vendredi, 19 février 2016 09:32

Peu avant le procès du meurtrier de Marie, Antoine Schluchter publie "En traversée"

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En mai 2013, l’assassinat de Marie a ému toute la Suisse romande. Son père, le pasteur Antoine Schluchter, publie un deuxième livre. En traversée : de la perte au procès retrace la vie intérieure et surtout les rencontres que ce pasteur réformé a faites suite au drame. Un livre fort, de quelqu’un qui a trouvé des ressources dans le Christ pour ne pas laisser à la haine, à la colère et à la culpabilité la possibilité de l’emporter.

« Après la tragédie que nous avons vécue avec l’assassinat de Marie, les personnes avec lesquelles nous entrons en contact laissent la plupart du temps tomber les barrières. Elles ont l’impression que l’on peut parler, que ce que nous pourrons dire n’est pas théorique ! » Voilà plus de deux ans et demi qu’Antoine et Evelyne Schluchter ont perdu leur fille Marie, assassinée à 19 ans et un jour. Du 7 au 11 mars prochain, le procès du meurtrier devrait avoir lieu à Renens. Dans un livre qui vient de paraître, le pasteur Schluchter dévoile son regard sur cette période En traversée, du nom du titre qu’il a donné à son opus.

Des récits de rencontres chargées

En-traverseeLe livre est construit avec des textes un peu disparates qui retracent des rencontres de personnes qui se sont ouvertes au pasteur de Villars-sur-Ollon (VD), des personnes marquées par une ou des blessures, la plupart du temps profondes, dont il est si difficile de parler. Il y a ces personnes de médias qui, au-delà de l’interview formelle qu’elles mènent avec lui, s’ouvrent à la réalité plus tragique qui les habitent. Il y a ces paroissiens que la tragédie vécue par le pasteur incite à parler de ce qu’ils ont vécu d’inqualifiable. Il y a ces lecteurs de Je te salue, Marie, ma fille, son premier livre, qui prennent contact… « Mes interlocuteurs arrivent, explique Antoine Schluchter, avec de l’empathie pour notre histoire et y connectent la leur. » C’est ainsi qu’il a été donné à ce couple pastoral d’entrer en contact avec Lily, une « Asiatique habillée en marron » qui vit en France et dont les deux sœurs ont été assassinées par un homme au profil similaire à celui du meurtrier de Marie. « Depuis que nous nous sommes rencontrés, nous avons l’impression de cheminer ensemble, de réaliser notre dénuement et de nous encourager sur le chemin de l’espérance… »

Une feuille de route : non à la haine !

Par des chroniques, En traversée reflète aussi les réflexions et les pensées qui, au fil du temps, ont habité Antoine Schluchter. « Sur-vivre au non-sens » retrace ainsi la feuille de route que lui, son épouse et leur fille Laetitia ont décidé de suivre par rapport à l’assassin de Marie. « Au moment de l’annonce du drame, nous avons eu exactement la même réaction, explique-t-il. Ne pas nous laisser salir le cœur par la haine et éviter que le meurtrier continue à tenir les commandes et à nous diriger. » A la suite de celui qu’il appelle son Guide – Jésus de Nazareth – Antoine Schluchter renonce à la haine et « remet cette personne entre les mains de Dieu. J’ai trouvé là un appui et les paroles du Christ dans le Sermon sur la montagne ont été pour moi un recours qui m’a permis de ne pas dériver. »

Non à la colère et à la culpabilité

Dans le texte « Sur-vivre au non-sens », Antoine Schluchter relève aussi qu’il a renoncé à la colère contre le système judiciaire, qui ne s’est pas révélé à la hauteur des enjeux. D’abord en libérant et en laissant en liberté un meurtrier qui donnait des signes forts de tentations de récidives. Puis en laissant échapper des données numériques de Marie que l’assassin n’aurait jamais dû avoir entre les mains. « C’est une question de motivations intérieures, ajoute Antoine Schluchter. Nous n’acceptons pas d’être dans un état d’esprit négatif, qui serait néfaste pour nous et qui pourrait nous fourvoyer. De plus, au vu de ce qui s’est passé, le système judiciaire s’en veut et a déjà consenti à des réformes… » Antoine Schluchter et son épouse se sont constitués « partie plaignante » à ce procès. Ils le suivront, nullement mus par la colère.

Enfin, le pasteur Schluchter et son épouse ont renoncé à se laisser ronger par la culpabilité. « Certes, admet-il, nous n’avons pas été des parents idéaux. Certes, je n’ai pas été un père parfait. A certains moments, nous aurions dû réagir différemment à l’endroit de notre fille. Nous en avons parlé avec mon épouse… Dans l’éducation de nos enfants, nous devons accepter d’être dans la démaîtrise et dans la dépossession. »

A quelques jours du procès, Antoine Schluchter ne regrette pas la feuille de route qu’ils se sont donnée en famille. Face au mal radical, complète-t-il, il faut trouver des ressources et se laisser traverser par une force nouvelle. Rien n’est neuf dans ce qu’ils ont vécu, mais cela a pris une ampleur différente. « Nous avons une perspective d’espérance qui va au-delà du drame, au-delà de la perte et au-delà du manque. Et cela je le souhaite à tous ! »

Serge Carrel

Antoine Schluchter, En traversée. De la perte au procès. De peine et de paix, Lausanne, Favre, 2016, 264 p.

Voir l’émission Ciel ! Mon info avec Antoine Schluchter.

Une conférence donnée à l’Eglise évangélique de Villard à Lausanne (FREE) le 15 novembre 2015 : « Pourquoi Dieu permet-il le mal et ses conséquences? » A voir ici.

La prédication d’Antoine Schluchter transmise sur RTS Espace 2 le 18 août 2013 : « Comment se positionner face au mal radical ». A écouter ici.

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