« A quand une présence plus marquée des Eglises évangéliques françaises sur le web ? » par Serge Carrel

mardi 06 juin 2017 icon-comments 5

La dernière présidentielle française a laissé monter sur le web et les réseaux sociaux nombre de réactions extrémistes d’évangéliques qui ne représentent personne, sinon eux-mêmes, et souvent des agendas particuliers. Serge Carrel, journaliste et pasteur, se permet d’inviter les Eglises évangéliques françaises à ne pas abandonner ce terrain aux « entrepreneurs religieux évangéliques », mais à développer une présence régulatrice.

Un joli débat sur le journalisme pratiqué dans les milieux évangéliques anime le web (1). Durant la campagne présidentielle, de nombreux débordements d’acteurs du web et des réseaux sociaux ont sali la réputation de la mouvance évangélique. Dans un article stimulant (2), Sébastien Fath, sociologue du protestantisme, souligne le fait que certains acteurs évangéliques du web ont pour seul horizon éthique « la braguette » et distillent avec dextérité de la « haine-angélique ».

Ne pas laisser le champ libre aux « entrepreneurs religieux évangéliques »

A la fin de son article, le sociologue relève aussi que nombre d’acteurs évangéliques importants du web sont installés « off-shore », sans lien aucun avec la réalité du terrain français. C’est ainsi que l’on apprend que le rédacteur d’Info chrétienne, le partenaire information du TopChrétien, vit sur l’île Maurice et l’animateur de L’Observateur chrétien en Chine !

Dans un milieu où l’initiative individuelle est extraordinairement valorisée, il est important que les « entrepreneurs évangéliques », ces frères et sœurs dans la foi, remarquables dans leur consécration, soient « canalisés » un minimum par les institutions représentatives du milieu.

L’importance d’acteurs représentatifs

Nous appelons depuis plusieurs années les fédérations évangéliques en France à ne pas négliger leur présence sur le web (3). Actuellement – et jusqu’à plus ample informé ! – il n’y a aucun acteur évangélique institutionnel en France qui distille régulièrement de l’information sur le milieu, et des prises de position sur l’actualité, qui concernent tous les évangéliques, à part des fils twitter ou Facebook qui déversent des « tonnes » d’informations, la plupart du temps sans mise en perspective et production propre (4).

Dans la conclusion de son article, Sébastien Fath souligne qu’au travers de ces dérapages d’acteurs évangéliques du web « ce sont des années de travail des instances chrétiennes de terrain, protestantes, évangéliques, qui se trouvent réduites à néant par d’irresponsables propos mis en ligne, au chaud, depuis la Chine lointaine, ou l’île Maurice ».

Alors, à quand une présence du CNEF, de la Fédération des Eglises évangéliques baptistes, de l’Union des Eglises évangéliques libres, des Communautés et assemblées évangéliques de France, des Assemblées de Dieu… dans la couverture de l’information évangélique. Il ne s’agit nullement de jouer les « gros bras » par rapport à ces « entrepreneurs évangéliques des médias », mais de réguler une présence, en fidélisant les internautes et en leur procurant une information fiable et des opinions informées, émises par des personnes représentatives et compétentes. C’est vrai que l’information coûte… Mais les dégâts d’image aussi ! Ils peuvent, au travers d’un post (5), casser des années de précieux travail de terrain !

Serge Carrel
Responsable de lafree.ch, site évangélique d’information

Notes
1 Voir la prise de position d'Etienne Lhermenault, président du CNEF (Conseil national des évangéliques de France). Voir aussi celle de Yannick Imbert, professeur d'apologétique à la Faculté Jean Calvin d'Aix-en-Provence, « Le journalisme chrétien », E21, 30.05.2017. Voir enfin Pep’s, « Existe-t-il une ‘information chrétienne’ ? », Pep’scafé, 19.05.2017.
 
 
3 Ne soyons pas injustes! Les Eglises mennonites via leur périodique Christ seul et les Assemblées de Dieu sont actives sur le web, mais elles pourraient l'être davantage avec des prises de position qui permettent de réguler le débat.
 
 

5 réactions

  • Bacher Henri mardi, 06 juin 2017 18:06

    Parfaitement d’accord avec l’analyse de Serge Carrel et bien sûr avec l’article de Sébastien Fath. Je pense que le terme-clé pour comprendre ces dérives politico-évangéliques, c’est le terme employé par Serge: “entrepreneurs religieux évangéliques”. Dans le cadre de la culture du livre et de l’école du passé, le critère pour contrôler la justesse d’une opinion, c’était le notion de Vérité avec un grand V. On s’excommuniait parmi, sur la base de la Vérité qu’on croyait posséder et celle des autres que l’on jugeait frelatée. Aujourd’hui, où le monde marchand domine la vie économique, culturelle, politique et même religieuse, la notion c’est la Performance. Et le terme d’ “entrepreneur religieux” est particulièrement bien choisi. On est jugé par la notoriété, le nombre de follovers, de clics, de participants à un culte ou un événement religieux. On est dans le cadre d’un “business” de type religieux. Il faut absolument faire du “chiffre” et on copie sans vergogne les politiciens actuels. dans leurs dérives de langage.

    Autre remarque. Je pense qu’un certain nombre de chrétiens ont été fichés S (fichés par les Renseignements français). Un fonctionnaire de police qui n’a aucune connaissance du christianisme et qui lit sur Facebook que M. Macron est comparé à la bête de l’Apocalypse à deux têtes, il va, par anticipation et par conscience professionnelle ficher le suspect. On ne sait jamais avec tous ces illuminés qui se baladent le couteau suisse dans la poche! Et ce qui est grave, c’est qu’une fois on est dans les filets des Renseignements, il y a des chances qu’on n’en sorte jamais. Beaucoup de ces “prophètes” qui s’expriment sur les réseaux sociaux, sont de grands naïfs qui ont oubliés que des milliers de protestants français ont fui, à une époque, la France à cause des persécutions.

    Autre remarque à l’intention des prédicateurs. Pourquoi ne pas utiliser les événements politiques comme les votations pour éduquer spirituellement parlant le croyant? Dans nos prédications, on reste souvent cantonné dans un domaine hautement idéal et on croit que le chrétien va pouvoir mettre en pratique nos idéaux d’une manière limpide. Si les croyants réagissent ainsi, y compris certaines élites, c’est aussi la faute à l’église qui n’éduquent plus les croyants qu’au niveau de la “braguette”, comme le dit si bien Sébastien Fath.

  • Vincent Miéville mercredi, 07 juin 2017 15:43

    Ton exhortation en tant que voisin helvète touche sans doute juste... mais ce n'est pas à toi que je vais apprendre que la communication, c'est un métier ! Et qu'il faut non seulement des compétences mais aussi du temps pour être présent efficacement sur les réseaux sociaux. Nous ne sommes, aujourd'hui, pas structuré pour une telle communication en tant qu'Union d'Eglises. Il faudra sans doute y remédier.

    J'ai évidemment été scandalisé par ce que j'ai pu lire ces dernières semaines. Tout en m'astreignant à un devoir de réserve pendant les élections, je me suis quand même un peu exprimé à titre personnel (et j'ai relayé l'excellent article de Sébastien Fath)... mais nous n'avons rien publié au titre de l'UEEL.

    Il y a quelque temps, à titre personnel (mais en tant que président de l'UEEL quand même...) j'essayais de tenir un blog pour réagir un peu à l'actualité, sur feu PLVmagazine, le webzine de l'UEEL... Depuis son arrêt, plus rien. Mais ton article m'encourage à y réfléchir à nouveau ! Et c'est bien...

  • Vincent Miéville mercredi, 07 juin 2017 19:41

    Bon allez, ça y est... je me relance : http://blognotesdevincent.blogspot.fr/2017/06/javoue-avoir-ete-un-peu-pique-au-vif.html ;)

  • SC jeudi, 08 juin 2017 07:50

    On se réjouit de te lire, Vincent! Un président d'union d'Eglises évangéliques qui pose des jalons dans un débat, ça aura tout son poids! Amitiés!
    Serge Carrel

  • Matthias Radloff vendredi, 09 juin 2017 13:34

    Est-ce possible (ou souhaitable), que les « entrepreneurs évangéliques », ces frères et sœurs dans la foi, remarquables dans leur consécration, soient « canalisés » un minimum par les institutions représentatives du milieu ?
    Heureusement que le potentiel de convaincre de ces entrepreneurs est inversement proportionnel à celui de se rendre ridicule.
    Malheureusement, notre témoignage peut en souffrir.
    A moi d'encourager (liker, tweeter, hashtaguer, féliciter) celle et celui qui taille son crayon, non pour représenter son milieu, mais pour interpeller de manière intelligente, même à contre-courant de la pensée représentative de son milieu.

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