« La publication de ce livre est un jalon de plus dans la lutte contre les violences conjugales ! » Valérie Duval-Poujol est une théologienne baptiste française qui vient de participer avec la psychologue Cosette Fébrissy et le pasteur et conseiller conjugal Jacques Poujol à la publication de « Violences conjugales. Accompagner les victimes » (1). Ce livre qui précise ce que sont les violences conjugales, la manière d’accompagner les victimes – femmes et enfants – présente une perspective chrétienne pour sortir d’une société patriarcale marquée par les violences faites aux femmes.
Installée à Bordeaux depuis moins d’une année, Valérie Duval-Poujol est aussi l’épouse du pasteur de l’Eglise évangélique baptiste de cette ville. Elle a non seulement rédigé la partie biblique du livre « Violences conjugales », mais elle a encore participé à la publication l’automne dernier d’une brochure de sensibilisation tout public contre ce genre de violences (2). Aujourd’hui, elle s’implique dans la rédaction d’un « hors série » des « Cahiers de l’école pastorale » (3) qui proposera à l’automne des ressources pour les pasteurs et les responsables d’Eglise, afin qu’ils soient actifs sur le terrain de la lutte contre les violences conjugales.
Une fédération durement touchée
« Le Seigneur ne permet pas que l’on avilisse la moitié de sa création. » Pasteur et conseiller conjugal, Jacques Poujol aborde dans le monde évangélique des sujets délicats. Après des ouvrages sur les abus sexuels et sur les abus spirituels, il souhaitait aussi s’impliquer dans la question délicate des violences conjugales. « Sur ces sujets, ajoute-t-il, les Eglises devraient être aux avant-postes parce que l’on touche à la dignité de l’être humain. La mobilisation à laquelle on assiste dans le cadre de la Fédération des Eglises évangéliques baptistes de France est une réaction pour affirmer que l’Evangile est opposé aux violences conjugales, qu’elles soient physiques, sexuelles, économiques, psychologiques ou spirituelles. »
Ce pasteur rappelle que c’est lors du dernier congrès national de cette fédération d’Eglises que la décision a été prise d’aborder ce problème de face. « Durant les trois dernières années, précise-t-il, nous avons connu trois drames liés aux violences conjugales en lien avec des personnes actives dans nos Eglises. » En banlieue parisienne, un membre d’Eglise a assassiné son épouse, alors qu’ils étaient tous les deux membres de la chorale et qu’ils menaient une vie apparemment sans histoires. A Cherbourg, un père de famille assassine ses enfants après que son épouse a décidé de le quitter, tous deux étant membres de l’Eglise baptiste locale. Enfin, un pasteur d’une Eglise asiatique parisienne est actuellement en détention provisoire pour violences domestiques.
Un drame de société
En France, tous les deux jours et demi, une femme meurt sous les coups de son partenaire. En Suisse, c’est toutes les deux semaines qu’un féminicide est commis dans un cadre conjugal. Ces drames suscitent toutes sortes de mobilisations, à la fois dans les Eglises et dans le grand public. Présidente de l’association « Une place pour elles » (4), Valérie Duval-Poujol promeut l’idée de faire mémoire de tous ces féminicides en installant dans une manifestation ou un culte une chaise vide, revêtue d’un tissu rouge arborant l’écriteau : « Une place pour elles » et en plus petit : « Ces femmes auraient dû être parmi nous… Ce siège qui leur est réservé proteste contre leur absence et témoigne du vide qu’elles ont laissé derrière elles… » Des rencontres de la Fédération protestante de France, de la ville de Bordeaux et de diverses églises ont déjà accueilli une telle chaise, si l’on en croit la page Facebook de l’association.
Une charte pour les Eglises
En milieu évangélique, un autre élément de cette mobilisation « STOP aux violences conjugales » rencontre un certain succès : la « Charte d’engagement contre les violences conjugales » (5). « Plusieurs Eglises évangéliques en France, qu’elles soient réformées, libres, pentecôtistes ou baptistes, ont déjà signé cette charte », commente Valérie Duval-Poujol. A Bordeaux, dans l’Eglise où son mari est pasteur, cette théologienne envisage de faire de la signature de cette charte un véritable événement. « Lors d’une conférence, il est possible d’inviter les associations de la ville engagées sur ce terrain et les autorités, puis de faire signer ce document par les responsables de l’Eglise. » C’est l’occasion d’affirmer publiquement le point 2 de la charte : « Notre Eglise affirme que la violence conjugale dans toutes ses formes est inadmissible, injustifiable et irréconciliable avec la foi chrétienne. »
Cette démarche a déjà fait école en dehors de l’Hexagone. Valérie Duval-Poujol est allée dispenser de la formation sur ce sujet à des pasteurs en Belgique francophone. Elle devait venir le 2 mai en Suisse romande dans le cadre de l’Association des conseillers chrétiens (ACC Suisse romande). Au vu de la pandémie, cette rencontre a été reportée au 8 mai 2021 !
Serge Carrel