Face au film « Amazing Grace », il y a deux attitudes possibles. Soit vous restez assis dans votre siège, comme la salle comble qui assistait à ce film-concert de Gospel dans le cinéma parisien où je l’ai vu. Soit vous vous levez et vous célébrez debout la gloire du Dieu vivant, sous la conduite – excusez du peu ! – de la reine de la Soul, Miss Aretha Franklin (1942-2018).
Un film « ressuscité » des oubliettes de l’histoire
Imaginez un peu : voilà près de 50 ans – début 1972 pour être précis –, la compagnie de disques Atlantic Records veut enregistrer une célébration Gospel avec Aretha Franklin, alors âgée de 29 ans. Cette fille de pasteur, extrêmement talentueuse, tant du point de vue de la voix qu’au piano, a déjà une belle carrière derrière elle. Des succès comme : « I Never Loved a Man », « Do Right Woman », « Respect », « A Natural Woman »… l’ont rendue célèbre. L’enregistrement se passe à Los Angeles sur deux soirées, dans la « New Temple Missionary Baptist Church » avec le « Southern California Community Choir ». L’album audio sort et remporte un franc succès, mais les images de l’événement ne sortent pas ! Le déjà célèbre cinéaste Sydney Pollack (« Tootsie », « Out of Africa », « La Firme ») est à la manœuvre, mais il « se loupe » et oublie de caler images et son. Finalement, au plus grand désespoir de beaucoup, les images restent dans les tiroirs de la Warner Bros pendant des années. Grâce à un fan de musique, Alan Eliott, qui rachète les 20 heures de rushes en 2007, le film voit le jour, mais suscite des réserves d’Aretha Franklin elle-même. Après son décès l’an dernier, sa famille libère le documentaire pour une sortie sur grand écran.
« Amazing Grace » est une extraordinaire entrée dans la spiritualité de l’Eglise noire américaine. On ne se trouve pas dans la sobriété d’une Eglise évangélique classique en Suisse, mais pas non plus dans l’exubérance d’une célébration pentecôtiste du Sud des Etats-Unis. James Cleaveland, pianiste-accompagnateur et maître de cérémonie, le dit bien au début de la première partie du film, avec en substance son : « Nous sommes dans une cérémonie religieuse qui reprend le patrimoine de l’Eglise baptiste. »
Une expérience de la « grâce extraordinaire » de Dieu
C’est ainsi que l’on va passer de gospel en gospel avec des reprises d’éléments tournés sur les deux soirées de célébration : « Wholy Holy », « What a Friend We Have in Jesus », « Precious Memories »… Le point d’orgue de la première soirée, c’est l’interprétation de « Amazing Grace ». Ce chant composé par un négrier britannique repentant, John Newton (1725-1807), et qu’Aretha Franklin fait sien au travers d’une intériorisation qui impressionne…
Tout au long de la célébration, la jeune femme ne se répand pas en paroles multiples. Elle est très retenue, mais on voit sur son visage, en gros plan, régulièrement perler des gouttes de sueur autour de ses yeux clos, signe d’une intériorisation forte de la « grâce extraordinaire » que Dieu lui offre en Jésus-Christ. A cette époque, la jeune femme est loin d’être une « paroissienne » modèle. Les aléas de la vie l’ont passablement marquée. Elle a connu deux grossesses durant son adolescence. Elle vient d’accueillir son quatrième enfant, après s’être séparée de son premier mari qui la battait et être tombée amoureuse de son manager, Ken Cunningham, qui l’a aidée à sortir de la dépendance à l’alcool ! Mais comme le dit son biographe français, le pasteur Jean-Luc Gadreau (1) : « Elle n’a pas le parcours d’une paroissienne classique, mais c’est une parabole contemporaine qui nous montre que la grâce de Dieu est offerte à tous. » A ceux qui douteraient de la foi de l’artiste, son père à l’occasion d’une intervention lors de la seconde soirée de la célébration souligne : « Aretha n’a jamais quitté l’Eglise. Elle y est ! »
Une soirée de louange au cinéma !
« Amazing Grace » a donc tout d’une soirée de louange où le chrétien peut entrer, à la suite de cette extraordinaire chanteuse, dans une adoration du Dieu vivant et proclamer que Jésus seul apporte cette « grâce extraordinaire » qui nous permet de vivre notre quotidien en personnes réconciliées avec Dieu.
Serge Carrel
Alan Eliott et Sydney Pollack, Amazing Grace – Aretha Franklin, documentaire, durée : 1’27. Commander le DVD (sortie 6 août).