Un portail en bois sépare la rue tranquille de la coquette maison individuelle où réside Rico Wyss, à Aigle. Des marches d'escaliers nous conduisent à la porte d’entrée, où Anita, sa fille aînée, nous accueille avec un sourire chaleureux. À l’intérieur, le calme règne. Dans le salon, un homme âgé est assis dans un fauteuil, une grande Bible ouverte à ses côtés.
Nous proposons de nous asseoir près de lui pour ne pas le forcer à se lever, mais Anita insiste : « Non, cela lui fera du bien de se mouvoir. » Alors, avec une dignité silencieuse, Rico Wyss se lève, marche jusqu’à la table de la salle-à-manger, tire sa chaise lui-même et s’installe. Nous sommes prêts à intervenir pour l’aider, mais Anita ne cille pas. L'autonomie de son père paraît précieuse.
Rico Wyss a fêté ses cent ans le 24 février 2025. Pour célébrer son centenaire, sa famille a ouvert sa maison durant trois jours. Les murs témoignent encore de ce passage : des cadres photos accrochés immortalisent les souvenirs que ses proches ont rapportés pour l'occasion. Le 23 janvier, le pasteur de l'Eglise évangélique de Chable-Croix (FREE) l’a également honoré d'un discours devant toute la communauté.
Anita nous sert, à tous les trois, un verre de chasselas. Rico parle peu, mais chaque mot semble pesé, réfléchi, précieux. Sa fille n’intervient pas. Elle le laisse se débrouiller, trouver ses mots. C’est son histoire qu’il raconte.
Une injustice le pousse à se tourner vers Dieu
Né en 1925 dans le canton d’Argovie, Rico Wyss grandit dans un foyer modeste. Son père, un ouvrier industriel, n'est pas croyant mais sa mère se convertit alors qu’il est âgé de trois ans, une décision qui marquera la trajectoire spirituelle du jeune garçon. À 15 ans, une injustice bouleversante le pousse à se tourner vers Dieu. Accusé à tort d’avoir volé 50 francs dans le bureau commercial où il est employé comme aide, il se voit supprimer son salaire à la fin du mois. « Ce fut la raison de ma conversion au Seigneur, car c'était la seule solution pour pouvoir digérer l'injustice que j'avais subie », confie-t-il avec émotion.
C’est le début d’une vie guidée par la foi en Dieu. Grâce à l’intervention d’un enseignant bienveillant, il trouve une place d'apprentissage de dessinateur technique, profession qu’il exercera pendant 45 ans, principalement chez Ciba-Geigy (devenue ensuite Cimo), à Monthey.
Marié en 1951, père de trois enfants, grand-père de six petits-enfants et arrière-grand-père de huit, Rico Wyss a toujours placé la famille au cœur de ses priorités. Il confie avoir « très peu participé à des sociétés, pour ne pas perdre le temps qu'il aurait pu passer avec à sa famille ». Les promenades, le ski et les services rendus aux autres faisaient partie de la vie familiale. « Si quelqu’un avait besoin d’un coup de main, on y allait, simplement, relève sa fille Anita. Mes parents nous ont toujours appris à être tournés vers les autres. Une valeur que nous pratiquons encore aujourd'hui ».
« Confiez-vous dans le Seigneur si vous voulez vivre heureux »
Homme de conviction, Rico s’est également engagé dans la vie spirituelle de son Église. D'abord membre du groupe maison issu du mouvement darbyste, il a participé à la formation d'un conseil d'anciens et soutenu l’arrivée du premier pasteur, Philippe Bottemanne. Le groupe maison est alors devenu l'Église Évangélique de Châble-Croix, à Aigle, et Rico s'est impliqué dans la présidence durant de nombreuses années. Actuellement, il fréquente la rencontre des aînés.
Aujourd'hui, le centenaire continue à vivre seul chez lui. Le CMS passe matins et soirs, des amis de l’Église lui apportent ses repas presque tous les jours et ses enfants se relaient pour lui rendre visite. S’il devait transmettre un message aux jeunes générations ? Sa réponse est simple : « Confiez-vous dans le Seigneur si vous voulez vivre heureux, même si des épreuves vous blessent en chemin. Si vous prenez le Seigneur comme guide, vous ne pouvez être mieux conduits. »