Christian Schwarz : « Dans le monde, la participation au culte change de manière impressionnante »

Karsten Huhn/IdeaSpektrum vendredi 14 février 2020

Christian A. Schwarz est un expert allemand de la croissance de l’Eglise. Il a étudié 75 000 communautés dans 86 pays et publié de nombreux ouvrages, dont certains sont traduits en français (1). Dans cet entretien accordé au magazine IdeaSpektrum au début de cette année, il présente les résultats de ses dernières recherches, notamment sur la baisse de la fréquentation au culte que connaissent de nombreuses Eglises aujourd’hui.

Christian Schwarz, le christianisme change de manière dramatique actuellement. Concrètement, qu’est-ce qui change ?

Sur la planète, la participation des chrétiens à la vie ecclésiale change de manière impressionnante, notamment par rapport à la participation aux cultes ou à des petits groupes. Ce n'est pas le cas seulement à Hambourg ou à Chicago, mais aussi en Corée du Sud et en Malaisie orientale. Il y a huit ans, un membre d’Eglise très engagé assistait à un culte cinq fois par mois : à quatre services réguliers et à un service particulier. Aujourd’hui, ce membre d’Eglise très engagé ne le fait plus que trois fois. Il y a huit ans, si vous alliez au culte une fois par mois, vous ne le faites aujourd’hui plus qu'une fois par trimestre. Cela ne signifie pas nécessairement que les différentes communautés touchent moins de personnes qu'auparavant. Mais les personnes atteintes sont moins susceptibles de fréquenter les cultes. En moyenne statistique, cela se traduit par une diminution importante du nombre de participants.

Pourquoi les chrétiens s'intéressent-ils moins au culte et à la vie communautaire ?

D'une part, c’est dû à des facteurs internes à la communauté : dans de nombreuses Eglises, la qualité de la vie communautaire n'est pas bonne. Cependant, la qualité de la vie des communautés que nous avons examinées n'a nullement diminué globalement ces dernières années. Ce qui a changé, c'est l'impact de la qualité sur la croissance du nombre des participants. Ces effets sont encore clairement mesurables, mais inférieurs à ce qu’ils étaient il y a huit ans.

D'autre part, globalement, le contexte a changé. Les chrétiens choisissent leur communauté et leur dénomination de manière beaucoup plus critique aujourd'hui qu'il y a quelques années. Avec leurs smartphones et l’Internet, ils ont l'habitude de comparer et de choisir toujours ce qu'ils pensent être « le meilleur ».

Les chrétiens ne participeraient pas moins à des cultes, mais simplement ils assisteraient à ce qui leur plaît le mieux.

Oui. Par exemple, les chrétiens se rendent dans un autre culte que celui de leur Eglise ou ils utilisent des offres non ecclésiales – souvent via l’Internet – qui répondent aussi bien ou même mieux à leurs besoins. En soi, ce n'est pas un comportement répréhensible. Aujourd'hui, le besoin de communion s'exprime différemment qu'il y a dix ans. La communion non virtuelle, c'est-à-dire la rencontre de personnes avec qui vous passez du temps, que vous pouvez embrasser, avec qui vous échangez des sentiments, décline en importance. Une grande partie de ces échanges se déroule aujourd'hui virtuellement, via Facebook, Whatsapp et Twitter. Au lieu d'assister à un culte avec le pasteur local, le chrétien préfère assister à la prédication d’un pasteur vedette chez lui, via une vidéo YouTube. Aujourd'hui, beaucoup recherchent des offres sur mesure pour leur propre croissance spirituelle, parfois aussi pour leur propre divertissement.

Comment l'Eglise locale ordinaire devrait-elle réagir ?

Travailler sur la qualité de la vie de la communauté locale reste – à la lumière de nos études – le facteur décisif. De plus, les communautés devraient vérifier si les styles spirituels qu'elles proposent principalement, correspondent aux besoins spirituels des gens de leur quartier ou de leur région. Dans notre travail, nous avons développé une typologie où les communautés chrétiennes sont réparties autour de neuf styles spirituels : orthodoxe, rationnel, centré sur la Bible, enthousiaste, esthétique, missionnaire, sacramentel, sensible et mystique. Aucune communauté chrétienne ne peut incarner ces neuf styles avec la même qualité. Elle peut donc rester calme, et avoir la conscience tranquille. Mais la question qui se pose, c’est : existe-t-il des offres dans ma région pour les personnes qui sont sensibles à un style différent ? Idéalement, des personnes sensibles à un style différent devraient pouvoir fréquenter une autre communauté de la région avec un profil différent. En tout cas, cela n'a pas de sens que toutes les Eglises offrent la même chose. Ce serait de la monoculture. Toute monoculture est un obstacle à la croissance des Eglises.

Les communautés devraient-elles incarner autant de styles de spiritualité que possible?

Pour les petites communautés, c'est très difficile à réaliser, du moins en ce qui concerne le culte. Et la plupart des Eglises sont petites – Dieu aime en particulier les petites Eglises, sinon il n'en aurait pas fait autant. Une communauté qui essaie d’intégrer dans son culte tous les styles spirituels de la même manière – de très sacramentel à charismatique et enthousiaste – créerait inévitablement un culte qui ne plaît plus à personne. Qui profiterait du fait que les Psaumes de la Réforme soient accompagnés à la batterie ? Au plan personnel cependant, et pas nécessairement au travers des cultes, l’Eglise locale peut encourager beaucoup plus de personnes dans leurs styles spirituels respectifs que ce qui se passe aujourd'hui.

Propos recueillis par Karsten Huhn du magazine suisse allemand IdeaSpektrum (2020/4)

Note
1 Voici deux livres de Christian Schwarz traduits en français : Découvrez vos dons ! Paris, Empreinte Temps présent, 1988, 144 p. et Le développement de l’Eglise, Une approche originale et réaliste, Paris, Empreinte Temps présent, 1996, 130 p.
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