Le 28 janvier dernier, le député Vert au Grand Conseil vaudois Martial de Montmollin a déposé une interpellation dans laquelle il écrit : « Il semblerait que des écoles privées vaudoises enseignent la théorie religieuse du créationnisme en cours de biologie à la place de la théorie scientifique de l'évolution. » Il demande : « Est-ce que les élèves des écoles privées reçoivent l'enseignement scientifique de base et de manière objective, y compris en matière de biologie et en particulier en matière d'évolution des espèces ? »
Cette interpellation fait suite à un article publié le 24 janvier par l'agence de presse réformée Protestinfo, puis repris par les quotidiens 24 heures, La Tribune de Genève et Le Courrier. L'article sonne comme une mise en garde à l'égard de sept écoles chrétiennes évangéliques de Suisse romande et précise : « La particularité de ces écoles est l'enseignement des thèses créationnistes comme véridiques, dans leur programme. » Il poursuit son interpellation en précisant que « l'instruction publique du canton de Genève affiche son embarras », celle du canton de Vaud est « troublée » et celle du canton de Fribourg « ferme les yeux ».
Une incompréhension du terme « créationniste »
Nathalie Corboz, la directrice de l'Ecole chrétienne du Potier, à Oron, précise : «Nos enseignements sont basés sur les valeurs bibliques, mais il n'y pas de cours de créationnisme ! Nos cours de sciences sont les mêmes que dans les écoles publiques, ils suivent le Plan d'étude romand (PER). Et, selon le PER, tout ce qui concerne les origines de l'humanité est enseigné en histoire, pas en sciences. » En d'autres termes, l'enseignement donné dans cette école est conforme aux exigences légales.
Ce qui a dû induire en erreur les journalistes, c'est certainement la « Déclaration sur la Création, la Bible, la science et notre réponse », à disposition sur le site de l'Association des écoles chrétiennes de Suisse romande : Instruire.ch. Au point 5, il est fait mention en titre des « différents modèles d'interprétation créationniste ». Contrairement à ce qu'une lecture rapide pourrait laisser entrevoir, le mot « créationniste » ne renvoie nullement ici à une compréhension littéraliste du texte biblique. Il s'agit simplement pour ces écoles de confesser leur attachement au fait que Dieu est le créateur de toutes choses. Et loin de trancher entre les différentes interprétations en vigueur dans le milieu évangélique (1), ce document rappelle que nos interprétations sont toujours secondes par rapport au texte biblique et que toutes sont sujettes à débat et à critique. En fait le mot « créationniste », choisi ici de manière malheureuse, serait avantageusement remplacé par « des origines du monde » !
Des contrôles sont organisés
En réponse à l'interpellation de Martial de Montmollin, l'instruction publique vaudoise procèdera aux contrôles demandés. Ce sera la première fois qu'un contrôleur inspectera l'Ecole du Potier. « Mais nous ne sommes pas laissés à nous-mêmes, précise la directrice. En effet, l'Etat opère un contrôle bien réel au moment de donner ou de refuser une autorisation d'enseigner à un professeur que nous souhaitons engager. De plus, dès la 8e année, les élèves qui quittent notre école pour continuer leur cursus dans l'école publique doivent passer des examens de connaissance. Ces examens sanctionnent immanquablement la qualité de notre enseignement. »
Quant aux parents d'élèves, en tout cas à Oron, ils ne s'alarment pas. Pour eux, la question soulevée par Portestinfo n'est pas fondamentale. « Ce qui est important, relève Nathalie Corboz, c'est de pouvoir confesser que Dieu a créé le monde et les êtres humains. Cela conduit à enseigner des valeurs en phase avec notre société : le partage, la solidarité, la joie, la paix, le pardon... »
Claude-Alain Baehler
Lire aussi: « Lettre ouverte aux responsables des 7 écoles évangéliques de Suisse romande soi-disant ‘créationnistes’ ».
Note
(1) Pour faire court, trois interprétations des textes des origines ont pignon sur rue dans le milieu évangélique : une interprétation littéraire (Genèse 1 à 3 est un poème sans prétentions scientifiques), une interprétation concordiste (les jours de Genèse 1 à 3 correspondent à des périodes plus ou moins longues de l'histoire des origines) et une interprétation littérale ou littéraliste (les 6 jours de Genèse 1 sont à comprendre comme 6 jours de 24 heures et la terre aurait 6000 ans). Plus d'infos : Henri Blocher Révélation des origines, Lausanne, Presses bibliques universitaires, 20013, p. 32-51.