Pour Yves Bulundwe, une crise spirituelle frappe les jeunes Africains de Suisse

Camille Kursner mercredi 11 avril 2018 icon-comments 1

Une crise spirituelle frappe depuis quelques années certains jeunes Africains de Suisse. Yves Bulundwe, pasteur et directeur académique de la Factory à Lausanne, nous livre son regard.

« La crise spirituelle pousse les enfants de la diaspora noire à renier les valeurs occidentales. En quête d’identité, ils reviennent à des traditions avec lesquelles ils n’ont parfois pas grandi », explique Yves Bulundwe, le directeur académique de la Factory, une formation au leadership chrétien à Lausanne. « Dans certaines discussions, on m’a même dit que je devais me positionner. A cause de mon métissage, on m’a demandé de choisir entre les Blancs et les Noirs ».

Un retour vers des spiritualités ancestrales

En Suisse, les Africains de deuxième et troisième génération posent de plus en plus un regard critique sur l’histoire de leurs parents. Alors qu’une grande partie des enfants de la diaspora noire est intégrée dans des communautés religieuses, une minorité ressent un certain malaise vis-à-vis de la foi chrétienne. Beaucoup de ces jeunes quittent leur Eglise pour revenir à des spiritualités ancestrales. Selon eux, le christianisme est une religion de « Blancs » qui a été imposée à leurs ancêtres durant la période coloniale ; le kémitisme (1) est l’un des courants de pensée les plus influents de ce mouvement.

Yves Bulundwe reconnaît les erreurs commises par l’Eglise durant la période coloniale. Certes, les colons ont instrumentalisé la religion pour imposer leur hégémonie sur les peuples du Sud. Cependant, il faut avoir une bonne lecture de l’histoire : « Certaines sources bibliques et historiques montrent déjà des manifestations du christianisme en Afrique bien avant la période coloniale. Le discours de Jésus-Christ est bien éloigné de celui des colons avides de pouvoir. Par ailleurs, le fait de revenir à une religion première est une utopie. Rien d’historique ne permet d’affirmer la présence d’une religion primaire globale à l’Afrique. Il s’agit d’une construction qui répond à un besoin ou à une crise, mais qui n’a pas de fondements réels. »

Le cri du cœur d’une génération en quête d’identité

Yves Bulundwe propose de comprendre ce phénomène ainsi : « Derrière la révolte de ces jeunes se cache le cri du cœur d’une génération en quête de repères. Il faut réaliser que ces jeunes ne se sentent nulle part chez eux. Si tous les adolescents se posent les questions : Qui suis-je ? Quel est le sens de ma vie ? et Que fait Dieu dans tout cela ?, les jeunes Africains se demandent en plus : D’où est-ce que je viens ? et Où se trouve mon chez moi ? La crise spirituelle vécue par de nombreux adolescents est donc exacerbée chez les personnes d’origine étrangère.

Selon lui, « le discours chrétien peut amener une solution aux luttes intérieures des jeunes Africains. La vérité biblique de l’appartenance des hommes au Dieu créateur transcende toutes les questions d’origines et de couleur de peau. »

L’Eglise locale et la jeunesse africaine

Au-delà de la question liée aux jeunes Africains, les statistiques démontrent que la majorité des jeunes, toutes nationalités confondues, quittent les Eglises locales. « Ce constat nous renvoie à la pertinence de l’Eglise dans le monde actuel, ajoute Yves Bulundwe. L’Eglise n’a pas suivi les virages pris par la société du XXIe siècle. Elle doit pouvoir renouveler ses réflexions en matière d’approche des minorités et du discours du Christ dans un contexte multiculturel. »

Quand un jeune vient dans une Eglise, il doit pouvoir être rejoint dans ses questionnements et ses luttes intérieures. Pour un étranger, il doit pouvoir expérimenter un sentiment d’appartenance qui résulte de la dimension familiale du corps du Christ. « Le monde a plus que tout besoin de communautés qui adoptent le principe spirituel de l’apôtre Paul aux Corinthiens : “Je me suis fait tout à tous afin d’en sauver quelques-uns“ » (1 Corinthiens 9.22).

Camille Kursner

Camille Kursner a interviewé Yves Bulundwe dans le cadre d’une émission Ciel ! Mon info. Cette émission est disponible sur lafreetv.

Note
1 Le kémitisme est un ensemble de croyances et de pratiques qui trouvent leurs origines aux États-Unis dans les années 1970 et qui s'inspirent librement de la religion de l'Egypte ancienne.

1 réaction

  • Koffi vendredi, 13 avril 2018 13:11

    Merci pour cet article. J'ai vivement apprécie la réflexion et cela me fait réfléchir a ce que l'Eglise peut faire.

Publicité

Journal Vivre

Opinion

Opinion

myfreelife.ch

  • Pour les Terraz et les Félix, des choix porteurs de vie

    Ven 22 septembre 2023

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Jeu 15 juin 2023

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

  • Une expérience tchadienne « qui ouvre les yeux »

    Ven 20 janvier 2023

    Elle a 19 ans, étudie la psychologie à l’Université de Lausanne, et vient de faire un mois de bénévolat auprès de jeunes de la rue à N’Djaména. Tamara Furter, de l’Eglise évangélique La Chapelle (FREE) au Brassus, a découvert que l’on peut être fort et joyeux dans la précarité.

  • « Oui, la relève de l’Eglise passe par les femmes »

    Ven 16 septembre 2022

    Nel Berner, 52 ans, est dans la dernière ligne droite de ses études en théologie à la HET-PRO. Pour elle, la Bible est favorable au ministère féminin. Et les communautés doivent reconnaître avoir besoin tant d’hommes que de femmes à leur tête.

eglisesfree.ch

  • Rencontre générale de la FREE : vers une réorientation du budget

    Ven 13 décembre 2024

    La seconde Rencontre Générale de la FREE pour 2024 s'est tenue le 23 novembre à l'Eglise évangélique des Amandiers (Lavigny). Les délégués des Eglises ont accepté le budget 2025 et la modification d'un article des statuts, les membres de la direction ont donné des nouvelles de leur secteur et Michel Faggion a présenté la mission de la FLP. Compte-rendu.

  • Rencontre générale : la FREE confirme son désir d’apporter un soutien efficace aux Eglises

    Ven 26 avril 2024

    La dernière Rencontre générale de la FREE a montré que sa situation financière est relativement saine. Elle a aussi montré comment la fédération remplit des tâches indispensables aux Eglises, et que celles-ci ne pourraient par remplir à titre individuel.

  • Un·e responsable des finances (10%)

    Lun 29 janvier 2024

    Plus grande fédération d’Eglises évangéliques en Suisse romande, la FREE offre un cadre de travail dynamique et défiant, en lien étroit avec les autres acteurs du milieu chrétien évangélique romand, suisse et international. Dans ce cadre, la FREE recherche un·e responsable des finances.

  • Rencontre générale : une fédération utile

    Mer 29 novembre 2023

    La Rencontre générale du 25 novembre 2023 a permis de remercier Stéphane Bossel pour 23 ans d’engagements divers et importants dans la FREE. Elle a aussi permis à l’équipe de direction de partager quelques priorités, notamment le sens, les valeurs et la plus-value que la FREE peut offrir aux Eglises.

eglise-numerique.org

point-theo.com

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !