« Cet antisémitisme qui refait surface » par Claude-Alain Baehler

samedi 06 septembre 2014 icon-comments 4

Les manifestations de soutien aux Palestiniens meurtris par la guerre, qui se sont déroulées un peu partout en France durant le mois de juillet, ont plusieurs fois dérapé dans un antisémitisme nauséabond. Le gouvernement s'en est ému et l'a dénoncé.

Mais la France n'est pas le seul pays à avoir connu de telles manifestations. En Allemagne, des dérapages semblables ont eu lieu. Le quotidien Die Welt s'en est fait l'écho dans son édition du 19 juillet, dénonçant des slogans tels que : « Scheiß Jude, brenn » (« Juifs de m..., au feu ») ou « Hamas, Hamas, Juden ins Gas ! » (« Hamas, Hamas, les Juifs au gaz ! »). Le gouvernement allemand a également réagi assez fermement.
Le conflit écœurant qui se déroule dans la bande de Gaza génère des émotions qui troublent la raison. Il fait apparaître des réflexes jamais complètement enfouis. L'antisémitisme en fait partie. Car on a le droit d'avoir des opinions à propos du gouvernement israélien ou du Hamas. Mais en quoi cela concerne-t-il particulièrement « les Juifs » ?
Malgré tout ce que la première moitié du XXe siècle nous a appris en matière d'antisémitisme, nous entendons encore régulièrement dire, même de la part de chrétiens, que « les Juifs » sont, par exemple, « particulièrement malins en affaires », « plus puissants qu'on imagine »... D'autres, désirant probablement compenser les a priori péjoratifs, parlent de l'intelligence plus grande des Juifs...
Pourtant, à l'origine, le judaïsme s'incarne dans un peuple plutôt banal : « Si l'Eternel s'est attaché à vous et vous a choisis, ce n'est nullement parce que vous êtes plus nombreux que les autres peuples. En fait, vous êtes le moindre de tous » (Deutéronome 7.7). Ensuite, de déportations en diasporas, de conversions de païens au judaïsme en conversions de Juifs à d'autres religions, il est devenu impossible d'associer le judaïsme à une ethnie homogène.
Ainsi, il est faux d'associer les Juifs à un Etat, à une nation, à une politique. Les Juifs sont avant tout d'opinions diverses par rapport aux Palestiniens... comme nous ! Et notre responsabilité, c'est de refuser de nous laisser berner par les vieux a priori les concernant. Par là commence notre nécessaire résistance à l'antisémitisme.
Claude-Alain Baehler
Rédacteur responsable de Vivre

 

4 réactions

  • Labbe dimanche, 24 août 2014 10:03

    Ne trouvez-vous pas étrange que le Hamas tirent des fusées sur Israël et lorsque 'Israël riposte il ne tue pas du Hamas mais des civils. Quand le Hezbollah libanais tire des fusées sur Israël et qu'Israel riposte il ne tue pas des combattants mais que des civils libanais. Par curiosité, juste pour savoir, quand Israël riposte combien de soldat ennemis tue-t-il? Les civils on sait, le décompte macabre nous ait asséné chaque fois que l'on allume la TV ou la radio, mais les soldats armés de kalachnikovs de lances roquettes, de fusils d'assauts, des missiles de nos amis russes, combien ?

  • Pascal Vidoudez mercredi, 27 août 2014 12:06

    Bien que cela ne soit pas ici le thème de l'article de Claude-Alain Baehler, voici une réponse aux réflexions portées par "Labbe".

    Dans un rapport, un pasteur a recueilli différents témoignages et a compilé les analyses que se sont livrées plusieurs médias. Il aborde dans un chapitre la question du nombre de victimes.

    Cependant, nous devons être conscients que les gazaouïs sont pris entre le marteau et l'enclume.
    1) Ce sont eux qui subissent, en premier lieu, dans leur vie quotidienne leur gouvernement (entièrement composé du Hamas depuis qu'il a écarté le Fatah dans un bain de sang alors que le Fatah avec obtenu 45 sièges sur 132 aux élections démocratiques, le Hamas en ayant obtenu 72).
    2) En prime, les gazaouïs subissent les frappes d'Israël en réponse aux tirs de roquettes que leur gouvernement via la branche armée du Hamas ou le djihad envoient sur Israël. On parle de près de 4'000 roquettes depuis le 12 juin 2014. A noter que 300 s'additionnent à ce nombre de 2014 : ce sont celles envoyées sur Israël du 1er janvier 2014 au 11 juin 2014 et qui font partie de ce que l'on appellera le quotidien.

    Mais voici donc ce qui était écrit au sujet du nombre de victimes.

    "La plupart des bilans sur le nombre de victimes palestiniennes utilisés par les médias proviennent du Haut- Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, qui récupère ses informations auprès des services médicaux du Hamas et de plusieurs organisations humanitaires rassemblées sous le nom « Protection Cluster », indique la BBC.

    Pour le porte-parole de l’armée israélienne, le capitaine Eytan Buchma, le nombre de morts est également « très largement basé sur les informations données par le ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le Hamas » indique encore la BBC qui note que le Hamas n’a publié aucun bilan de ses pertes et qui précise que les miliciens tués au combat sont rhabillés en civils sur le chemin de l’hôpital.

    Le New York Times va plus loin. En analysant les chiffres et les noms des victimes, le journal affirme que « la population qui a le plus de probabilité d’être des combattants, les hommes âgés de 20 ans à 29 ans, est aussi la plus surreprésentée dans le total des morts. Ils sont 9% des 1,7 million d’habitants de Gaza mais 34% des tués dont l’âge est donné. Dans le même temps, les femmes et les enfants de moins de 15 ans, ceux qui ne sont pas des cibles légitimes, représentent 71% de la population de Gaza et 33% des pertes dont les âges sont connus ».

    En résumé, les combattants sont comptabilisés comme des civils. D’autre part, le nombre de femmes tuées est très inférieur à celui des hommes. « Si les attaques israéliennes étaient indéterminées et touchaient autant les civils que de combattants » il est difficile d’expliquer pourquoi les israéliens ont tué beaucoup plus d’hommes civils que de femmes, explique la BBC.

    Cette étude démontre que les chiffres proposés par la Ména, une agence de Presse franco-israélienne sont compatibles avec le sexe et l’âge des morts dénombrés par l’ONU, ce sont donc les chiffres les plus proches de la réalité parmi ceux qui ont été diffusés.

    L’évaluation de la Ména , au 9 août, s’établissait de la manière suivante : le total des pertes palestiniennes s’élevait à 2 049 individus, soit 1 843 qui sont passés par les hôpitaux et les morgues officiels, et 206 miliciens, qui ont été enterrés par le Hamas dans des cimetières clandestins, afin de les soustraire au bilan et de réduire ainsi, aux yeux des Gazaouis, des Arabes et du monde, l’étendue de sa défaite. D’après Sami el Soudi, le chef de la Ména palestinienne, le nombre réel de miliciens tués lors de Barrière Protectrice est proche de 1 400, soit plus de deux tiers des morts.

    El Soudi observe que des milliers d’adolescents, à partir de l’âge de 13 ou 14 ans, qui figurent comme enfants dans les statistiques de l’ONU, ont participé à l’effort militaire des milices, notamment dans le creusement et l’entretien des tunnels, la communication et le transfert des munitions en direction des miliciens plus âgés. Le chef de la Ména palestinienne explique également qu’une cinquantaine de femmes qui se trouvaient au service du Hamas, dans des appartements et des maisons frappées par Tsahal, font également partie de la liste de morts.

    L’analyse des statistiques des Nations Unies apporte la preuve irréfutable que l’affirmation selon laquelle « le nombre des victimes civiles serait largement supérieur à celui des miliciens », est absolument sans fondement. Sur la base de ces conclusions, toute personne honnête retiendra que les chiffres communiqués par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme ne sauraient représenter la réalité, de même que ceux produits par ce que certains media appellent les « Autorités médicales de Gaza ».

    Selon des sources palestiniennes, 84% des victimes (sur pratiquement 2000) à Gaza étaient des civils.
    Il faut aussi préciser que dans ce décompte déjà 'gonflé', le Hamas comptabilise tous ceux qui sont morts dans cette période pour d'autres raisons (morts naturelles ou par accidents ou maladie, morts pour exécution, morts à cause de tirs ratés (un nombre important de missiles sont tout de même retombés à Gaza) …

    C'est cette version qui a été retenue par les medias qui tous médias confondus, ne manquaient jamais d'ajouter en faisant leur décompte quotidien de morts et de blessés: 'Pour la plupart des civils'…"

  • P. North dimanche, 07 septembre 2014 22:12

    Ce texte, si court et bien intentionné soit-il, comporte quelques affirmations bien étranges. « Le conflit écoeurant … de Gaza génère des émotions qui troublent la raison », nous dit-on, et fait apparaître des « réflexes » tels que, entre autres, « l’antisémitisme ». L’argumentaire, dans son essence, dit ceci : « il est faux d’associer les Juifs à un Etat, à une nation, à une politique. Les Juifs sont avant tout d’opinions diverses par rapport aux Palestiniens… comme nous ! ». On laisse assez clairement entendre ici deux choses :
    1) l’antisémitisme se nourrit de l’existence et de la politique de l’Etat d’Israël ;
    2) il n’a pas de raison d’être, non parce que l’existence et la politique d’Israël seraient justifiées, mais parce que les Juifs n’auraient rien à voir, ni avec cet Etat, ni avec sa politique. Contester cette dernière affirmation, présentée comme vérité indiscutable, reviendrait à nous « laisser berner par les vieux a priori » et à saper toute résistance à l’antisémitisme.
    Voilà une position assurément très pratique. La question de l’Etat d’Israël se trouve reléguée dans les limbes. On évite de prendre une position explicite, mais la vertu est sauve puisqu’on a désapprouvé l’antisémitisme, tout en suggérant qu’Israël pourrait bien en être responsable, ce qui nous ouvre les portes de la bonne société qui pense comme il faut.
    La réalité me paraît moins simple. Tout d’abord, on n’imagine guère, par exemple, les catholiques italiens ou polonais manifester dans la rue contre l’Etat français, ni scander « mort aux Français ! » parce que le gouvernement Hollande a adopté le « mariage pour tous ». Nul « antifrancisme » n’est apparu suite aux interventions de la France, qui n’était ni attaquée ni menacée, en Côte d’Ivoire ou en Lybie. Pas même d’anticommunisme ni d’appel au boycott de la Corée du Nord, qui est pourtant réellement, elle, la plus grande prison du monde (sans parler des femmes musulmanes, dont chacun sait qu’elles sont toutes libres comme l’air). La Vertu contemporaine absout le monde entier, sauf Israël bien sûr.
    La seconde affirmation est assez grossière mais devient de plus en plus en vogue, notamment à la suite du livre publié par Jean-Jacques Meylan et Guy Gentizon en 2010 « Israël-Palestine : quelle coexistence ? ». Dans cet ouvrage, Jean-Jacques Meylan affirmait massivement que les Juifs actuels ne constituent pas une nation, et qu’ils n’ont rien à voir avec ceux de l’Antiquité. Selon lui, leur identité n’est définie que par le judaïsme, comme l’identité des Protestants n’est définie que par leur doctrine. En conséquence, les Juifs ne seraient pas plus liés à la Terre Sainte que les Protestants ne sont liés à un territoire quelconque. Tout cela au nom de « notre conception de la judéité » (sic), qui primerait évidemment sur tout autre. La réfutation de cet argument, que j’avais donnée sur ce blog, n’y est plus accessible. Disons simplement qu’il est absurde de nier tout lien entre les Juifs et une terre, ne fût-ce que parce que la Judée a existé durant plus d’un millénaire en tant que royaume, et qu’une présence juive s’y est maintenue dans les deux millénaires qui ont suivi. Que de nombreux Juifs ne soient pas sionistes et que l’homogénéité ethnique se soit diluée depuis l’Antiquité ne change rien au fait que le judaïsme reste avant tout héréditaire et est donc, par définition, précisément associé à un peuple. Il est, de plus, associé à Jérusalem, comme l’atteste la fameuse salutation « l’an prochain à Jérusalem ». Enfin, l’Etat d’Israël est, par définition aussi, le foyer national juif, et à peu près la moitié des Juifs du monde y résident. Bien des Juifs de la diaspora songent à y faire leur alyah, et beaucoup de ceux qui ont fait le pas s’y sentent plus en sécurité qu’en Europe. Prétendre que « il est faut d’associer les Juifs à un Etat » est particulièrement mal placé et trahit une insoutenable légèreté.
    Il est vrai que certains Juifs ne se sentent nullement solidaires d’Israël, ou vont jusqu’à déplorer son existence. Le plus connu d’entre eux est peut-être Shlomo Sand, un historien israélien qui a publié un livre intitulé « Comment le peuple juif fut inventé ». Bien que dépourvu de rigueur et largement contesté, cet ouvrage a servi de référence à M. Meylan pour son propre livre. Plus tard, Shlomo Sand a publié « Comment la terre d’Israël fut inventée », et enfin « Comment j’ai cessé d’être Juif ». Ces trois titres, très cohérents, sont extrêmement révélateurs, non pas des réalités historiques, mais de la psychologie de l’auteur d’une part, et de la nature du judaïsme d’autre part. Car il ne doit pas être facile d’être Juif, ce dont bien des Goïm ne semblent pas conscients, justement parce que l’identité juive est héréditaire et ne se choisit donc pas. Un chrétien peut toujours quitter son église en cas de désaccord (encore que certaines dénominations n’admettent pas l’auto-excommunication) ou embrasser une autre foi. Un Juif ne peut le faire, sinon philosophiquement, puisque son ascendance suffit à le désigner comme tel : bien des Juifs pourtant assimilés en on fait l’amère expérience sous le nazisme.
    Pour terminer, je m’étonne que dans ce texte écrit par un chrétien, la seule et unique référence à la Bible n’est là que pour souligner lourdement la « banalité » du peuple hébreux. Il est entendu que les Juifs ne sont pas moins pécheurs (et pas plus !) que les autres peuples et que leur élection est une grâce de Dieu. Cela n’empêche pas qu’ils sont nos parents dans la foi, et que l’honneur dû aux parents selon le Décalogue devrait s’appliquer à eux aussi bien qu’à nos parents biologiques : un minimum de respect me semble de mise.

  • Etudiant FREE College lundi, 15 septembre 2014 13:24

    De la part de Jean-Jacques Meylan, pasteur dans la FREE:

    Merci à Pierre North d'avoir esquissé les difficultés à définir l'identité juive. Rien que pendant la période biblique cette identité recouvre une grande diversité. Il y a les Hébreux "d'origine", les Perses qui se sont fait Juifs par peur de la vengeance des Juifs (Esther 8.17). Dans l'empire romain beaucoup adhérèrent au judaïsme par admiration de cette religion et par désintérêt du paganisme. Le Nouveau Testament les qualifie de "prosélytes" (Ac 2.11, 13.43). Cette diversité s'est étendue pendant les 2000 ans qui ont suivi. Actuellement, au sens du rabbinat, un Juif qui croit que Jésus est le Messie, perd son identité juive.
    Merci à Claude Alain Baehler de s'insurger clairement contre l'antisémitisme qui est une infamie. Ceci dit, pour éviter précisément toute attitude antisémite, il est capital de distinguer "antisémitisme" et appréciation de la mise en œuvre de l'événement du "sionisme". Comme je l'ai relevé, le sionisme a présenté différents visages. Il y a un sionisme de coopération avec le peuple palestinien (Martin Buber, Yitzhak Epstein, André Chouraqui, etc.) qui a cherché à développer une société mixte. Il y a une opposition juive au sionisme. Il y a un sionisme d'opportunité. Des dizaines de milliers de Russes se sont trouvés en Israël dans les années 1990 alors qu'ils désiraient aller en Amérique. Et, finalement, il y a le sionisme exclusif, militaire, conquérant, discriminatoire. C'est bien sûr celui-ci qui l'a emporté puisque c'est le seul qui est organisé militairement. Il va être très difficile de passer de celui-ci à une culture de cohabitation qui permette aux peuples juif-israélien et palestinien de vivre dans le respect réciproque. Mais il n'est pas interdit de rêver.... et de prier.

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