Le célibat, une malédiction ?

Anne-Catherine Piguet vendredi 05 septembre 2025

Les chrétiens sont disciples de Jésus, un célibataire… parfait. Le Nouveau Testament réhabilite la place des célibataires. Ceux-ci, loin d’être incomplets, témoignent prophétiquement que, dans le Royaume, seul le célibat existera. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Églises évangéliques.]

La Bible commence avec un mariage : « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils ne feront qu’un » (Ge 2.24). Dans l’Ancien Testament(1), le mariage et la famille ont la cote ! Israël est appelé à avoir des enfants(2), afin de devenir un peuple nombreux pour célébrer l’Éternel. Qu’en est-il pour nous aujourd’hui ? Que dit le Nouveau Testament ?

Un constat s’impose : les chrétiens sont disciples de Jésus... qui était célibataire ! Si on pense que le célibat est un état incomplet, ou une moitié d’être humain, alors Jésus serait incomplet ! Il nous faut donc changer de regard. Surtout que l’Évangile s’adresse à toute personne, quel que soit son statut.

Aujourd’hui, que l’Église ait si peu de considération pour le célibat et la chasteté interpelle. La pensée de ce monde hyper-sexualisé nous aurait-elle atteints ? Faut-il forcément être en couple pour pouvoir servir le Seigneur ? Certes, le célibat ne fait pas la une du Nouveau Testament. Jésus(3) n’en parle que deux fois, et de façon indirecte, lors de débats houleux avec des chefs religieux.

Le divorce facile...

Les pharisiens demandent s’il est permis de divorcer pour n’importe quel motif. Jésus répond d’abord qu’il tient le mariage en haute estime, car le Créateur a uni l’homme à sa femme. Le mariage étant voulu par Dieu, il n’est pas question de se séparer à la première difficulté !(4) Aux yeux des disciples, cet idéal est si élevé et exigeant qu’il vaudrait mieux ne pas se marier...

Jésus leur répondit : « Tous ne comprennent pas cette parole, mais seulement ceux à qui cela est donné. En effet, il y a des eunuques qui le sont dès le ventre de leur mère, d’autres le sont devenus par les hommes, et il y en a qui se sont faits eux-mêmes eunuques à cause du royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre comprenne » (Mt 19.11-12).(5)

Devenir eunuque ?

Autrefois, les rois païens avaient des eunuques, c’est-à-dire des serviteurs auxquels on avait coupé les testicules. En général, l’eunuque était fidèle à son maître qui lui confiait de grandes responsabilités. Vu qu’il ne pouvait pas avoir d’enfants, il ne risquait pas de voler les épouses du roi pour fonder sa propre dynastie ! Et, n’ayant pas de famille, il dépendait du roi pour ses vieux jours. Il avait donc intérêt à ce que le royaume se porte bien !(6)

Rien de tel en Israël, car la Loi interdisait les mutilations sexuelles.(7) Jésus a donc dû choquer ses disciples ! Il invoque trois raisons d’être eunuque :

- ceux qui le sont depuis la naissance. La maladies, une blessures, une malformations ou un handicaps les empêchent de se marier, ce qui est très douloureux ;

- ceux qui le sont devenus par les hommes. Il s’agit des serviteurs des rois païens, émasculés avec une extrême violence ;

- ceux qui se sont faits eux-mêmes eunuques à cause du royaume des cieux... Mais pourquoi un tel choix, alors que la Loi interdit de devenir eunuque ? Comment cela pourrait-il convenir au royaume de Dieu ?

Dans l’Ancien Testament, devenir eunuque était un malheur, puisque le mariage est un merveilleux don de Dieu qui permet l’amour conjugal, la relation sexuelle avec son conjoint, et la procréation. Mais Jésus annonce une nouveauté, liée à la nouvelle alliance en lui : se rendre soi-même eunuque à cause du royaume des cieux. Il n’y a ici ni malheur, ni violence, ni esclavage.

Le célibat parfait

Jésus nous a montré l’exemple : il a choisi de renoncer au mariage et à toute relation sexuelle, afin d’être entièrement disponible pour servir son Père. Aujourd’hui, il n’est donc plus nécessaire de se marier et d’avoir des enfants, pour être béni de Dieu ! Les personnes seules sont délivrées de la honte, comme le prophète Ésaïe l’avait annoncé : « Que l’eunuque ne dise pas : ‘Je ne suis qu’un arbre sec !’ En effet, voici ce que dit l’Éternel : ‘Si des eunuques [...] choisissent de faire ce qui me plaît et restent attachés à mon alliance, je leur donnerai, dans mon temple et à l’intérieur de mes murailles, une place et un nom qui vaudront mieux, pour eux, que des fils et des filles. En effet, je leur donnerai un nom éternel qui ne disparaîtra jamais’ » (Es 56.3-5).

Cette promesse se réalise avec l’eunuque éthiopien(8) : il a cru en Jésus-Christ, il est entré dans la nouvelle alliance, alors que jusque-là, l’accès au temple lui était interdit. Quelle délivrance extraordinaire ! Il a été accueilli dans la famille de Dieu !

Et le plaisir ?

Aujourd’hui, beaucoup de gens multiplient les relations sexuelles, mais sans véritable intimité. À l’inverse, Jésus n’a pas connu le plaisir d’une relation sexuelle. Et pourtant, il a expérimenté une joie profonde, dans la communion avec ses disciples !(9)

Avant son départ, Jésus a promis d’envoyer son Esprit sur tous ceux qui placent leur foi en lui. Ainsi, nous pouvons vivre en paix les uns avec les autres, dans l’intimité de l’amour de Dieu ! Le plus important n’est donc pas d’être marié ou seul, mais de faire partie de la grande famille de Dieu, d’être des fils et des filles du Père céleste !

Célibataires et mariés... pour toujours !

Jésus parle encore du célibat dans un débat avec les sadducéens. Ces religieux ne croyaient pas à la résurrection. Ils imaginent l’histoire d’une femme, mariée successivement à sept frères(10), mais chacun d’eux meurt avant d’avoir pu lui donner un enfant. Les sadducéens demandent à Jésus, pour le piéger : « À la résurrection, duquel d’entre eux sera-t-elle donc la femme ? »(11)

Jésus répond que les ressuscités ne se marieront pas. N’y aura-t-il plus aucun plaisir au ciel ? Bien sûr que si ! Lorsque Jésus prendra pour épouse l’Église, la fête sera grandiose et éternelle ! Quand la gloire de Dieu resplendira sur les ressuscités, notre communion les uns avec les autres et avec le Seigneur sera telle... que le mariage entre un homme et une femme sera complètement dépassé !

Ni le mariage, ni le célibat ne donnent le bonheur parfait. Notre statut actuel est donc à relativiser, surtout que notre existence reste marquée par le mal. Et la mort va tous nous séparer les uns des autres. Pourtant, gardons-nous de mépriser notre statut ! Car Jésus tient en haute estime le mariage comme le célibat. Ils nous permettent d’être témoins de son royaume : les personnes seules annoncent que dans le royaume de Dieu, nous ne nous marierons plus, car nous serons « semblables aux anges ! » (Lc 20.36) Quant aux mariés, ils préfigurent les noces de l’Agneau. Ainsi, la Bible se termine aussi par un mariage, lorsque Jésus-Christ épousera son Église !

La Bonne Nouvelle pour tous !

Jésus a décrit trois types de célibat. Les deux premiers sont dus à un mal, douloureux et violent. Mais, avec l’aide du Seigneur, ces personnes meurtries et blessées peuvent, elles aussi, entrer dans un célibat choisi, à cause du royaume des cieux !

Au tout début, Dieu a décrété la malédiction de la solitude : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Ge 2.18). Par leur péché, Adam et Ève ont provoqué la pire des solitudes : la division dans leur famille, et la rupture avec Dieu, qui mène à la mort...

À la croix, Jésus a endossé tous ces maux. Il est mort pour nous. Mais son Père l’a ramené à la vie ! Plus tard, Jésus a dit à ses disciples : « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20.17). Aujourd’hui, il règne à la droite du Père. Et dans son amour, il nous appelle à entrer dans sa glorieuse famille, pour l’éternité... alors, suivons-le avec foi !

 

Notes

(1) Pour une étude du célibat dans l’ensemble de la Bible, voir l’excellent ouvrage de Barry Danylak, Le célibat réhabilité ‒ Signe du royaume qui vient, Excelsis, Charols, 2012, 269 p.

(2) Cet ordre est d’abord donné à Adam et Ève (Gn 1.28), puis répété à Noé (Gn 9.1, 7). Malgré le mal qui prolifère, Dieu promet à Abraham de rendre sa descendance nombreuse (Gn 17.2, 6), même après le sacrifice d’Isaac (Gn 22.17). Cette promesse est accordée aussi à Agar (Gn 16.10) et à son fils Ismaël (Gn 17.20).

(3) L’apôtre Paul en parlera aussi (1Co 7), en s’inscrivant dans la même ligne que Jésus.

(4) Mt 19.3-9.

(5) Hormis l’histoire de l’eunuque éthiopien, qui se déroulera plus tard (Ac 8), le verset 12 est le seul texte du NT où il est question d’eunuques, avec le verbe rendre eunuque.

(6) Le livre d’Esther rapporte que le roi païen Assuérus avait 7 eunuques à son service, 2 autres pour veiller sur ses harems, 2 autres pour garder l’entrée de son palais. Et quand Esther a été nommée reine, elle a eu aussi plusieurs eunuques à son service (Est 1.10 ; 2.8, 14, 21 ; 4.4).

(7) L’interdiction n’est pas formelle, mais pour s’approcher de l’Éternel, tout devait être pur et sans défaut (Lv 21.16-20 ; 22.24). C’est pourquoi l’homme dont les testicules ont été écrasés ou l’urètre coupé n’entrera pas dans l’assemblée de l’Éternel (Dt 23.2). En Israël, les eunuques étaient méprisés, puisqu’ils avaient été l’objet d’une pratique païenne.

(8) Ac 8.26-40.

(9) Lc 10.21 ; Jn 11.5 ; 13.23.

(10) La Loi stipulait que le beau-frère de la veuve devait l’épouser, afin de relever le nom du défunt en Israël et lui conserver son patrimoine (Dt 25.5-6).

(11) Lc 20.33 ; cf. Mt 22.28 ; Mc 12.23.

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