Cher Monsieur et frère en Christ,
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt vos arguments pour décourager les Eglises, ou Fédérations comme la FEV, de demander la reconnaissance de leurs communautés religieuses auprès de leur gouvernement cantonal.
Vous représentez un mouvement chrétien, les Mennonites, que j’apprécie énormément, mais qui, à cause de son histoire – entre autres, et pour cause ! – ne veut pas de relations structurelles avec les autorités gouvernementales.
A partir de là, vous avez analysé les travaux de la FEV en décelant tous les indices qui pourraient nuire à la liberté religieuse et édulcorer le message de l’Evangile. Les points que vous soulevez méritent notre attention, mais je désire vous répondre en prenant une image sportive.
Jouer un match officiel
La FEV a décidé de participer à un tournoi de football officiel et elle joue actuellement les arrêts de jeu de la première mi-temps. Je m’explique. Le but d’un tournoi officiel, c’est d’être reconnu dans la société civile. Les motifs sont de vivre les valeurs fondamentales chrétiennes dans une société sécularisée, qui veut se couper de ses racines judéo-chrétiennes.
Tant que l’équipe joue des matches amicaux, cela ne pose pas de problème ; mais il en va tout autrement quand on se confronte officiellement avec une société qui n’a plus les mêmes repères éthiques, en particulier, et qui refuse de plus en plus la transcendance chrétienne.
Je mentionne quelques exemples. Vivre sa foi dans le médico-social vaudois n’est plus gagné d’avance (demandez aux œuvres sociales de la FREE et de l’Armée du Salut). Etre un aumônier confessionnel dans une structure institutionnelle n’est plus une évidence. Communiquer nos valeurs dans les médias officiels devient un exercice de haute voltige. Mettre sur pied des formations théologiques évangéliques d’un certain niveau rencontre de l’opposition ouverte. Sur le plan politique, nos conseillers municipaux, nos députés et nos conseillers nationaux sont très souvent sur la corde raide et font de l’équilibrisme pour se maintenir dans leur foi chrétienne.
« La FEV doit mouiller son maillot ! »
Ces hommes et ces femmes jouent le vrai match ; ils ne sont pas dans les tribunes, ils sont dans l’arène ! Et j’ose dans ma réponse lancer ce cri : « Qui les soutient ? »
Mon vœu le plus sincère, c’est que la FEV « mouille son maillot », entre aussi dans le match pour maintenir et favoriser les valeurs chrétiennes, et exprimer notre salut en Jésus-Christ dans notre société en manque de repères et d’espérance.
Or, entrer dans le match, c’est se confronter aux structures civiles en place. C’est dire non ou oui à certaines choses. Et pour être acceptée au tournoi, la FEV doit faire sa demande de reconnaissance. Maintenant, elle joue la première mi-temps. C’est vrai qu’elle a transpiré pour arriver où elle en est aujourd’hui. Pour poursuivre avec l’image sportive, la FEV mène 1 à 0 et joue les arrêts de jeu; elle mène parce qu’elle a réussi à déposer le dossier. Nous sommes dans les prolongations, parce que nous n’avons pas encore signé la Déclaration liminaire.
Nous voulons la signer pour pouvoir jouer la deuxième mi-temps. Cette deuxième partie de match consistera à établir un partenariat avec l’Etat de Vaud. Sa durée peut aller jusqu’à 5 ans. C’est là que nous allons défendre nos valeurs et veiller à ce que les lois de notre pays soient respectées de part et d’autre ; je pense à la liberté religieuse et à liberté de conscience, en particulier. Il est clair que s’il n’y a pas de terrain d’entente, le match sera arrêté ; autrement dit la reconnaissance n’aura pas lieu.
De la déception
Pour terminer, je vous exprime ma déception. Vous vous êtes permis de faire une analyse et un bilan du travail de la FEV, c’est votre droit. Mais vous l’avez fait à la mi-temps. Vous auriez pu avoir la sagesse d’attendre la fin du match. Or, je vous imagine dans les vestiaires des Eglises évangéliques, en train de les décourager à jouer la deuxième mi-temps. Ce n’est pas sympa ; dommage ! Nous avons besoin d’être encouragés pour gagner la partie, celle de pouvoir être sel et lumière dans cette société institutionnalisée, même si nous devons prendre des coups.
Je souhaite que la Fédération évangélique neuchâteloise demande sa reconnaissance ; nous serons alors deux dans le tournoi. Nous pourrons développer une belle atmosphère communicative aux autres équipes… et tout à la gloire de Dieu !