Le vote des chrétiens a pesé dans l’élection de Donald Trump

Profil Donald Trump devant drapeau américain
Profil Donald Trump devant drapeau américain (Deposite Photo) icon-info
mercredi 08 janvier 2025

Par rapport à 2020, davantage d’évangéliques américains se sont abstenus de voter lors de l’élection présidentielle de novembre dernier. Mais ceux qui sont allés aux urnes ont majoritairement soutenu Donald Trump (64%), à l’instar des autres protestants (autour de 62 %) et des catholiques (autour de 56%).

A quelques jours de l’investiture, analyse de ces résultats et de la nouvelle équipe de Donald Trump, avec le pasteur franco-américain Matthieu Sanders, diplômé en sciences politiques.

Avec quelques semaines de recul, que sait-on du vote évangélique à la présidentielle américaine?
De façon un peu étonnante, les enquêtes menées depuis l'élection révèlent que les évangéliques ont légèrement moins participé à cette élection qu'à la dernière. Un nombre plus important d'entre eux s'est abstenu, avec une participation à 59% au lieu de 64% en 2020.
En revanche, les évangéliques qui ont voté l'ont fait en large majorité pour Donald Trump. 64% des évangéliques dans leur ensemble ont voté pour Donald Trump. Et si on ne considère que les évangéliques blancs, le soutien à Trump s'élève à 81%, contre 76% en 2020 (sources ci-dessous)

Dans quelle mesure les questions économiques ont joué un rôle déterminant autant pour les chrétiens que pour le reste de la population étasunienne?

Il me semble que les évangéliques ne se distinguent pas particulièrement dans ce domaine. Ils sont tout autant préoccupés par le pouvoir d'achat que leurs compatriotes non évangéliques. Or ce thème, en définitive peut-être plus que tout autre, a joué un rôle majeur dans le rejet de l'administration Biden/Harris qui, malgré une économie statistiquement florissante, a pâti d'une forte inflation, surtout pendant les deux premières années de son mandat.

La thématique de l'avortement a-t-elle aussi porté Donald Trump au pouvoir?

Le parti démocrate a fait de l'avortement son sujet de prédilection. Là où les Démocrates d'il y a 20 ans défendaient une liberté d'avoir recours à l'IVG, la gauche américaine actuelle en a fait une revendication identitaire, et Kamala Harris tout particulièrement a souhaité "incarner" cette cause. Il était donc assez difficile pour des électeurs pro-life (opposés à l'IVG ou tout au moins favorables à d'importantes restrictions) de se reconnaître dans sa candidature.

Cela étant dit, Donald Trump, de peur de perdre des voix à cause d'une position trop marquée sur ce sujet, n'a cessé tout au long de la campagne de relativiser son opposition à l'avortement, au point de migrer quasiment vers une position "pro-choix". Il estime désormais que chaque Etat doit pouvoir décider de sa législation à ce sujet et s'est dit opposé à une interdiction fédérale de l'avortement – qui est pourtant l'objectif ultime du mouvement pro-vie.
Et, malgré ses affirmations en faveur de la liberté des Etats individuels, il a critiqué les initiatives prises par certains gouverneurs d'interdire totalement l'IVG ou de le restreindre aux toutes premières semaines uniquement. Un certain nombre de militants pro-vie, notamment évangéliques, ont publiquement déploré cet apparent revirement, mais cela ne paraît pas avoir influé sur leur vote.

Marco Rubio, qui sera le nouveau secrétaire d'Etat, est connu pour sa foi chrétienne. Quelle est votre analyse ?
Sénateur de Floride, Marco Rubio est l'une des rares personnalités relativement "traditionnelles" et considérées comme rassurantes dans la nouvelle équipe, qui inclut plusieurs personnalités radicales et clivantes, voire marginales. C'est un conservateur "classique", initialement très opposé à Donald Trump, mais qui, comme beaucoup d'autres, s'est finalement rallié au président. On est en droit de se demander si ce choix s’est fait plus par opportunisme que par conviction.

En tant que secrétaire d'Etat, il sera en charge de toute la diplomatie américaine, l'équivalent d'un ministre des affaires étrangères en France ou en Suisse. Dans le contexte actuel, marqué par les guerres en Ukraine et au Proche-Orient sous fond de grands mouvements géopolitiques, ce sera bien entendu un poste-clé.

Le baptiste Mike Huckabee, ancien candidat aux primaires en 2008 et 2016, devient ambassadeur des Etats-Unis en Israël. Un espoir pour la paix au Proche-Orient?
Huckabee représente certainement un "espoir" pour qui s'aligne à 100% sur la position de la droite radicale israélienne... Pour les autres, il représente plutôt une inquiétude : il soutient avec enthousiasme la poursuite de la colonisation en Cisjordanie, rejette la solution à deux Etats et conteste même l'existence d'une identité nationale palestinienne. Il est le représentant d'un sionisme chrétien sans nuances.

Il est à noter toutefois qu'il s'est parfois montré pragmatique et ouvert au compromis dans son ancien rôle de gouverneur de l'Arkansas. Il faudra voir si, dans le cadre de ses nouvelles fonctions, il est prêt à écouter d'autres voix – y compris israéliennes – que celles de Benjamin Netanyahu et de ses alliés d'extrême-droite.

D'autres personnalités de ce cabinet sont-elles aussi engagées dans la foi?
Je n'ai pas trop d'informations à ce sujet. Mais les personnalités qui ont émergé jusqu'ici ne sont pas particulièrement issues du milieu chrétien évangélique. Il est à noter que le ministre de la santé, connu pour ses positions conspirationnistes, est très pro-avortement.

Sait-on si Donald Trump aura un conseiller spirituel, comme en 2016 avec Paula White?
Il est entouré par un petit groupe de pasteurs, dont Mark Driscoll, ancien pasteur de Mars Hill Church. Celui-ci est tristement connu dans le monde évangélique par sa dérive abusive et autoritaire qui a conduit à l'effondrement de sa méga-Eglise à Seattle (ces événements sont le sujet d'un podcast de Christianity Today qui a fait date).

Un autre membre de ce comité est Eric Metaxas, un auteur relativement écouté il y a une décennie mais qui a basculé depuis plusieurs années dans un trumpisme militant et radical. Il est allé jusqu'à inviter les évangéliques à quitter leur Eglise "avec leurs offrandes" si leur pasteur n'appelait pas explicitement ses paroissiens à voter Trump (tweet d'Eric Metaxas le 19/10/24). Il est donc intéressant de noter que même dans le domaine ecclésial, Donald Trump apprécie des personnalités extrêmes et clivantes.

Sources des statistiques:

Article du Christian Post

Article de Christianity Today

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