Genève n’autorise plus les baptêmes dans le lac Léman

vendredi 27 janvier 2023

En janvier 2023, deux Eglises genevoises ont reçu une confirmation de l’interdiction de pratiquer des baptêmes dans le lac Léman. Cette décision, en contradiction partielle avec le principe de liberté religieuse garanti par la Constitution fédérale, conduira-t-elle à une action au Tribunal fédéral ?

En juillet 2022, deux Eglises évangéliques établies à Genève n’ont pas reçu l’autorisation de pratiquer des baptêmes dans le lac Léman. Il s’agit de l’Eglise évangélique de Cologny (FREE) et de l’Eglise anglophone Crossroads, toutes deux affiliées au Réseau évangélique de Genève (REG), la section locale du Réseau évangélique suisse (RES). Pour les autorités genevoises, une cérémonie de baptême est un culte, et un culte ne peut pas se dérouler sur le domaine public.

Les deux Eglises ont recouru contre cette décision et ont été déboutées, le 10 janvier 2023, par la Chambre administrative de la Cour de justice de Genève. Les juges ont justifié leur décision, entre autres, en rappelant que les Eglises n’avaient pas signé la déclaration prévue à l’article 4 du règlement d’application de la Loi sur la laïcité de l’Etat (voir encadré ci-dessous). Et, sans cette signature, une Eglise n’a pas la possibilité de demander l’organisation d’une cérémonie cultuelle sur le domaine public. Cette déclaration comprend, au point (h), l’engagement de « reconnaître la primauté de l’ordre juridique suisse sur toute obligation religieuse qui lui serait contraire, en particulier s'agissant du droit de la famille ».

Une décision surprenante

Pour Stéphane Klopfenstein, directeur adjoint du RES, la décision de la Chambre administrative de la Cour de justice de Genève est surprenante : « Nous estimions que le recours avait de bonnes chances d’aboutir. Il y a environ une année, un autre recours auprès du Tribunal fédéral, à propos de l’application de la Loi sur la laïcité de l’Etat, avait abouti. Nous pensions que Genève allait assouplir certaines règles, en particulier celle fixant la nécessité d'obtenir une autorisation pour organiser des baptêmes dans le lac Léman ».

En effet, en décembre 2021, à la suite d’un recours de la Ligue musulmane genevoise pour la paix confessionnelle, le Tribunal fédéral imposait pour la deuxième fois au gouvernement genevois de modifier la Loi sur la laïcité de l’Etat. Il faisait référence au principe de la liberté religieuse et demandait la suppression de la mention « à titre exceptionnelle » de l’article consacré à la délivrance d’autorisations de manifestations religieuses sur le domaine public.

« Le tribunal fédéral a estimé que certaines règles de la loi cantonale sur la laïcité enfreignaient la liberté religieuse, inscrite dans la Constitution fédérale », relève Stéphane Klopfenstein. Dans son jugement, le Tribunal fédéral relevait : « Une telle interdiction de principe – même assortie d’exceptions – constitue une limitation tellement grave de la liberté de conscience et de croyance des citoyens qu’elle est sans commune mesure avec le but en question, et ce même dans le contexte fortement laïc prévalant à Genève ».

Le REG partenaire de l’Etat ?

Le REG a entrepris une démarche auprès des autorités genevoises, afin de devenir un partenaire de l’Etat au nom de toutes les Eglises affiliées. Dans ce but, une rencontre est prévue avec le Conseiller d'Etat en charge du dossier, afin de clarifier certaines questions. « Si ce processus de reconnaissance du REG aboutit, les Eglises n’auraient plus à entreprendre des démarches individuelles, relève Stéphane Klopfenstein. L’une des conséquences de cette reconnaissance pourrait être l'abandon de la nécessité de demander des autorisations pour pratiquer des baptêmes au bord du lac.

Pour le RES, l’application rigoureuse de la Loi sur la laïcité de l’Etat vise à traiter toutes les religions et confessions de la même manière, afin d’éviter toute forme de discrimination entre religions. « Mais cette manière extrême d’appliquer le principe de laïcité touche parfois à d'autres principes fondamentaux des Droits de l'homme, relève Stéphane Klopfenstein. Et cela ne va pas aider à renforcer les relations entre l'Etat et les Eglises évangéliques à Genève, en particulier les Eglises qui ne croient pas trop à l’utilité d’entretenir un lien plus formel avec les autorités politiques. Toutefois, au RES, nous restons convaincus qu'il est préférable de poursuivre la voie de la reconnaissance, dont le processus est en cours, plutôt que de s'éloigner de l'Etat, avec le risque de subir d'autres ‘chicanes’ administratives.

C’est désormais aux deux Eglises déboutées de décider de se lancer, ou non, dans un recours auprès du Tribunal fédéral.

  • Encadré 1:

    A quoi les organisations religieuses genevoises qui désirent entretenir des relations avec l’Etat doivent-elles s’engager ?

    A Genève, la Loi sur la laïcité de l’Etat du 17 juin 2020 prévoit que « l’Etat peut entretenir des relations avec des organisations religieuses » (Art. 4). Quant au règlement d’application de cette loi, il prévoit que les Eglises, comme les autres organisations religieuses, doivent s’engager à respecter les principes suivants (Art 4) :

    a) respecter et soutenir la paix religieuse ;

    b) accepter la diversité des approches philosophiques, spirituelles ou religieuses ;

    c) exclure tout acte de violence physique ou psychologique, tout acte d’abus spirituel, ainsi que tout propos incitant à la haine ;

    d) rejeter toute forme de discrimination ou de dénigrement à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes, en raison notamment de leurs convictions, de leurs origines ethniques ou nationales, de leur sexe, de leur orientation ou de leur identité sexuelle, de leur identité ou de leur expression de genre ;

    e) collaborer à la prévention des radicalisations ;

    f) respecter la liberté de conscience de chaque individu, son droit à adhérer au système de croyance de son choix, ainsi que son droit à le quitter ;

    g) respecter la liberté d'opinion et d'information, dans les limites posées par le droit, y compris le droit à la satire et à la critique ;

    h) reconnaître la primauté de l’ordre juridique suisse sur toute obligation religieuse qui lui serait contraire, en particulier s'agissant du droit de la famille.

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