Au début de l’an prochain, Jean Decorvet prendra la direction de l’Institut biblique et missionnaire Emmaüs de St-Légier. Ce pasteur de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud a soutenu le 6 mai dernier une thèse de doctorat au Wheaton College, l’une des plus fameuses universités évangéliques des Etats-Unis. Pour l’obtention de son titre, il est resté solidement ancré dans le terreau évangélique romand. Il a présenté un travail sur Louis Gaussen (1790-1863), le théologien le plus influent du Réveil de Genève.
Une thèse de doctorat au Wheaton College
Parmi les personnalités qui ont accompagné l’élaboration de cette thèse de doctorat, rien moins qu’Henri Blocher, le théologien évangélique français, qui, ces dernières années, a été professeur au Wheaton College. Parmi les trois membres du jury : Mark Noll, l’un des plus fameux historiens du christianisme aux Etats-Unis, et William Edgar, un ancien professeur de la Faculté de théologie Jean Calvin d’Aix-en-Provence, aujourd’hui professeur d’apologétique au Westminster Theological Seminary.
« En fait, explique Jean Decorvet, c’est Richard Fosserat, l’ancien pasteur de l’Eglise évangélique de Cossonnay (FREE), qui m’a lancé sur les traces de Louis Gaussen. Dans les années 90, alors qu’il présidait le Conseil synodal de l’Eglise évangélique libre de Genève, Richard m’a demandé d’écrire une présentation de cette figure du Réveil de Genève. Cette demande relayait celle de théologiens qui souhaitaient publier un ouvrage collectif constitué de ‘Portraits théologiques de théologiens et théologiennes suisses des XIXe et XXe siècles’. »
Le Réveil inscrit dans l’« Internationale évangélique »
Après plusieurs années de travail aux Etats-Unis comme en Suisse, Jean Decorvet est intarissable sur le Réveil de Genève. Il en propose une lecture originale. Tout d’abord à propos des origines de ce mouvement qui a chamboulé le paysage du protestantisme romand. D’ordinaire, les spécialistes rattachent le Premier comme le Second Réveil de Genève, soit celui des années 1810 et celui de 1830, au revivalisme anglais ou allemand et à l’orthodoxie calvinienne qui disposait encore de quelques représentants au sein de l’Eglise protestante de Genève, au début du XIXe siècle.
Pour Jean Decorvet, cette double influence ne suffit pas à expliquer l’émergence de ce mouvement. Il importe d’inscrire le Réveil dans un cadre plus large encore : la dynamique de réveil qui traverse le protestantisme européen et américain de cette période. « Comme le Réveil a bénéficié de contacts intenses avec des missionnaires évangéliques britanniques, nord-américains et allemands tout au long de son développement, on peut dire qu’il a fait partie de cette ‘Internationale évangélique’ qu’il a aidée à se développer et qu’il a influencée par son dynamisme littéraire, missionnaire et philanthropique propre. »
Un mariage entre appel à la conversion et réflexion
En focalisant sa recherche sur Louis Gaussen, Jean Decorvet parvient également à montrer que le Réveil ne doit pas être compris comme un mouvement individualiste et émotionnel qui s’inscrit dans la dynamique romantique des XVIIIe et XIXe siècles et qui serait un retour à un « passé moyenâgeux de la piété protestante », comme l’ont affirmé certains historiens. Non ! « Remis dans le contexte de la Genève du XIXe siècle, Gaussen est plutôt un géant de la foi et de la réflexion théologique. » Pour preuve, tout son effort intellectuel développé dans le cadre de l’Ecole de théologie, une faculté concurrente de celle de l’Académie, pour rédiger des ouvrages aussi considérables que « La Théopneustie », « Le Canon des saintes Ecritures au double point de vue de la science et de la foi » ou sa « Théologie systématique ».
« Je me suis identifié à Louis Gaussen, lâche le nouveau directeur d’Emmaüs, et à son désir non pas de diviser l’Eglise réformée, mais d’allier foi revivaliste et théologie orthodoxe source de vie pour nourrir l’Eglise. »
Serge Carrel