Enfin! Tel est le soupir d'une célibataire qui n'a pratiquement jamais entendu d'enseignement sur le célibat... Alors que cours et prédications abondent sur le mariage, le célibat est presque devenu tabou dans nos Eglises évangéliques. Un grand merci à Barry Danylak de nous offrir Le célibat réhabilité – Signe du royaume qui vient, un livre très équilibré sur ce sujet!
L'auteur pose d'emblée un premier constat: aucune grande religion monothéiste ne valorise le célibat... sauf le christianisme! Sur le mariage et la famille, ces religions ont des positions assez proches. Mais cette spécificité chrétienne sur le célibat mérite qu'on s'y intéresse... surtout que notre société se compose de plus en plus de célibataires!
Comme le dit Barry Danylak (p. 14): « Alors que les adultes non mariés sont en train de devenir majoritaires en dehors de l'Eglise, une étude récente de George Barna (1) estime qu'ils sont largement sous-représentés dans presque tous les domaines de la vie de l'Eglise. » Or le célibat ne semble pas être un grand sujet de préoccupation pour les spécialistes de la croissance de l'Eglise: il y a un problème!
Une théologie... de l'alliance!
Quelle surprise! Plus de la moitié de ce livre sur le célibat traite... de l'alliance! Car la première moitié de la Bible commande le mariage:
— « Dieu les bénit en disant: Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre... » (Gn 1.28).
— « L'Eternel Dieu dit: Il n'est pas bon que l'homme soit seul, je lui ferai une aide qui soit son vis-à-vis » (2.18)... le seul verset à parler de célibat dans la Genèse!
Barry Danylak étudie les deux lignées dans l'Ancien Testament: la descendance humaine, corrompue par le mal, et la descendance selon la promesse, née miraculeusement. Une opposition que l'on retrouve à chaque génération: Caïn et Seth, Ismaël et Isaac, Esaü et Jacob...
Bénédictions et malédictions
Les promesses faites à Abraham comprenaient la bénédiction, la venue d'un fils, et la possession d'une terre. Le mariage était donc nécessaire: il fallait un fils fécond, pour peupler le pays promis! Vu sous l'angle de l'alliance, la stérilité était une malédiction. On comprend mieux la détresse de ces femmes stériles, comme Sara, Rebecca et Anne... (2)
Dans l'Ancien Testament, le célibat n'est pas envisagé, hormis pour le prophète Jérémie (Jr 16.1-4). Mais son statut est le signe d'une malédiction: la rupture de l'alliance entre Dieu et son peuple... Quant aux eunuques, ils étaient une honte, car leur célibat était dû à des pratiques païennes.
La nouveauté en Christ
Toutes les promesses faites à Abraham se réalisent en Jésus-Christ. Ce Fils promis, né miraculeusement, apporte la pleine bénédiction à toute l'humanité! Il engendre une descendance, non de façon naturelle, mais miraculeuse: c'est la nouvelle naissance, opérée par l'Esprit de Dieu!
Comme le dit Barry Danylak (p. 149): « La régénération spirituelle plutôt que la procréation est le moyen par lequel Dieu est actuellement en train d'édifier sa sainte nation (1P 2.9). Ni le mariage ni les enfants ne sont un signe essentiel de la bénédiction divine dans la nouvelle alliance, toutes les bénédictions spirituelles venant par Christ (Ep 1.3). »
Le célibat, une bénédiction?
L'apôtre Paul, célibataire et sans enfants, appelle les Galates: « Mes enfants... » (Ga 4.19). Il affirme avoir « engendré » les Corinthiens « en Jésus-Christ, par l'Evangile » (1Co 4.15). Le Nouveau Testament reconnaît la haute valeur du mariage. Cependant, les commandements de la Genèse ne doivent plus être appliqués à tous. Un nouveau commandement les surpasse: produire des fils et des filles spirituels (Mt 28.19-20)!
Jésus fait même l'éloge du célibat. Un affront, pour les pharisiens attachés à l'alliance selon l'Ancien Testament! En Matthieu 19.12, « Jésus laisse entendre qu'il y a certaines personnes qui renonceront volontairement aux bénédictions du mariage et de la descendance à cause du royaume de Dieu » (p. 173). Jésus admet aussi que le célibat est parfois non volontaire, ce qui peut engendrer de grandes souffrances.
1 Corinthiens 7, si difficile...
Pour conclure, Barry Danylak propose une belle interprétation d'un texte difficile: 1 Corinthiens 7. Après avoir condamné la débauche sexuelle, l'apôtre Paul invite les Corinthiens à rester célibataires... mais seulement s'ils arrivent à s'abstenir de relations sexuelles! Autrement, il vaut mieux se marier.
« Paul ne suggère pas qu'il est bon pour tous de rester célibataires (et d'être sexuellement abstinents) ni que tous devraient se marier et avoir des relations sexuelles. Il dit qu'il est bon pour une personne de ne pas se marier et de rester sexuellement chaste, mais il concède que s'ils ne peuvent pas rester sexuellement chastes en tant que célibataires, ils devraient se marier et entretenir une relation conjugale saine avec leur épouse » (p. 223).
Vu ainsi, le célibat est un signe du Royaume: car l'homme et la femme ne se marieront plus, « mais ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel » (Mt 22.30). Un témoignage percutant, dans ce monde qui n'est pas habitué au célibat volontaire! De plus, le célibat permet une grande disponibilité pour servir le Seigneur.
Un regard positif!
Le Nouveau Testament jette un regard positif, tant sur le mariage avec son activité sexuelle, que sur le célibat avec son abstinence. « Le mariage chrétien témoigne de la fidélité et de l'amour de Dieu pour son peuple dans une relation d'alliance permanente avec lui; le célibat chrétien témoigne de l'entière suffisance du Christ dans l'âge présent et de l'espérance de notre héritage éternel encore à venir; et la sexualité est une expression de l'unité exclusive dans le lien du mariage » (p. 242).
Anne-Catherine Piguet
Ergothérapeute et théologienne
Barry Danylak, Le célibat réhabilité – Signe du royaume qui vient, Charols, Excelsis, 2012, 269 p.
Notes
1 George Barna, Single Focus. Understanding Single Adults, Ventura, Regal, 2003.
2 Gn 11.30; 25.21; 1S 1.2,5.