« La crise spirituelle pousse les enfants de la diaspora noire à renier les valeurs occidentales. En quête d’identité, ils reviennent à des traditions avec lesquelles ils n’ont parfois pas grandi », explique Yves Bulundwe, le directeur académique de la Factory, une formation au leadership chrétien à Lausanne. « Dans certaines discussions, on m’a même dit que je devais me positionner. A cause de mon métissage, on m’a demandé de choisir entre les Blancs et les Noirs ».
Un retour vers des spiritualités ancestrales
En Suisse, les Africains de deuxième et troisième génération posent de plus en plus un regard critique sur l’histoire de leurs parents. Alors qu’une grande partie des enfants de la diaspora noire est intégrée dans des communautés religieuses, une minorité ressent un certain malaise vis-à-vis de la foi chrétienne. Beaucoup de ces jeunes quittent leur Eglise pour revenir à des spiritualités ancestrales. Selon eux, le christianisme est une religion de « Blancs » qui a été imposée à leurs ancêtres durant la période coloniale ; le kémitisme (1) est l’un des courants de pensée les plus influents de ce mouvement.
Yves Bulundwe reconnaît les erreurs commises par l’Eglise durant la période coloniale. Certes, les colons ont instrumentalisé la religion pour imposer leur hégémonie sur les peuples du Sud. Cependant, il faut avoir une bonne lecture de l’histoire : « Certaines sources bibliques et historiques montrent déjà des manifestations du christianisme en Afrique bien avant la période coloniale. Le discours de Jésus-Christ est bien éloigné de celui des colons avides de pouvoir. Par ailleurs, le fait de revenir à une religion première est une utopie. Rien d’historique ne permet d’affirmer la présence d’une religion primaire globale à l’Afrique. Il s’agit d’une construction qui répond à un besoin ou à une crise, mais qui n’a pas de fondements réels. »
Le cri du cœur d’une génération en quête d’identité
Yves Bulundwe propose de comprendre ce phénomène ainsi : « Derrière la révolte de ces jeunes se cache le cri du cœur d’une génération en quête de repères. Il faut réaliser que ces jeunes ne se sentent nulle part chez eux. Si tous les adolescents se posent les questions : Qui suis-je ? Quel est le sens de ma vie ? et Que fait Dieu dans tout cela ?, les jeunes Africains se demandent en plus : D’où est-ce que je viens ? et Où se trouve mon chez moi ? La crise spirituelle vécue par de nombreux adolescents est donc exacerbée chez les personnes d’origine étrangère.
Selon lui, « le discours chrétien peut amener une solution aux luttes intérieures des jeunes Africains. La vérité biblique de l’appartenance des hommes au Dieu créateur transcende toutes les questions d’origines et de couleur de peau. »
L’Eglise locale et la jeunesse africaine
Au-delà de la question liée aux jeunes Africains, les statistiques démontrent que la majorité des jeunes, toutes nationalités confondues, quittent les Eglises locales. « Ce constat nous renvoie à la pertinence de l’Eglise dans le monde actuel, ajoute Yves Bulundwe. L’Eglise n’a pas suivi les virages pris par la société du XXIe siècle. Elle doit pouvoir renouveler ses réflexions en matière d’approche des minorités et du discours du Christ dans un contexte multiculturel. »
Quand un jeune vient dans une Eglise, il doit pouvoir être rejoint dans ses questionnements et ses luttes intérieures. Pour un étranger, il doit pouvoir expérimenter un sentiment d’appartenance qui résulte de la dimension familiale du corps du Christ. « Le monde a plus que tout besoin de communautés qui adoptent le principe spirituel de l’apôtre Paul aux Corinthiens : “Je me suis fait tout à tous afin d’en sauver quelques-uns“ » (1 Corinthiens 9.22).
Camille Kursner
Camille Kursner a interviewé Yves Bulundwe dans le cadre d’une émission Ciel ! Mon info. Cette émission est disponible sur lafreetv.