En Occident, Dieu est vu avant tout comme un juge : il est là pour pardonner, pour justifier. Cette approche est juste, mais elle est incomplète. Ainsi, dans les traditions chrétiennes orientales, Dieu est vu d’abord comme un médecin et ensuite seulement comme un juge.
Par exemple, dans les Eglises occidentales et la tradition latine, le concept de « péchés capitaux » a été développé. Mais dans les Eglises orientales, l’accent est mis sur les maladies spirituelles. Cette diversité d’approches et de perspectives engendre une diversité dans la manière d’appréhender Dieu, ainsi que la sanctification.
Si nous observons le Nouveau Testament, nous voyons que Jésus a bel et bien une fonction de juge, mais seulement lors de son retour. En effet, une grande partie de son ministère est centrée sur la guérison et le salut. Dans l’Evangile de Jean, Jésus rappelle : « Je ne suis pas venu pour juger le monde mais pour le sauver » (Jean 12.47).
Le pasteur et théologien Daniel Bourguet1 fait remarquer que lorsque Jésus guérit, ses guérisons ont aussi pour but de restaurer la relation avec Dieu. Il guérit des lépreux qui sont exclus du peuple et donc du Temple. Il guérit des boiteux et des aveugles qui ne peuvent exercer de fonctions dans le Temple.
Dieu est comme un médecin
Dans l’Ancien Testament aussi, Dieu agit comme un médecin : « Et l’Eternel Dieu ordonna à l’homme : ‘Mange librement des fruits de tous les arbres du jardin, sauf du fruit de l’arbre de la détermination du bien et du mal. De celui-là, n’en mange pas, car le jour où tu en mangeras, tu mourras’ » (Genèse 2.16-17). Dieu est comme un médecin qui prend soin d’Adam et Eve en les mettant en garde de manger un fruit nocif pour eux. Le serpent, lui, dépeint Dieu comme un juge impitoyable.
Relisons certains textes bibliques tels que les Dix commandements et le Sermon sur la montagne, non comme des listes de règles à observer, mais comme une sorte de pharmacie permettant de vivre en bonne santé. Alors, nous développerons une vision renouvelée et rafraîchissante de ces textes.
Lorsque nous observons la manière de procéder du serpent, en Genèse 3, nous voyons qu’il propose à Adam et Eve de devenir « comme des dieux » (Genèse 3.5). Dieu veut que ses enfants soient « en lui » (Jean 17.21), qu’il y ait une relation d’intimité entre lui et nous. Or, le serpent tente de nous déloger de notre place et de nous faire sortir de cette intimité. En nous proposant de devenir « comme des dieux », il nous place à côté de Dieu et non plus en lui. Dieu devient alors un concurrent pour nous. Une fois que je prends conscience que je ne suis pas en Dieu, je prends conscience de ma maladie.
Nos maladies spirituelles
Les Pères de l’Eglise ont recensé des centaines de maladies spirituelles. Mais huit d’entre elles sont considérées comme principales : la gourmandise (la priorité donnée au plaisir des sens), la luxure (la « gourmandise » sexuelle qui amène la chosification de l’autre), l’avarice (les désirs matériels), la tristesse (une forme de déprime qui provoque un regard biaisé sur le monde), l’acédie (le manque d’envie spirituelle), la colère, la vaine gloire (le désir d’être regardé et admiré) et l’orgueil (la vaine gloire, mais sans spectateur ; une attention excessive portée à soi-même).
Si nous désirons être en bonne santé, nous devons commencer par diagnostiquer nos maladies. Et cela, seul l’Esprit peut nous aider à le faire. Généralement, nous en voyons les symptômes, mais nous avons de la peine à voir la maladie elle-même. Si nous appelons Dieu à l’aide, il va nous révéler quelles sont nos maladies. Il va le faire petit à petit, afin de ne pas nous « submerger ». Et pour éviter que nous devenions orgueilleux, une fois l’une des maladies guérie, il nous en montrera une autre. Dieu nous guérit, mais à notre rythme.
Pour discerner quelles sont nos maladies, Daniel Bourguet propose quelques étapes2. Premièrement, il s’agit de déterminer quelles sont les pensées parasites qui nous assaillent durant la prière. Deuxièmement, nous recensons les rêves que nous faisons. Troisièmement, nous réfléchissons à nos réactions dans la vie quotidienne. Par exemple, si nous surprenons la voisine en petite tenue par la fenêtre, quelle sera notre réaction ? Fermer la fenêtre ? Rester sans bouger ? Chercher des jumelles ?
Les principaux remèdes
Les remèdes à nos maladies sont multiples. Il y a la modération pour ce qui est lié au désir, le courage pour ce qui touche à l’ardeur ou encore la prudence dès que la raison est touchée. Les deux principaux restent l’amour et l’humilité. Le problème est que l’amour peut être touché par des maladies spirituelles et que l’humilité est très dure à accueillir. Quoi qu’il en soit, ces remèdes sont donnés par Dieu et il les administre en utilisant le bon dosage. Certains événements de la vie agissent également comme des remèdes ; par exemple, lorsqu’un avare perd beaucoup d’argent. Ce sont souvent des thérapies douloureuses, mais potentiellement salutaires.
Nous devons être vigilants. Lorsque nous sentons qu’une maladie spirituelle survient, n’oublions pas de crier à Dieu, afin qu’il envoie le médicament dont nous avons besoin. Et n’oublions pas que c’est par la foi que nous sommes guéris !
D’abord, nous prenons conscience du fait que nous sommes malades. Ensuite, nous crions à Dieu, afin qu’il nous révèle notre maladie. Enfin, nous crions à Dieu afin qu’il nous donne le bon remède.
Luc-Olivier Décoppet
pasteur dans l’Eglise évangélique des Uttins (FREE), à Yverdon-les-Bains
Notes
1 Daniel Bourguet, Les maladies de la vie spirituelle, 3e éd., Lyon, Éd. Olivétan, Veillez et priez, 2012, p. 22.
2 Ibid., p. 99-100.