« Jusqu’au XXe siècle, les cultures traditionnelles ont toujours cru (et cela est encore vrai pour la plupart des cultures dans le monde) qu’une trop haute opinion de soi-même était la cause fondamentale du mal dans le monde. […] Maintenant, on affirme que cela est dû à un manque d’estime de soi », explique le théologien étasunien Thimoty Keller dans un petit livre intitulé « La liberté dans l’oubli de soi ».
Prédication à l’origine, ce texte fait l’étude d’un texte de l’apôtre Paul, 1 Corinthiens 3.21–4.7, et montre combien les questions liées à l’estime de soi peuvent être encombrantes. Nous développons une estime de nous-mêmes trop haute ou trop basse. Nous laissons les autres nous définir de la même manière. Et en fin de compte, notre « moi » est un boulet !
A l’origine du problème se trouve un ego humain à la fois vide (gonflé autour de quelque chose qui n’est pas Dieu), douloureux (car distendu et blessé), affairé (à tenter de remplir le vide) et fragile (en danger d’être dégonflé). L’ego attire ainsi constamment l’attention sur lui. Il est insatiable comme un trou noir.
Cesser de se centrer sur soi
Ce qui est intéressant dans l’argumentation de Timothy Keller, c’est que la solution ne se trouve pas dans une fausse modestie religieusement correcte. Elle ne se trouve pas non plus dans quelques conseils psychologiques encourageant à connaître notre grande valeur, quelle que soit l’opinion des autres. La solution est d’apprendre à ne pas dépendre du jugement des autres, ou même de notre propre jugement, à propos de nous-mêmes.
« La véritable humilité selon l’Evangile signifie arrêter d’associer chaque expérience, chaque conversation, avec moi-même. En fait, j’arrête simplement de penser à moi. J’entre dans la liberté de l’oubli de soi. […] Je peux commencer à prendre du plaisir pour des choses qui ne sont pas centrées sur moi », explique Timothy Keller.
Tout l’enjeu consiste donc à travailler sur notre ego, afin qu’il ne soit pas gonflé de vide, mais rempli de Dieu, car seul le diagnostic divin à notre sujet est véritablement important et fiable. Et ce diagnostic divin nous dit : « Tu es mon fils (ma fille) bien-aimé(e) ; je mets en toi toute ma joie ».
Claude-Alain Baehler
Timothy Keller, La liberté dans l’oubli de soi, trad. française Pierrick Hildebrand, Lyon, Editions Clé, 2018, 50 p.