Avez-vous déjà rencontré un Pilate ? Ou, plus troublant encore, en avons-nous déjà été un pour quelqu’un ? Pilate est le seul personnage mentionné dans le Symbole des Apôtres, le Credo («Je crois en Jésus-Christ… il a souffert sous Ponce Pilate). C’est un marqueur historique, nous ne pouvons donc pas lui échapper. Il n'est pas étonnant que l'ombre de Ponce Pilate s'étende à travers les siècles, figure terrifiante du procès le plus important et le plus «injuste» de l'Histoire. Portant tout le poids de la loi qui fait force, mais doté du pouvoir même de l'Empire, Pilate se tenait devant la Vérité incarnée.
Qu'est-ce que la vérité?
La plus grande question de tous les temps fut celle de Pilate à Jésus : «Qu’est-ce que la vérité ?» La plus grande réponse de tous les temps fut celle de Jésus à Pilate : Silence. Jésus ne dit rien. La vérité se tenait devant Pilate en chair et en os, et pourtant Pilate demandait : «Qu'est-ce que la vérité ?» L'ironie était cosmique. Le silence du Christ résonnait plus fort que les mots ne le pourraient jamais. Il ne s'agissait pas d'un échec de l'évangélisation. C'était son apogée. Quel sermon pouvait égaler ce moment ?
Le silence du Christ n’était pas vide. Il était chargé de sens. La réponse n’était pas une abstraction mais une permanence. La réponse n’était pas une présentation, mais une présence. Jésus n’avait pas besoin de parler, car il était la réponse incarnée. Le Verbe fait chair refusait de gaspiller ses paroles quand la Vérité elle-même se manifestait, respirait, était présente. Pilate cherchait la vérité en regardant la Vérité dans les yeux. Assurément, quelque chose s'est éveillé en lui, une lueur de reconnaissance face au divin.
Le choix d'écouter sa conscience...ou de la réduire au silence
Pourtant, lorsque le destin dépendait de sa décision, sa détermination vacilla. Il voyait bien le chemin de la justice, mais le tumulte de la foule couvrait sa voix intérieure, assourdissant sa conscience. Il se lava les mains, ce qui ne fit que les salir davantage. Ne portons-nous pas tous en nous les échos de nos propres "moments Pilate" ? Ces souvenirs feutrés de moments où l'amour et la justice murmuraient leurs exigences, pour être ensuite réduits au silence par le chœur plus bruyant de la peur, des pressions extérieures.
Il y a une grâce poignante dans la tradition copte qui élève l'épouse de Pilate au rang de sainte. Dans ses heures les plus sombres, elle a tendu la main pour surmonter le gouffre de ses doutes, son rêve étant une supplication désespérée : «N'aie rien à faire avec cet homme innocent.» (cf, Mt 27.19). Une voix douce et connue l'exhortait au courage. Et pourtant, le gouffre entre savoir et agir restait infranchissable.
Discerner la voix de la vérité, de la beauté et de la bonté
Le courage ne naît pas de la connaissance et du savoir, et encore moins du pouvoir. Le courage que nous recherchons véritablement n'est pas l'absence de peur, mais la force tranquille de discerner la voix de la vérité, de la beauté et de la bonté sous la clameur. Et de s’y tenir.
Il s'agit de laisser cette voix nous guider lorsque les enjeux sont les plus élevés, en matière d’amour et de justice particulièrement.
Dans nos "moments Pilate", le baume dont nous avons peut-être besoin n'est pas le jugement, mais une profonde compassion pour la lutte humaine commune pour incarner nos vérités, surtout lorsque le prix à payer est élevé et que le monde gronde sa dissidence et fait pression. Résistons, pour l’honneur du Christ.