Le 29 mars, la Fédération protestante de France (FPF) s’est fendue d’un communiqué de presse concernant la diffusion de la série-documentaire « Les évangéliques à la conquête du monde ». La FPF, dont sont membres de nombreuses unions d’Eglises évangéliques, remercie d’abord la chaîne Arte pour la grande qualité du projet, réalisé par Thomas Johnson, co-signé par le sociologue Philippe Gonzales et produit par Olivier Mille. « Bien documenté, il permet en effet de comprendre la complexité et la diversité du monde évangélique outre-Atlantique ».
Un amalgame entre différents évangélismes
Signé par le président Christian Krieger, le communiqué poursuit toutefois : « Alors que le documentaire illustre principalement la branche de la droite évangélique américaine à la conquête du pouvoir aux Etats-Unis, un bref survol du protestantisme français en fin de documentaire nous pose problème ». La FPP voit là un parti-pris éditorial qui crée « un amalgame choquant entre l’évangélisme américain nationaliste et les évangéliques français ». Et de poursuivre : « Si nous félicitons toute l’équipe de production pour le travail d’enquête accompli, nous ne pouvons que nous indigner que tous les évangélismes et notamment l’évangélisme français puissent être associés à ces dérives ».
Deux propositions de la FPF à Arte
Pour sortir de cette confusion, la Fédération protestante de France a proposé au groupe Arte que le titre de la série soit modifié en « Des évangéliques à la conquête du monde » (aux USA, elle est diffusée sous le titre Faith and power (Foi et pouvoir ). Par ailleurs, la faîtière protestante se met à la disposition de la chaîne et de l’équipe de production afin qu’un quatrième volet consacré spécifiquement aux évangéliques en France puisse être réalisé. « En effet, ces Eglises au cœur d’un protestantisme en pleine mutation, méritent d’être mieux connues pour éviter précisément tout amalgame avec certaines expressions de ce courant aux Etats-Unis et au Brésil », souligne la FPF.
Une occasion de se questionner sur l'identité «évangélique»
Pour certains pasteurs évangéliques, la série-documentaire – malgré quelques bémols – soulève des questionnements nécessaires. Dans un post sur Linkedin, le pasteur de l’Eglise évangélique de Meyrin (FREE), Philippe Henchoz, encourage les évangéliques à visionner cette série et suggère des questions permettant d’affiner leurs convictions, telle que celle-ci : « Devant certains excès mis en évidence, comment je me dissocie ? Dans quels espaces, par quels moyens je peux dire mon désaccord ? Comment faire « le tri » et l’exprimer ? ». Et le pasteur de conclure son post ainsi : « J’espère que ce remarquable documentaire débouchera sur de bons échanges constructifs et certaines remises en question nécessaires. Pour que nous ne 'jetions pas bébé avec l’eau du bain' (…). Il en va de la pertinence du bel Evangile et de l’honneur du Dieu duquel nous nous réclamons ».
Sur son blog-notes, Vincent Miéville, pasteur et président de la Commission synodale de l'Union des Eglises évangéliques libres de France, estime que le documentaire ouvre un débat nécessaire, même s’il regrette un titre « racoleur et globalisant ». Il relève une question intéressante, soulevée dans le troisième volet, « celle de l’appropriation du terme 'évangélique' par les seuls évangéliques conservateurs, politiques et nationalistes. Faut-il, pour les autres, changer de nom ? Certains l’ont fait, d’autres y pensent… plusieurs choisissent de s’appeler aujourd’hui post-évangéliques ». Le pasteur libriste invite alors les protestants évangéliques français et européens à ne pas éluder des questions telles que : « Comment se définit, aujourd’hui, l’identité évangélique ? » « Comment se désolidariser et condamner fermement toute forme de politisation de l’évangélisme et toute collusion avec l’extrême droite et le nationalisme ? » Aux yeux de Vincent Miéville, il est urgent de se poser ces questions « pour ne pas laisser le nom d’évangéliques à ceux qui, finalement, pervertissent l’Evangile ! »
https://blognotesdevincent.blogspot.com/2023/03/a-propos-du-documentaire-les.html