"Ras le bol, les p’tits jeunes !" par Henri Bacher

mercredi 03 octobre 2012
Quelle attitude développer vis-à-vis des enfants et jeunes adultes qui ne veulent plus entendre parler de la foi ? Est-ce que les parents doivent se sentir coupables quand leur progéniture ne marche pas « dans les voies du Seigneur », selon l’expression consacrée ? Henri Bacher, directeur de Logoscom, nous propose son regard.
Récemment, un père de famille déplorait que son fils ne soit pas dans la foi. Il ne perdait pas espoir de le voir revenir un jour au bercail, mais il se lamentait au sujet de tout ce temps perdu pour Dieu. Temps perdu ? Je ne pouvais m’empêcher de penser au bébé dans le ventre de sa mère. Jamais nous ne dirions que c’est du temps perdu. Dieu aurait pourtant pu accélérer le processus... Ne pourrions-nous pas appliquer cette notion de gestation à la spiritualité?
Influencés par les Réveils du XIXe siècle, nous définissons la conversion en faisant référence à la technique de la crêpe : retournement de situation en un clin d’œil. Il est vrai que c’est très « paulinien », mais il n’empêche que la Bible regorge de parcours de vie à l’opposé de ce qu’a vécu l’apôtre sur le chemin de Damas. Moïse par exemple a « perdu » bien des années à garder des chèvres dans le désert. Et ceci à cause d’une erreur de « jeunesse ». Je ne peux m’empêcher de penser que bien de nos enfants gardent pareillement les « chèvres », dans des déserts médiatiques avec des beaux-pères qui ne sont même pas du peuple élu.
Ne nous faisons pas d’illusion et ayons le courage de regarder notre passé avec lucidité. Combien d’enfants sont entrés dans le circuit de l’Eglise par contrainte sociale et familiale ? Ils connaissaient la maniclette pour « faire chrétien », mais en réalité ils ne l’étaient pas. C’étaient des chrétiens sociologiques. Je préfère avoir un enfant qui se démarque du clan familial qu’un individu qui fait « comme si ».
De plus, dans des changements sociétaux qui se sont accélérés d’une manière drastique, je pense que l’entrée en spiritualité par gestation, par mûrissement, est de loin beaucoup plus productive de vrais changements. Comme un vin rouge qui prend de la robe et de l’ampleur au fond d’une cave obscure.
Chercher sa propre voie
Ceci a un corollaire. Nous ne devons pas espérer que nos enfants entrent dans nos manières de croire. Nous devons plutôt les encourager à chercher leur propre voie. Pour atteindre nos concitoyens, nous avons besoin de gens qui ont mûri le fameux Jean 3,16 autrement que sous forme de pub qu’on affiche dans les stades ou sur des panneaux publicitaires dans la rue. Entendons-nous bien. Je ne suis pas en train de dire que le message central de la croix doit être édulcoré. Je déteste qu’on parle d’évangélisation soft, mais je déteste aussi ce message qu’on a coincé dans quatre lois spirituelles et qui ne répond plus aux attentes et aux besoins des gens d’aujourd’hui.
Récemment un de mes fils a réalisé un clip vidéo qui dénonce les déviances de l’Eglise au travers de l’histoire*. Il le termine avec un logo anarchiste. Je lui ai expliqué que je ne pouvais pas montrer sa production dans l’église locale en faisant ainsi référence à l’anarchisme. Il a pourtant réussi à me convaincre de la légitimité de cette interrogation finale : Jésus n’était-il pas à sa manière un anarchiste en contestant les systèmes religieux de son époque ?
Mon fils m’a enfin renvoyé ce message : qu’il souhaitait suivre un Christ anarchiste qui casse la baraque à tous ces systèmes qui nous oppressent. Hélas, mon église est tout sauf « anarchiste » ! Si nos enfants ont de la peine à nous suivre dans notre communauté, c’est que peut-être nous devrions changer, nous aussi, de mentalité.
 
Une colonne vertébrale
Reste la question lancinante de l’attitude à adopter au final. J’y répondrai par une histoire authentique qui s’est déroulée en Suisse romande. Il y a une quinzaine d’années un couple de parents se faisait du souci pour leur garçon qui passait sa crise d’adolescence sur le dos de ses profs. Ils ont prié et imploré Dieu pour leur enfant, qu’ils voyaient déjà drogué, largué et parti dans les décors. Dieu leur a donné une image : celle d’une colonne vertébrale. Ils ont compris que leur fils avait une structure, spirituellement parlant, et ils se sont accrochés à cette promesse. Leur enfant a suivi le groupe de jeunes, s’est assagi et, comble d’ironie, a eu des problèmes de dos... jusqu’à devoir passer six semaines allongé. Ces problèmes de santé resurgissent d’ailleurs régulièrement. Les parents ont continué à s’accrocher à la promesse de Dieu en ce qui concerne la santé spirituelle de leur fils, surtout lorsque celui-ci, sans vraiment renier ses expériences spirituelles au groupe de jeunes, s’est complètement éloigné de l’Eglise.
Quelques quinze ans après, le papa discute un jour, avec son fils qui lui confie ses problèmes récurrents de finances et de possibilités de travail. Son père, pour l’encourager, lui partage l’image que lui et sa femme ont reçue lors de son adolescence. Quelques jours plus tard, le fils montre à sa mère le tatouage réalisé sur son dos : une simple ligne noire du haut en bas de sa colonne vertébrale, comme s’il avait usé d’un stylo feutre pour tracer une ligne et souligner sa colonne... Le clou de l’histoire, ce n’est pas ce tatouage, mais c’est qu’il l’avait fait faire un mois avant la discussion avec son père. Comme si Dieu lui avait adressé un message dans son dos. Au sens figuré comme au sens propre ! Ce jeune ne pourra jamais dire que Dieu ne parle pas ! Et je le vois, moi, encore en parcours de « gestation ». Ses parents, eux, continuent de croire à la promesse qu’ils ont reçue de Dieu, comme quoi leur fils a une colonne vertébrale spirituelle, pas encore mature, mais bel et bien présente.
Henri Bacher, directeur de Logoscom

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