Il a vécu de 1480 à 1528. Il est né catholique et est mort en martyr anabaptiste à Vienne, brûlé sur un bûcher. Ce réformateur peu connu, dont Neal Blough évoque la trajectoire de vie dans « Les révoltés de l’Evangile. Balthasar Hubmaier et les origines de l’anabaptisme » (1), enracine sa pensée dans la Réforme zwinglienne à Zurich. Il fait même partie des proches du réformateur zurichois, de ces amis de Zwingli qui souhaitent aller plus loin dans la dynamique réformatrice. Balthasar Hubmaier (2) partage les convictions des Félix Mantz et Conrad Grebel qui, en ce début de XVIe, valorisent le fait que l’on ne naît pas chrétien, mais qu’on le devient, et récusent le recouvrement, d’usage à l’époque, entre citoyenneté et identité chrétienne.
Chantre de la Réforme à Waldshut
Balthasar Hubmaier ne restera pas à Zurich, mais deviendra le chantre de la Réforme protestante à Waldshut, une bourgade située aujourd’hui en Allemagne, le long du Rhin à quelque 50 km au nord-est de Zurich. Dans ce contexte, il essaie de s’appuyer sur le maire et les autorités communales pour développer une réforme de type anabaptiste. Le Saint Empire romain germanique ne laissera pas faire et réprimera ces velléités réformatrices. Balthasar Hubmaier fuira et connaîtra, tout comme sa femme, la fin tragique que l’on sait.
Dans l’histoire de l’anabaptisme, Balthasar Hubmaier représente une étape dans la prise de conscience que l’Eglise, pour être authentiquement disciple de Jésus, doit être séparée de l’Etat. Neal Blough le souligne : dans la multiplicité historique des possibles, Hubmaier incarne une étape dans le désir de chrétiens de faire émerger une Eglise de professants dans une société qui n’a pas encore perçu toute l’importance de la laïcité, du fait que l’Etat ne revête pas des oripeaux religieux pour légitimer son existence.
Une étape dans l’émergence des Eglises évangéliques
A ce titre, pour Neal Blough, Balthasar Hubmaier est une figure intéressante du XVIe siècle qui laisse entrevoir l’émergence progressive des Eglises évangéliques, séparées de l’Etat et partisanes de la liberté de conscience. Avant le fameux Sébastien Castellion, adversaire de Calvin à Genève, Balthasar Hubmaier affirmera que les idées religieuses ne doivent pas encourir de sanctions pénales, mais, au pire, entraîner une exclusion de la communauté ecclésiale.
Ecrire l’histoire de l’Eglise ensemble
« Aujourd’hui, il faut faire l’histoire du christianisme autrement, ajoute le professeur de la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine : ensemble et pas de manière autojustificatrice ! » Paru dans une maison d’édition catholique en 2017, année des 500 ans de la Réforme, ce livre aura permis ce décloisonnement dans l’écriture de l’histoire de l’Eglise par les contacts et les échanges qu’il a suscités.
A l’heure où, en Occident, toutes les Eglises entrent progressivement dans un statut de minoritaires et quittent la dynamique de chrétienté, Balthasar Hubmaier dessine des pistes pour entrevoir comment des Eglises peuvent se déployer sans soutien officiel et valoriser le Jésus du Sermon sur la montagne. La croix, c’est non seulement le moyen par lequel Dieu nous sauve, mais c’est aussi ce que Jésus nous invite à porter pour marcher à sa suite !
Serge Carrel