Mais quelle mouche a donc piqué Gottfried Locher, le président du conseil de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse ? Vendredi dernier, dans une interview au Tages Anzeiger (2), il franchit en un seul et unique article plusieurs seuils qui mettent sur le même plan couples hétérosexuels et de même sexe, tant du point de vue civil que religieux.
Complète égalité entre couples homosexuels et hétérosexuels
Pour lui, dans la législation helvétique, le « partenariat enregistré » doit laisser la place au « mariage civil pour tous », comme le demande actuellement une iniative parlementaire. Et les Eglises réformées devraient reconnaître ce type d’union en la bénissant. Ce qu’elles ne font pas encore toutes dans notre pays ! De plus en interne, ces Eglises devraient assimiler du point de vue de leur réflexion éthique cette union civile à un mariage (« Ehe »), un terme qui, pour beaucoup jusqu’ici, était réservé aux couples hétérosexuels.
Le numéro 1 des réformés suisses franchit encore un autre seuil : il souhaite que les Eglises à la destinée desquelles il préside ne mettent plus en place des « bénédictions pour couples partenariés », mais de véritables célébrations de mariage pour les couples homosexuels, parce que le distinguo entre bénédictions (« Segnungsgottesdienst ») et célébrations de mariage (« Trauungsgottesdienst ») n’a plus lieu d’être, le propos étant « difficile à fonder théologiquement ».
2000 ans de réflexion sur le mariage balayé !
Non seulement Gottfried Locher balaie d’un revers de main les compromis laborieux mis en place par des Eglises cantonales comme l’Eglise réformée vaudoise, mais en plus il lance encore que, du point de vue théologique : « L’homosexualité correspond à la volonté créationnelle de Dieu » ! Dès l’origine, l’homosexualité serait dans le plan de Dieu et un mode de conjugalité créé par Dieu.
On en reste sans voix ! Près de 2000 ans de tradition chrétienne sur le mariage, près de deux millénaires de lecture et de réflexion éthique autour de Genèse 2. 22-25 et Matthieu 19 sont effacés… balayés par quelques lignes dans une interview confiée à un journaliste alémanique !
Une incapacité à entrer en post-chrétienté
Comment en est-on arrivé là ? Le théologien Gottfried Locher le dit bien dans cette interview : « Si l’Etat s’ouvre au mariage des couples de même sexe, je ne vois aucune raison de ne pas le suivre... Les Eglises réformées feraient bien de prendre au sérieux le consensus social... » Suivre l’Etat, suivre la société dans ses évolutions, c’est le fondement de ce propos et du libéralisme théologique affiché par le président de la FEPS. Ce n’est plus la Bible – et son regard critique sur nous-mêmes et notre société ! – qui constitue le fondement de la foi chrétienne et la référence ultime en protestantisme, mais l’opinion publique de la post-chrétienté. Celle-ci vient dicter aux chrétiens ce qu’ils doivent penser dans leurs réflexions éthiques, mais aussi ce qu’ils doivent mettre en œuvre dans leurs célébrations religieuses.
Une autre voie est possible. Critique, fidèle au bon dépôt… et évangélique (3) !
Serge Carrel
- « Louis Schweitzer et les fondements de l’éthique chrétienne », Ciel ! Mon info, 2018.
- « Livre : un pasteur attiré par les personnes de même sexe considère l’homosexualité comme un péché », lafree.info, 2018.
- « Couples partenariés : un pasteur démissionne », Ciel ! Mon info, 2014.
- « Un Dossier Vivre sur l’homosexualité dorénavant en téléchargement gratuit et en lecture libre », myfreelife.ch, 2018.