Israël : entre joie et déception par Jean-Jacques Meylan

mercredi 12 mai 2010
La Bible pose sur Israël un regard qui balance entre joie et déception. A l’heure où il publie avec Guy Gentizon « Israël-Palestine : quelle coexistence ? Un regard évangélique inédit », Jean-Jacques Meylan nous invite à découvrir ce double regard dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament. Puis à le poser sur l’Israël de 2010. A découvrir.
Israël… un mot qui fascine. De nombreux chrétiens perçoivent Israël comme la trace de Dieu sur la terre. Pourquoi alors ne pas y mettre ses propres pas avec le sentiment d’être en phase avec l’Histoire de Dieu avec les hommes ? Ce sentiment, de nombreux évangéliques le partagent depuis deux siècles. Pour d'autres, le doute s'est installé en considérant la réalité de l'Etat d'Israël. Qu’en est-il en 2010 ?

Israël dans l’Ancien Testament : de la joie à la déception…
Israël occupe une place prépondérante dans l’Ancien Testament. Dieu a décidé de se révéler à l'humanité au travers d'Abraham et de ses descendants. Ainsi, Israël est devenu pour les hommes de notre terre une « fenêtre sur Dieu ». Israël manifeste les attributs de Dieu : le Dieu de la grâce, le Dieu qui donne la loi, le Dieu de l’élection, le Dieu de la promesse, le Dieu de l’alliance. Tous ces attributs s’expriment au travers de l’histoire d’Israël dont les Patriarches, Moïse, les juges, les rois et les prophètes sont les principaux jalons. Dans sa bonté, Dieu a suscité ce peuple pour « faire résider son nom sur la terre » (2Chr 33.4 ; Deut 12.11)
Cette extraordinaire promesse n'est pas liée à l'existence d'Israël en tant que telle mais à sa capacité de vivre la dynamique de l'alliance. Cette dynamique implique une relation d’amour avec Dieu dans l’obéissance à la loi de Moïse. La relation entre le don de la terre et l’obéissance à la loi de Moïse est clairement explicitée en 2Rois 21.8 : « Je ne ferai plus vagabonder Israël hors de la terre que j’ai donnée à ses pères, pourvu seulement qu’ils veillent à faire exactement ce que je leur ai ordonné, en suivant toute la loi que Moïse, mon serviteur, a instituée pour eux. »
Israël a démontré l’incapacité des hommes à respecter les clauses de l'alliance. Leur désobéissance chronique a finalement produit la colère de Dieu qui a livré le peuple d’Israël à la vindicte de ses ennemis. Ceux-ci l’ont dépossédé de son pays pour l’emmener en captivité. « J’exterminerai Israël du pays que je lui ai donné, je rejetterai loin de moi la maison que j’ai consacrée à mon nom, et Israël sera un sujet de sarcasme et de raillerie parmi tous les peuples » (1Rois 9.7).
Or l’exil et le rejet ne sont pas le point final de l’histoire d’Israël. Les prophètes promettent un rétablissement qui doit se manifester de deux manières. D’une part par le retour dans leur pays : « Je les ramènerai, et ils demeureront dans Jérusalem ; ils seront mon peuple, et moi, je serai leur Dieu dans la loyauté et la justice » (Za 8.8). D’autre part par la conclusion d’une nouvelle alliance : « Voici, les jours viennent, dit l’Eternel, où je ferai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle. Non comme l’alliance que je traitai avec leurs pères, le jour où je les saisis par la main pour les faire sortir du pays d’Egypte, alliance qu’ils ont violée » (Jér 31. 31-32).
Osée 11 résume l'histoire d'Israël : « Quand Israël était jeune, je l’ai aimé, et d’Egypte j’ai appelé mon fils. » Mais ils ont sacrifié aux idoles. Alors Dieu s'interroge sur la position à adopter. Si d’un côté Israël mériterait d’être puni, d’un autre Dieu n’agit pas selon la justice humaine. Il est ému de compassion. Son cœur s'agite au-dedans de lui et il décide d'agir avec miséricorde, car il « est Dieu et non pas un homme » (Osée 11. 8 et 9).

Israël dans le Nouveau Testament : de la déception à la joie…
L'aveuglement d'Israël et l'opposition des Juifs à la personne de Jésus ont suscité chez les auteurs du Nouveau Testament une profonde déception qui les a conduits à exprimer des affirmations désabusées : « Ils vous excluront des synagogues » (Jn 16.2). « Vous avez supprimé Jésus en le faisant crucifier par des sans-loi » (Ac 2.23). « Les Juifs… ne plaisent pas à Dieu et sont hostiles à tous les humains » (1Thess 2.15). L'apôtre Paul explique dans ses épîtres en quoi consiste l'égarement d'Israël : chercher sa justification dans la pratique de la loi et non dans la grâce de Dieu manifestée en Jésus-Christ (Ro 2. 17-29 ; 3.21 ; 9.31 ; Gal 2.21 ; Ph 3.9).
Le Nouveau Testament aurait pu en rester à ces constats pessimistes pour en tirer un jugement irrévocable. Or justement, tel n'est pas le cas. L'apôtre Paul s’est bien rendu compte que ces jugements sont trop exclusifs et trop généraux. Il a soin de les nuancer en distinguant entre « l’Israël selon la chair » (1Co 10.18), l’Israël sociologique et « l’Israël selon l’Esprit de Dieu » (Gal 6.16), l’Israël qui reste fidèle au projet divin originel. Paul distingue entre la circoncision de la chair (Ro 2.28) et celle du cœur (Ro 2.29 ; Col 2.11). Pour Paul, tous ceux qui sont issus d’Israël ne sont pas Israël (Ro 9.6). Le plan de salut ne concerne qu’un reste (Ro 8.28 ; 11.5) à l'image de Syméon et Anne qui attendaient la consolation d'Israël (Luc 2. 25-38).
Cependant, cette distinction, toute utile qu’elle soit, ne convainc pas pleinement l’apôtre Paul. Son cœur reste attaché à « ceux de son sang » (Ro 11.14). Ils font l'objet de ses prières (Ro 10.1). Paul sait bien que Jésus, les apôtres, lui-même sont Israélites. Donc la grâce de Dieu a, une fois encore, emprunté le canal hébreu pour se manifester. Paul observe que le refus de la grâce a provoqué la mise à l'écart d'Israël, l'olivier d'origine, pour y greffer les rameaux sauvages des païens. Il croit cependant que cette mise à l'écart n’est pas définitive. Il s'interroge. Dieu lui révèle alors son plan : le « mystère » du rétablissement d'Israël. L'épître aux Romains nous livre une révélation extraordinaire qui dicte désormais notre compréhension du destin d'Israël : « Un endurcissement partiel est arrivé à Israël (variante : une partie d’Israël s’est endurcie) jusqu’à ce que la plénitude des nations soit entrée ; et ainsi tout Israël sera sauvé, selon qu’il est écrit : Le libérateur viendra de Sion ; il détournera de Jacob l’impiété, telle sera mon alliance avec eux, lorsque j’ôterai leurs péchés » (Ro 11. 25-27). Selon le critère de la foi, Israël a failli et s'est exclu de l'alliance. Mais selon le critère de la miséricorde, Israël reste au bénéfice de la bonté de Dieu. « Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous… Car tout est de lui, et par lui, et pour lui. A lui la gloire éternellement ! Amen » (Ro 11. 32-36).

Israël en 2010 : joie et déception
La situation actuelle d'Israël est à l'image de son existence historique. Elle voit se côtoyer les deux figures paradoxales de ce peuple. D'un côté un aspect conquérant, dominateur, exclusif (1). D'un autre, un Israël altruiste, inclusif, animé d'un esprit de justice et de bienveillance à l'égard des populations voisines. Certains Juifs, dans un élan d'autocritique inquiet, se posent la question : « Comment être Juif après l’offensive israélienne contre Gaza ? » D'autres, surtout des religieux, estiment que l'entreprise sioniste est une trahison du judaïsme (2). Tous s'interrogent sur l'avenir; d'autant plus que les évolutions démographiques respectives sont en défaveur d'Israël !
En Israël, de nombreux groupements pacifistes militent en faveur d'une coexistence avec les Palestiniens (3). Mais ce courant est faible face à la majorité de la population qui fonctionne selon un réflexe de peur… malgré l'écrasante supériorité militaire de leur pays. Aussi le Proche-Orient est dans un engrenage de violence sans fin.
Bien peu ont en vue la perspective eschatologique finale de la région. « En ce jour-là, Israël sera un troisième, avec l’Egypte et l’Assyrie, à être une bénédiction sur la terre, que le Seigneur des Armées bénira, en disant : Bénis soient l’Egypte, mon peuple, l’Assyrie, œuvre de mes mains, et Israël, mon patrimoine ! » (Es 19. 24-25). Cette magnifique bénédiction rassemble dans un destin commun tous les peuples de la région. Elle exprime la vision divine d'une récapitulation en celui qui ôte le péché du monde et réconcilie tout avec le Père (Col 1.20).
Jean-Jacques Meylan, pasteur et formateur d’adultes au sein de la FREE

Si vous souhaitez réagir à cet article ou au livre de Guy Gentizon et Jean-Jacques Meylan « Israël-Palestine : quelle coexistence ? Un regard évangélique inédit », vous pouvez le faire sur notre blog.


Notes

1) Voir le premier chapitre de Guy Gentizon et Jean-Jacques Meylan, Israël-Palestine : quelle coexistence ? Un regard évangélique inédit, Dossier Vivre no 31, Genève, Je Sème, 2010, 208 p.
2) Voir le chapitre 4 de Israël-Palestine : quelle coexistence ? Un regard évangélique inédit.
3) Pour une liste de ces associations, voir les annexes de Israël-Palestine : quelle coexistence ? Un regard évangélique inédit.

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