« Cette polémique médiatique a constitué une vraie galère pour nous ! » Martine Pahud est la directrice de l'école chrétienne la Bergerie à L'Isle (VD) qui accueille 64 élèves. Elle se remet tout juste de la tempête médiatique qu'a déclenchée un article de l'agence de presse Protestinfo le 25 janvier dernier. « Il nous arrive de traverser des difficultés avec les médias, avec un parent ou un enseignant, ajoute-t-elle, mais quand on voit un enfant évoluer dans le bon sens et qu'autour de lui tout le monde remarque le changement, on se dit qu'on est au bon endroit ! »
Le soufflé est donc retombé. Les sept écoles évangéliques romandes taxées de « créationnistes » par les médias ont pu se retrouver dans le cadre de leur association Instruire.ch et tirer les leçons de la crise. Les trois écoles vaudoises ont aussi été inspectées suite à l'interpellation déposée au Grand Conseil vaudois par le président des Verts, Martial de Montmollin... Un peu hors de l'eau suite à la tourmente, les responsables de l'école de L'Isle prennent le temps de se confier.
Des perspectives diverses en histoire
« Non ! Notre école n'est pas créationniste ! » martèle Nicole Rosset, la responsable pédagogique de l'école de la Bergerie, par ailleurs ingénieur en mathématiques et en informatique de l'EPFL. « Nous croyons en un Dieu créateur, mais nous n'enseignons pas une lecture littéraliste du livre de la Genèse au chapitre premier, soit une compréhension des origines en six jours de 24 heures et une terre vieille de 6000 ans. Nous proposons à l'élève différentes perspectives. A lui de choisir ! »
Pièces à l'appui, elle montre les fiches du cours d'histoire de 6e HarmoS pour des enfants de 10 à 11 ans. Après avoir évoqué les notions d'histoire et de temps, les chiffres romains et l'archéologie, ce polycopié aborde la question de la création et de l'évolution, un enseignement de deux ou trois périodes de 45 minutes. A la question de savoir comment l'homme est apparu sur notre terre, ces fiches présentent sur quelques pages deux perspectives principales : celle de l'évolution, puis celle de l'ordre de la croyance, la création. Le propos n'est pas d'une subtilité théologique exceptionnelle, puisque l'évolution est rangée du côté des visions agnostique ou athée du monde, et la vision de création comme le lot des croyants qu'ils soient chrétiens, juifs ou musulmans. Dans la page consacrée à la création, tous les croyants sont classés sous le même terme générique de : « créationnistes », qu'ils considèrent le récit de création en Genèse 1 de manière littérale ou « métaphorique ». « Comme l'enseignante à l'origine du cours part en retraite cet été, ajoute Nicole Rosset, les cours vont changer. La sortie prochaine d'un nouveau manuel édité par l'Etat de Vaud nous offre une opportunité intéressante. Nous allons le reprendre et éventuellement y ajouter, mais seulement si cela nous paraît justifié, quelques fiches complémentaires. »
Plutôt évasif en biologie
Le thème de l'évolution est aussi au programme des 9, 10 et 11e HarmoS, soit des élèves de 14 à 16 ans. Là, l'enseignante en biologie se montre discrète sur les thèses évolutionnistes, relève Nicole Rosset. « Jusqu'à maintenant, notre cours fait plutôt référence aux micro-évolutions à l'intérieur des espèces qu'à un parcours général sur l'évolution des espèces. Dans ce cadre, l'essentiel de son enseignement porte sur la biologie humaine. »
Suite à la polémique qui a entouré les sept écoles évangéliques regroupées dans Instruire.ch, l'association a décidé de changer sa manière de communiquer. « Nous avons été assez gravement inadéquats, admet Nicole Rosset, mais c'était la première fois. Nous n'étions pas préparés ! » Dorénavant, Instruire.ch aura un porte-parole qui répondra aux médias. « Les prises de parole au nom de l'association devront représenter l'ensemble des positions des sept écoles sur un même sujet, de manière à ce qu'aucune des écoles membres de ce qui est davantage une amicale qu'une faîtière forte, ne soit en porte-à-faux », ajoute l'ingénieur en mathématiques.
Serge Carrel