Jim Wallis, un évangélique anti-Bush qui perce aux Etats-Unis

lundi 09 janvier 2006
Aux Etats-Unis, la mouvance évangélique ne se résume pas à Pat Robertson et à Jerry Falwell, les principaux porte-parole de la droite religieuse. D’autres voix se font entendre pour rappeler que l’Evangile n’est pas simplement une caution pour légitimer les puissants, mais une bonne nouvelle pour les pauvres. Jim Wallis, rédacteur en chef du magazine Sojourners, a acquis ces dernières années une stature nationale. Aujourd’hui, il est la voix chrétienne des anti-Bush. Une voix profondément spirituelle et prophétique, qui invite à prendre ses distances de la « théologie de l’Empire », véhiculée par l’administration actuelle. Portrait.

Pendant 15 semaines en 2005, son livre « God’s Politics » (« La politique de Dieu ») est resté sur la liste des best-sellers du « New York Times ». Depuis plus de 30 ans, ce théologien évangélique plaide pour la non-violence et contre la pauvreté qui gangrène les grandes villes américaines. A 57 ans, Jim Wallis émerge aujourd’hui comme une voix originale et largement écoutée aux Etats-Unis. Une voix qui rappelle à la droite religieuse que le débat éthique en christianisme ne se limite pas aux questions d’avortement et de mariage homosexuel. Une voix qui se donne à lire par des éditoriaux régulièrement repris par les plus grands quotidiens du pays : le « New York Times », le « Washington Post » et le « Los Angeles Times » notamment.

Un engagement nourri par un vécu en communauté
L’engagement de Jim Wallis, comme évangélique impliqué dans l’action sociale, remonte aux années 70. A l’époque, il étudie la théologie à la Trinity Evangelical Divinity School de Deerfield, près de Chicago. Avec d’autres, il fonde une communauté et un journal qui vont s’appeler rapidement « Sojourners » (Pèlerins). De Chicago, cette communauté déménage dans un quartier défavorisé de Washington D. C. Depuis lors, elle lutte au quotidien contre la pauvreté d’une population très précarisée et principalement noire.
Nourri par l’engagement du pasteur baptiste Martin Luther King Jr, Jim Wallis plaide aussi pour une non-violence inspirée du Sermon sur la montagne de Jésus. Il est de toutes les luttes contre les interventions guerrières des Etats-Unis à l’étranger : Vietnam, Nicaragua, l’île de la Grenade, les guerres en Irak... En fait Jim Wallis tente de tenir ensemble deux réalités que les Eglises dissocient souvent: le renouveau spirituel et l’action sociale.
Très médiatisé dans les années 80 – le « Time Magazine » le compte parmi les 50 Américains de l’avenir en 1979 – Jim Wallis connaît, comme le mouvement « Sojourners », une certaine éclipse durant les années 90.

Une notoriété liée à l’arrivée de George W. Bush au pouvoir
Avec l’arrivée au pouvoir de l’administration Bush au début des années 2000, l’audience de Jim Wallis augmente fortement, non seulement dans les milieux évangéliques qui ne se reconnaissent pas dans la politique du nouveau président, mais aussi dans des milieux catholiques, juifs et même agnostiques... Autant de personnes qui considèrent que le débat sur les valeurs en politique ne peut être confisqué par la droite républicaine.
A l’occasion de l’élection présidentielle de 2004, Sojourners parvient à se profiler comme une voix incontournable sur la scène politique américaine. Par le slogan « Dieu n’est ni républicain ni démocrate », ce mouvement ouvre un débat sur la pertinence d’associer Dieu de manière si étroite à la droite républicaine. Jim Wallis apparaît alors comme la principale voix chrétienne anti-Bush.
Depuis la sortie de « La Politique de Dieu » en janvier dernier, Jim Wallis donne des conférences un peu partout aux Etats-Unis, dans les Eglises, les salles publiques et dans les universités. Il garde aussi le contact avec des luttes sociales concrètes. En décembre dernier, il figurait parmi la centaine de personnalités arrêtées par la police pour avoir organisé un sit-in devant un bâtiment officiel à Washington. Avec d’autres personnalités du monde associatif et religieux, Jim Wallis protestait contre les coupes budgétaires dans l’aide aux citoyens américains les plus pauvres.
Aujourd’hui le magazine « Sojourners » dont Jim Wallis est le rédacteur en chef, compte un lectorat de 100'000 personnes avec sa version en ligne. Il est le porte-voix de ces chrétiens américains qui ont pris au sérieux le message de l’Evangile jusque dans ses implications sociales.

Pourfendeur de la « théologie de l’Empire »
« Je n’ai jamais vu un comportement aussi insultant de la part d’un parti politique, constate Jim Wallis dans son dernier livre « La Politique de Dieu ». Pour la présidentielle de 2004, le parti républicain a essayé de manipuler la religion pour son propre agenda. Il n’a pas respecté la foi de millions d’autres croyants qui ne sont pas d’accord avec son programme politique ». Selon le rédacteur en chef de « Sojourners », George Bush est certes un chrétien sincère, mais doté d’une « mauvaise théologie ». Cette théologie est devenue une « religion dangereuse », qui fait office de « théologie de l’Empire». En fait George W. Bush a ajouté Dieu au discours des néo-conservateurs. Un Dieu de charité, incapable d’être le Dieu qui réclame la justice sociale, à la manière des prophètes bibliques, et qui met en question le statu quo sur lequel veillent jalousement les nantis.
La « mauvaise théologie » du président se manifeste aussi dans son incapacité à voir le mal comme une réalité qui traverse tout être humain, tout comme l’entier de l’humanité. En fait la théologie de George W. Bush souffre d’un manque d’altérité. Dieu est toujours celui qui est avec... le président, les forces armées, les Etats-Unis... Il n’est jamais le vis-à-vis qui, comme dans la tradition biblique, va demander des comptes sur les démarches entreprises et qui va questionner les choix opérés.
« La Politique de Dieu » est l’occasion pour Jim Wallis d’inviter les chrétiens évangéliques en désaccord avec l’administration Bush à reprendre pied dans l’espace public. Ils doivent se frayer un passage entre les « fondamentalistes laïcs » qui souhaitent un retrait de la religion dans la sphère personnelle et les représentants de la droite religieuse qui soupirent après une forme de théocratie. Ce faisant, ces évangéliques sensibles à la dimension sociale de l’Evangile pourront montrer que Jésus n’est pas devenu en quelques années « pro guerre », « pro riches » et « pro Etats-Unis ». « La meilleure contribution de la religion, explique Jim Wallis, c’est de ne pas être prévisible idéologiquement et de ne pas afficher une démarche partisane aveugle, mais de maintenir une indépendance morale pour critiquer tant la gauche que la droite. »

Une voix prophétique aux Etats-Unis
Pour Helene Slessarev-Jamir, professeur de sciences politiques au Wheaton College dans la banlieue de Chicago, « Jim Wallis est devenu une voix prophétique, bien au-delà des cercles évangéliques ». Pour cette membre du comité des directeurs de « Sojourners », « le fondateur de ce mouvement s’exprime actuellement contre la pensée dominante aux Etats-Unis, mais beaucoup de gens se rendent compte que son analyse correspond à ce qu’ils ressentent ». Démocrate lui-même, Jim Wallis ne se lancera pas dans la course à la Maison Blanche en 2008. A coup sûr, certains candidats à l’investiture s’inspireront de ses idées pour gagner une part de l’électorat évangélique, environ 40 pour-cent de la population américaine. C’est en tout cas la conviction d’Helene Slessarev-Jamir.
Serge Carrel

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