Pour Konrad Specker de la DDC : « StopPauvreté est une contribution bienvenue au débat sur l’aide au développement »

mercredi 09 février 2011
De 2002 à 2010, la Coopération suisse (DDC) a mené une réflexion de fond sur « Développement et religion ». En septembre et en novembre 2010, deux rencontres d’envergure ont marqué la fin de ce cycle. Lafree.ch a voulu connaître les conséquences de cette démarche sur les relations entre la DDC et les ONG évangéliques, rassemblées notamment autour de StopPauvreté. Interview de Konrad Specker, chef de la division Partenariats institutionnels à la DDC.
Pendant longtemps associer religion et spiritualité à aide au développement a entraîné des craintes du côté de la Direction du développement et de la coopération suisse (DDC). Comment voyez-vous les choses aujourd’hui, après 6 ans d’un processus de réflexion?

La religion influence une société et les individus qui la composent d’une façon ou d’une autre. Compte tenu du fait que l’aide au développement est concernée par l’évolution des sociétés, la politique en matière d’aide au développement doit aborder les questions religieuses comme celles liées à d’autres facteurs sociaux.
Notre processus de réflexion sur le thème « Religion et aide au développement » était basé sur le constat d’ambiguïté entre potentiels et risques du religieux. On ne peut pas dissocier ces deux dimensions. Elles constituent un champ de tensions. Les études de cas que nous avons menées cherchent précisément à identifier ce genre de champ de tensions et à apporter des renseignements sur la façon de les aborder.
L’intérêt principal est de savoir comment les facteurs religieux peuvent être mieux pris en compte dans la stratégie et la pratique de la coopération au développement. Il est essentiel que la mise en œuvre de notre politique de coopération s’appuie sur des analyses solides des contextes, des acteurs et des intérêts, sur l’observation des effets secondaires et tertiaires, et sur une évaluation des actions à la lumière de facteurs d’effets multidimensionnels.
 
Qu’est-ce que cette réflexion menée par la DDC change dans votre perception des ONG à base religieuse (FBO, Faith Based Organisations) ?

Pour ce qui est de la coopération au développement comme pour ce qui est de l’aide humanitaire, les ONG à base religieuse doivent répondre aux mêmes exigences de compétence, de savoir-faire, de professionnalisme et de transparence que tous les autres acteurs. On ne doit pas considérer les ONG à base religieuse comme une catégorie séparée.
 
Quels sont aujourd’hui les critères de qualité du travail humanitaire d’une ONG à base religieuse d’après la DDC?

Dans la même logique qui veut que les ONG à base religieuse ne soient pas considérées comme une catégorie séparée, nous n’avons pas développé de critères de qualité spécifiques pour ce type d’organisations. Par contre, nous avons établi des critères de qualité généraux pour l’approche des potentiels et des risques de la religion et de la spiritualité dans la coopération au développement. Ces critères sont publiés dans le document final du processus de réflexion (Développement et religion. Suites pratiques. Méthodes et instruments, 2009*). Selon ces critères, des activités religieuses, de conversion par exemple, ne doivent en aucun cas faire partie de la coopération au développement et de l’aide humanitaire.
 
Comment aux yeux de la DDC les Eglises du Sud peuvent-elles être considérées comme des partenaires efficaces du développement en tant qu'institutions locales ?

La pertinence de tout partenariat local doit être analysée dans le contexte spécifique.
 
Quelles incidences votre réflexion sur religion et développement va-t-elle avoir sur les relations entre la DDC et les ONG évangéliques?

Grâce à notre processus de réflexion, nous disposons d’une bonne base analytique pour aborder les questions liées aux potentiels et aux risques du facteur religieux avec les ONG en général, y compris les ONG évangéliques.
 
Est-ce que les ONG évangéliques, notamment au travers de StopPauvreté, en font assez aux yeux de la DDC pour promouvoir la cause des plus pauvres sur la planète?

La sensibilisation et l’information de la population sur les enjeux globaux et les défis du développement sont très importantes. Cela fait partie des efforts nécessaires pour promouvoir  un débat constructif et documenté quant à la politique de développement. Il est aussi nécessaire de créer de la compréhension par rapport à la complexité des enjeux. Dans ce domaine, il n’y a pas de vérités ou de solutions simples. Il faut faire réfléchir. La campagne StopPauvreté est une contribution bienvenue au débat.
 
Y aura-t-il un canal direct de financement entre la DDC et le pôle des évangéliques, rassemblé notamment autour d’Interaction?

Nous sommes en dialogue avec Interaction.

Serge Carrel, interview réalisé par courrier électronique


* Pour découvrir ces critères, voir le document « Développement et religion. Suites pratiques. Méthodes et instruments » et notamment la dernière partie intitulée : « Questions clés et critères de qualité pour l’approche des potentiels et des risques de la religion » (p. 38-40). Télécharger gratuitement ce document.

  • Encadré 1: La DDC a franchi une étape importante ! (commentaire)
    Ce processus de réflexion mené par la DDC autour de Développement et religion marque la fin d’un cycle et ouvre des perspectives intéressantes pour les ONG évangéliques !
    Tout d’abord, la DDC admet que toute action d'aide au développement a une couleur et ne peut être découplée des forces motivationnelles qui la génèrent. Le religieux prend souvent une place importante dans cette force motivationnelle, puisque aujourd'hui plus de 50% de l'aide au développement sur le plan mondial est apporté par des ONG à base religieuse (FBO).
    Ensuite, il faut entendre les réserves des partenaires étatiques par rapport à l’instrumentalisation de l’aide. L'aide ne peut en aucune manière être échangée contre l'adhésion à un mouvement ou à une croyance. Nombre d’ONG évangéliques, lorsqu’elles ouvrent un puits ou offrent des services médicaux, le font dans une dynamique de service offert à l’ensemble de la population d’une région et de manière non discriminatoire. D’ailleurs, pour revenir aux références chrétiennes essentielles, Jésus n’a jamais conditionné son intérêt pour les gens et ses actes libérateurs à l’adhésion à un quelconque catéchisme ou à une institution. L'adhésion à la foi chrétienne et à l'Evangile, la Bonne Nouvelle de la libération en Jésus-Christ, est un choix personnel et libre de toute forme de contrainte. En fait à ce niveau-là le Christ est un modèle indépassable et même contraignant !
    A plusieurs reprises lors de ces rencontres entre responsables d’ONG et la Confédération helvétique, la Coopération suisse a demandé aux ONG religieuses une contribution apaisante dans les conflits interreligieux. Des initiatives doivent naître et aller dans le sens du dialogue, de la reconnaissance mutuelle et du respect des libertés religieuses reconnues dans le droit international. Rien qui ne puisse s’inscrire au coeur des activités de nos ONG !
    Dans un tel contexte, la transparence de nos ONG chrétiennes est une nécessité. Il importe de dire ce que nous faisons et ce que nous ne faisons pas en matière religieuse, afin de dissiper tout malentendu et toute accusation. Cette transparence doit être affichée et déclarée avec des mots qui sont compris par tous et qui ne génèrent pas de confusion.
    En conclusion, il y a aujourd'hui de la part de la Coopération suisse une reconnaissance implicite forte du travail et du rôle des ONG religieuses, mais aussi une demande de transparence, d'analyse approfondie du contexte local et de respect des limites en matières culturelles et religieuses. C'est une étape positive dans le partenariat de nos ONG avec la Confédération. Un partenariat que nous souhaiterions voir se développer.
    Pour StopPauvreté.2015, Jean-Daniel André et Roger Zürcher

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