Selon plusieurs études récentes, 4000 à 5000 pasteurs démissionnent chaque année aux Etats-Unis. Je n’ai pas de chiffres précis pour la Suisse, mais seulement quelques tendances et des témoignages.
Ces pasteur·e·s ne démissionnent pas par manque de foi en Dieu. Ils ne démissionnent pas parce qu'ils ne croient pas ou plus à l'appel que Dieu a placé dans leur vie. La plupart d'entre eux ne démissionnent même pas pour des raisons financières. Les pasteurs démissionnent parce qu'ils sont accablés par l'épuisement mental, la charge émotionnelle qu’ils portent. Ils ne trouvent pas, ou plus, les chemins du renouvellement nécessaire pour assumer leur charge.
Il est certainement difficile de comprendre pleinement ce que signifie porter quotidiennement des fardeaux spirituels pour les gens.
• Se coucher sur une situation inquiétante ou déchirante, sur un désaccord ou une incompréhension.
• Se lever au milieu de la nuit, prier pour sa famille de foi.
• Se réveiller au milieu de la nuit avec quelqu'un sur le cœur.
• Etre submergé d'inquiétude par l'absence ou l'éloignement d'une personne.
• Avoir l’esprit continuellement occupé par la préparation et la présentation du message du dimanche à venir. Comment le prêcher ? A propos de quoi enseigner ? Comment l'appliquer ? Comment rester pertinent au cœur d’un monde en perpétuel changement ?
• Se faire critiquer presque en permanence. C’est fou le nombre de personnes qui savent mieux que vous ce qu’il faudrait faire et comment le faire… On dirait parfois les spectateurs peu compétents d’un match de football, contestant continuellement les phases arbitrales.
Une humanité si imparfaite
On vous dit, plus ou moins en face, ce que vous devez faire mieux, ou que certains domaines de l'Eglise doivent être améliorés ou changés, comme si tout dépendait de vous.
Les pasteur·e·s investissent toute leur vie dans les gens. Et pourtant, les gens tournent le dos à leur pasteur au premier signe de tempête, généralement sans conversation préalable, ni dialogue possible par la suite.
Les pasteur·e·s se trouvent au milieu des disputes et des tensions interpersonnelles. Les pasteur·e·s se tiennent au milieu des commérages et des critiques à peine voilées. Les pasteur·e·s conseillent les mariages brisés, les victimes d’abus, les personnes submergées par les circonstances adverses. Ils rencontrent des réfugiés sans plus aucune perspective, des gens fracassés par la vie, sans plus aucune ressource. Ils sont témoins de première main de certaines déchéances ou souffrances indicibles. Les pasteur·e·s réconfortent ceux qui ont subi une perte, un deuil, une rupture.
Les pasteur·e·s naviguent dans les eaux de personnes imparfaites, avec le désir de voir chacun·e s'épanouir dans sa foi. Et ils essaient, sur la base de leur foi en Dieu et d’un peu d’expérience, d’aider concrètement, de prévenir plutôt que de guérir. En écoutant, souvent, en parlant, parfois, en aidant pratiquement, toujours. Les pasteur·e·s aspirent à des percées spirituelles, des progrès, des avancées. Souvent, ils voudraient absorber eux-mêmes la douleur, tout en sachant « Qui » peut le faire... et en conduisant à Dieu qui seul est suffisant.
Il désire ce qu’il y a de mieux
Votre pasteur·e veut ce qu'il y a de mieux pour vous. Tout cela en essayant de combattre ses propres limites et tentations, en tentant de grandir dans sa relation avec Dieu, en soignant son « jardin personnel », en essayant de prendre soin des siens, souvent derniers servis.
• Les pasteur·e·s voient les messages.
• Les pasteur·e·s entendent les chuchotements et les ragots.
• Les pasteur·e·s mesurent les risques, craignent la division, anticipent le conflit.
• Les pasteur·e·s endurent la négativité.
• Les pasteur·e·s subissent la pression continuelle – parfois institutionnelle – de la réussite espérée.
• Les pasteur·e·s s'occupent continuellement des brebis, tout en repoussant les loups. Ils protègent et font barrage, non sans mal.
• Les pasteur·e·s écoutent et écoutent encore – ils sont rarement écoutés.
Pourquoi continuer ?
Qu'est-ce qui permet à un pasteur de continuer à servir ? C’est vous !
• Vous, la personne qui a vraiment faim ou froid, que nous pouvons aider concrètement.
• Vous, la personne qui adorez avec passion et liberté.
• Vous qui dites votre disponibilité pour aider, ou qui proposez un projet que vous assumez.
• Vous qui êtes au chômage, tellement en souci pour demain, confiant pourtant.
• Vous qui êtes comme invisible, peu « productif·ve » comme ils disent...
• Vous qui refusez de soutenir l’Eglise de l’extérieur, mais qui vous impliquez concrètement, avec générosité.
• Vous, l'adolescent qui s'efforce d'être un disciple de Jésus au cœur d’un monde plus compliqué que jamais.
• Vous qui demandez le baptême ou un autre geste pastoral, laissant affluer la foi.
• Vous qui êtes membre du Conseil ou d’un groupe de travail, et qui encouragez sans cesse.
• Vous, la mère célibataire qui comprend la beauté de l'espoir trouvé en Christ, après un abandon ou une rupture, et qui vous réfugiez dans ses bras.
• Vous, jeunes parents un peu dépassés, mais si plein de joies.
• Vous, stériles peut-être et, apparemment, sans perspectives, dans l’attente d’un miracle, qui apprenez cependant à vous réjouir avec les autres.
• Vous, la personne qui franchissez la porte de l’Eglise pour la première fois, parce qu'en quête de paix, d'espoir et de communauté, et qui venez avec une intuition.
• Vous, la personne âgée ou malade, inquiète pour votre fin de vie, avec cette impression tenace de déranger. Pourtant, il y a tant de noblesse dans ce que vous êtes, tant de choses à apprendre à vos côtés.
• Vous, la personne homosexuelle rejetée ailleurs, cataloguée, osant à peine dire ses luttes, et pourtant en quête de communauté et d’expression de cette foi aussi essentielle que votre identité. Tout ce que vous êtes vous constitue, et vous n’êtes ni une erreur, ni quantité négligeable.
• Vous tous et toutes. Vous êtes tellement précieux et précieuses.
Priez pour votre pasteur·e. Servez votre pasteur·e. Rencontrez votre pasteur·e. Parlez avec votre pasteur·e. Encouragez votre pasteur·e. Dans toute leur humanité, ils et elles ont besoin de vous plus que vous ne le pensez !