieurs millions de réfugiés. La majorité de ces derniers ne viennent ni de l'Irak ni de Syrie. Ils fuient quoi???

    Accueillons notre prochain en détresse est un acte humain mais pas à n'importe quel prix ni à l'aveugle. Le fait d'être chrétien ne signifie pas que nous devrions être aveugle et bonne poire.

    Ce que je lis dans l'article c'est une insistance à vouloir culpabiliser les Occidentaux et vouloir démontrer que les libanais, eux, ont du coeur. Cela fait plusieurs décennies que l'Occident accueille des migrants de toutes les régions du monde. Jusqu'à récemment, il y a peu de personne qui refusait cette initiative. Toutefois, nous faisons face à un ennemi redoutable et barbare, Daesh et les jihadistes d'autres obédiences, qui veulent le fin de l'Occident et détruisent tout ce qui a attrait à la foi chrétienne et juive. Nous devons être vigilant et ne pas fermer les yeux sous prétexte de bons sentiments.
    Je suis conscient qu'il existe des musulmans modérés et il y en a aussi qui combattent pour réformer l'Islam. Je les soutiens. Toutefois, je me pose la question de ce qu'il adviendra de ces derniers lorsque Daesh viendra à prendre le pouvoir? On voit ce que cela a donné en Syrie et en Irak. Ils fuient comme tout le monde.
    Plutôt que de vouloir culpabiliser les gens, prenons garde à ce que Jésus déclara: " En ce temps-là, quelques personnes vinrent lui raconter ce qui était arrivé à des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs sacrifices. Il leur répondit: Pensez-vous que ces Galiléens aient été de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, parce qu'ils ont souffert de la sorte? Non, je vous dis. Mais si vous ne changez pas radicalement (ou convertissez), vous disparaîtrez tous de même. " Luc 13.1-3.

  • Jane Maire dimanche, 20 mars 2016 11:13

    J'aimerais répondre à Peel Olivier en tant que personne présente à la conférence de Martin Accad. Je n'ai perçu aucune volonté de culpabiliser l'occident lors de cette conférence. Je suis partie, non pas culpabilisé, mais fortifiée dans mon désir d'agir pour aller à la rencontre des réfugiés musulmans et de travailler pour la paix entre chrétiens et musulmans. J'ai envie d'avoir cette attitude à leur rencontre: le musulman, mon prochain.
    Cela ne veut pas du tout dire vivre dans l'illusion, être bêtement idéaliste. Mais au contraire, de prendre le même chemin que Jésus, qui savait pertinemment qu'il serait mise à mort parce qu'il aimait même ses ennemis.
    Martin Accad, comme beaucoup d'autres au Proche et Moyen Orient, vit au cœur de la déferlante. Il parle en connaissance de cause bien plus que nous. Les musulmans qui viennent à Christ savent qu'ils feront face au rejet et à la mort. Nabil Qureshi, qui justement a vécu le rejet de sa famille et qui vit actuellement beaucoup d'opposition sur le web à cause de sa prise de position très claire par rapport à Jésus a dit ceci: il est ridicule pour un chrétien d'avoir peur. Parole extrêmement forte que seuls ceux qui ont fait face à des situations extrêmes peuvent prononcer. Or nous, en occident, nous n'avons pas encore vécu cela. C'est devant nous, et c'est pour cela que nous en avons tellement peur.
    Je termine avec cette phrase bien connue: la foi, c'est la peur qui a prié. Pour moi cela veut dire, ne pas se laisser pousser par la peur, mais par le Christ, ce qui veut dire prier notre peur jusqu'à ce qu'on trouve la paix dans laquelle pouvoir agir.

  • Peel Olivier mercredi, 23 mars 2016 16:22

    Que vous vouliez aller pour répandre la paix entre les peuples, c'est tout à votre honneur. Néanmoins, vous ne répondez pas sur le fond du problème. Faire comme le Christ dites vous. Et bien, je n'ai jamais lu que le Christ fermait les yeux sur les dangers qui guettaient ses disciples ou même son peuple. De plus, la mise à mort du Christ fut pour le péché des hommes. C'est condamné par une partie des autorités de son propre peuple et notamment par les romains que Jésus fut mit à mort. Comme le signale l'Evangile de Jean, Jésus aima les siens jusqu'au bout (Jean 13.1). C'est pour les siens qu'il est mort pas pour les autres. Ceux dont le nom est déjà inscrit dans le livre de Vie.
    Toutefois, personne ne sait combien ils sont ni qui ils sont.

    Maintenant, vous avez été à la conférence et je ne peux contester votre témoignage. Je vous crois sur parole. Mais en lisant l'article ci-dessus, celui-ci est clairement culpabilisant. Je ne l'apprécie guère.
    Le chrétien peut-il avoir peur? Et bien oui. Je ne vois pas pourquoi il ne devrait pas avoir peur. C'est un instinct naturel et de survie. Je n'ai pas peur pour ma foi mais j'ai peur pour mes proches et de la souffrance. C'est très présomptueux de déclarer: "il est ridicule pour un chrétien d'avoir peur". C'est pas parce que l'on a une expérience de la terreur que l'on doit mettre en avant son expérience pour une preuve. Chacun vit sa foi devant Dieu. Il n'y a aucun dogme en matière de peur. De plus, vous omettez de dire que nous avons traversé deux guerres mondiales et en matière de peur et de terreur, nous savons, nous aussi Occidentaux, ce qu'est la terreur et la persécution. Et que dire du peuple Juif qui a souffert plus que tous les autres peuples de la terre? Et pourtant la peur n'est pas tabou chez eux. En matière de foi, ils en connaissent un bout.

    Oui, il est demandé d'aimer nos ennemis. Nous essayons tant bien que mal d'appliquer ce commandement. Mais cela signifie-t-il qu'il faut être naïf envers nos ennemis? Jésus ne s'est-il pas mit en colère contre les pharisiens et le sadducéens? Ne sait-il pas parfois fâché contre ses disciples? Jésus n'a-t-il pas une fois eu des propos très dérangeants vis-à-vis d'une femme qui n'était pas son ennemie en lui disant: "Il (Jésus) lui disait: "Laisse d'abord les enfants se rassasier, car ce n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens."
    Dès lors, quel sera votre visage de l'amour que vous allez présenter aux musulmans?

    Oui, si un musulman a faim ou soif, je lui donnerai à manger ou à boire. Toutefois, je ne partage ni la même foi ni le même Dieu.

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