Des accompagnateurs en réponse aux aspirations spirituelles de notre temps

lundi 22 août 2005

« Le monde est spi ! Périple sur la planète des spiritualités »... C’est le titre des prochaines rencontres Eglises en mission du 2 au 4 septembre à Aubonne. L’un des invités principaux, le pasteur français Louis Schweitzer, aura l’occasion de dire ce que l’Evangile peut apporter sur le marché foisonnant des spiritualités. Formateur d’accompagnateurs spirituels, il nous dit ici en quoi ce service est à redécouvrir aujourd’hui dans les Eglises évangéliques.

« Il y a aujourd’hui des sessions de formation à l’accompagnement spirituel dans les Eglises évangéliques de France. Pour moi, c’est une des raisons d’espérer pour l’avenir de nos communautés! » Louis Schweitzer est pasteur dans la Fédération des Eglises évangéliques baptistes de France. Il enseigne l’éthique et la spiritualité à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine. Depuis quelques années, il tente de promouvoir une formation à l’accompagnement spirituel.

A ne pas confondre avec la relation d’aide
« L’accompagnement spirituel, ce n’est pas de la relation d’aide, précise-t-il tout de suite. On peut se porter comme un charme et solliciter un accompagnement pour aller plus loin dans la relation personnelle que l’on entretient avec Dieu. » Souvent les chrétiens sont embarrassés quand il s’agit de lire la Bible. Il y a bien sûr les guides d’accompagnement de la Ligue pour la lecture de la Bible, mais il existe d’autres manières de lire la Bible. « Il y a aussi 1000 manières de prier. Et au sein de ce foisonnement des possibles, le chrétien a besoin d’un conseiller qui lui propose une écoute et des manières de faire utiles dans son contexte particulier. »
Lorsqu’il était jeune pasteur, Louis Schweitzer a cherché auprès de collègues une oreille attentive à son cheminement intérieur. Les relations sont restées au niveau de l’échange entre collègues. Après plusieurs années de recherche, il a trouvé dans la prieure des diaconesses protestantes de Reuilly à Versailles, une femme qui a joué pour lui le rôle d’accompagnateur spirituel. Un terme qu’il emploie à dessein. « Pendant très longtemps, le protestantisme dans son ensemble a négligé cette dimension du ministère pastoral, explique-t-il. Alors qu’aujourd’hui nous sommes en train de redécouvrir l’importance de ce service dans nos Eglises, il faut éviter de tomber dans l’excès opposé : valoriser certaines personnes et leur faire jouer un rôle de « père » ou de « mère » spirituel(le) ». Pour Louis Schweitzer, il faut garder vigoureuse à l’esprit la parole de Jésus : « Mais vous, ne vous faites pas appeler « Maître », car vous êtes tous frères et vous n’avez qu’un seul « Maître ». N’appelez personne sur la terre votre « Père », car vous n’avez qu’un seul « Père », celui qui est au ciel » (Mt 23, 8-9). L’accompagnateur n’a pas à devenir une sorte de directeur de conscience ou un gourou. Son but est d’aider son interlocuteur à être lui-même et à marcher sur son propre chemin spirituel à la suite du Christ. « La formation que nous dispensons sensibilise l’accompagnateur au fait que ce qui a été bon pour lui-même, n’est pas forcément bon pour les autres ».

Un rôle important sur le marché des spiritualités
La formation la plus complète, dispensée par Louis Schweitzer et la théologienne mennonite Lynda Oyer, se déroule sur 3 ans. A raison de 3 ou 4 sessions de plusieurs jours pendant l’année. La première volée d’étudiants vient de terminer son cursus. Durant la première année, des pasteurs et des membres d’Eglise ont découvert les grandes figures de la spiritualité chrétienne et diverses méthodes de méditation et de prière. La deuxième année a été consacrée à la formation à l’accompagnement spirituel. Et la troisième a offert aux participants une supervision des accompagnements spirituels qu’ils avaient commencés dans leur entourage ou dans leur Eglise.
Dans le contexte de supermarché des spiritualités que l’on connaît dans notre société aujourd’hui, avec des méthodes pour un mieux-être en 10 leçons, ces accompagnateurs ont un rôle important à jouer. Toutefois, Louis Schweitzer refuse d’inscrire la spiritualité chrétienne dans cette logique de marché. « Dans les spiritualités à la mode, explique-t-il, on vise à ce que la personne reste telle qu’elle est, avec un peu de stress en moins. La spiritualité chrétienne, elle, cherche à transformer la personne en profondeur. » Et cette démarche spirituelle n’est rien sans la rencontre préalable du Christ. « Si, au départ, il n’y a pas cet enracinement dans une relation à Dieu au travers du Christ, ajoute-t-il, j’aurais peur de tromper les gens sur la « marchandise ». La spiritualité chrétienne est l’approfondissement d’une rencontre première, qui ne vise pas d’abord un mieux-être. La paix et la joie qui suivent la découverte du Christ peuvent laisser la place à des sentiments plus mitigés. Dans tout développement personnel chrétien, il y a aussi un face à face avec les « scories » que renferme notre existence, des scories que le christianisme appelle « péché », un terme fort peu prisé par les « spiritualités de supermarché » en vogue aujourd’hui.

Des méthodes pour stimuler la vie avec Dieu
Au-delà de cette première rencontre avec le Christ, le chemin de la vie spirituelle chrétienne peut être stimulé par différentes méthodes qui permettent un approfondissement de la relation à Dieu. Louis Schweitzer aime se rappeler le rôle que jouait la « prière du coeur», chère au christianisme d’Orient, dans son quotidien surchargé de secrétaire général de la Fédération protestante de France, à la fin des années 80 et pendant les années 90. Au cours de journées faites de nombreux rendez-vous et d’activités intenses, il aimait se recentrer sur le Christ en prononçant dans son for intérieur la prière : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur ! »
Dans cet approfondissement de la spiritualité chrétienne, Louis Schweitzer met aussi en bonne place la « lectio divina », cette manière très ancienne de lire la Bible. Pratiquée par les moines, cette méditation du texte biblique pousse à une recherche active de ce que le texte me dit aujourd’hui. En final intervient une prière adressée à Dieu, puis la contemplation de la personne même de Dieu.
Dans le catalogue des méthodes qui portent la spiritualité chrétienne, Louis Schweitzer aime aussi mentionner l’apport d’un carme parisien du XVIIe siècle : frère Laurent. Très occupé à la cuisine de son monastère, ce moine est passé à la postérité à cause de quelques lettres dans lesquelles il explique sa « pratique de la présence de Dieu ». Invocation régulière du Seigneur, dialogue avec lui sur tout ce qui concerne le quotidien... voilà deux manières qu’avait développées ce moine pour vivre le « Priez sans cesse » de l’apôtre Paul. « Cette façon de procéder est intéressante pour éviter d’oublier Dieu dans notre quotidien et pour développer une vie conforme aux plans du Seigneur », ajoute le professeur d’éthique et de spiritualité.

Serge Carrel

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