« Agir comme en exil », c’est le titre de la prochaine rencontre de la Formation au service dans l’Eglise. Cette journée de réflexion accueillera le sociologue français Frédéric de Coninck pour une formation sur notre manière d’agir dans la société aujourd’hui.
Voilà 4 ans, Frédéric de Coninck publiait un ouvrage, « Nous sommes tous des exilés ! », qui pose les fondements de sa réflexion actuelle sur la manière dont les chrétiens peuvent être présents dans la société.
La royauté en Israël n’est pas l’unique référence
Cet ouvrage compte parmi les petits livres qui ne paient pas de mine – il ne fait que 125 pages ! – mais qui, une fois parcourus, remplissent de satisfaction. D’abord parce qu’il offre une étude d’un livre biblique, celui d’Ezéchiel, qui « booste » la réflexion. Le biblique peut être tout à fait passionnant ! D’autre part parce que ce petit ouvrage renouvelle la manière dont les évangéliques se pensent dans la société comme dans la politique.
Souvent ces dernières années en Suisse, les évangéliques ont pensé l’Etat helvétique comme chrétien. Doté d’un préambule à la Constitution fédérale invoquant le Dieu tout-puissant, porteur de valeurs inspirées d’une histoire marquée par un certain christianisme, cet Etat ne pouvait que ressembler à la royauté en Israël. D’où parfois des discours très nostalgiques ou alors des velléités d’imposer à tous des principes éthiques chrétiens.
En méditant le livre d’Ezéchiel, Frédéric de Coninck montre que le Dieu d’Israël s’est donné à voir dans toutes sortes de circonstances socio-politiques. De l’Etat, quasi théocratique, sous des David ou Salomon, à l’exil à Babylone, dans un contexte ultraminoritaire pour les juifs d’alors.
Cette entrée en minorité pour Ezéchiel, ce fils de prêtre du Temple de Jérusalem, ne s’est pas faite sans difficultés. A Babylone, la capitale de l’Empire babylonien, notre homme est un « nobody » de première catégorie. A Jérusalem, comme fils de prêtre, il avait une trajectoire de vie toute tracée, un statut social qui faisait de lui un notable de la cité, des rentrées pécuniaires assurées au vu du statut qui était le sien... A Babylone, c’est la chute dans l’anonymat le plus complet.
Un show à l’hollywoodienne
Pour sortir cet homme de son marasme, Dieu doit utiliser les grands moyens. Un show à l’hollywoodienne où il se montre au milieu de roues et d’être ailés à vous couper tant le souffle que la capacité de description. Ce sera la thérapie d’un Dieu qui fait exploser le cadre de référence qu’Ezéchiel avait appliqué sur lui. « Tu es mon Dieu à Jérusalem. Ailleurs, je ne sais pas trop qui tu es... » Cette thérapie conduira Ezéchiel du statut d’exilé prostré dans son désarroi, à celui de communicateur de la Parole de Dieu, puis à celui de prophète sentinelle qui donne le goût de la reconstruction à un peuple en panne d’espérance. Historiquement, la reconstruction du Temple ne viendra pas des personnes restées à Jérusalem, mais bien des exilés qui auront appris à « muscler » leurs convictions fondamentales, en se frottant au panthéon babylonien avec ses Marduk, ses Shamash et ses Ishtar...
Dans « Nous sommes tous des exilés ! », Frédéric de Coninck plaide pour que les chrétiens quittent une certaine nostalgie de l’Etat chrétien et découvrent la saveur de pouvoir vivre pleinement le statut d’exilés minoritaires. « Il est certain que l’exil favorise un affaiblissement de la religion rituelle. En exil, Ezéchiel, aussi préoccupé par le Temple qu’il puisse être, arrive, malgré tout, à une annonce de ce que les auteurs du Nouveau Testament affirmeront avec force : en tout lieu Dieu habite au coeur de ceux qui l’accueillent, pour les renouveler et les faire marcher en nouveauté de vie » (p.120).
Une journée à ne pas manquer!
Le 3 décembre, Frédéric de Coninck partira de ces convictions développées dans son propos sur Ezéchiel. Il nous fera également part de ses recherches sur la manière dont les chrétiens dans l’histoire ont lié leur réflexion à leur action, puis il proposera des contributions sur la manière d’agir avec le Père, à la suite du Fils et sous l’impulsion de l’Esprit. Ce travail de réflexion très ample devrait déboucher sur la publication en 2006 d’un livre intitulé : « Agir, travailler, militer. Une théologie de l’action ».
Serge Carrel
Frédéric de Coninck, Nous sommes tous des exilés !, Paris, Empreinte, 2001, 125 p.