« Je ne ressens plus rien pour mon conjoint ! » Tous les couples passent par des temps de refroidissement ou de panne du sentiment amoureux. La passion et l’euphorie des débuts semblent avoir disparu. On en vient à s’interroger: « Notre mariage est-il au bout du rouleau ? »
Lorsque je reçois de tels couples en consultation ou lorsque nous donnons des conférences sur le couple et le mariage, il m’apparaît fondamental de dissiper en préambule deux malentendus qui ont cours dans notre société.
La survalorisation des sentiments
Il y a tout d’abord la très forte valorisation de la passion et des sentiments amoureux dans le vécu conjugal. Perdre la tête quand on rencontre quelqu’un, c’est une dimension fondamentale et positive d’un début de relation amoureuse. Mais souvent les couples sont amenés à en faire le seul plat de l’amour. L’amour conjugal, c’est bien plus que cela. Pour reprendre l’image du repas, c’est un menu complet et copieux, avec de nombreux plats. Alors certes les sentiments ont une place importante parmi ces différents plats, mais il y a aussi la complicité, le fait de porter des responsabilités ensemble, la sympathie, l’amitié, la relation sexuelle... et même l’habitude. Autant de « plats » importants à se rappeler en temps de crise pour éviter toute réduction de l’amour conjugal à une seule et unique dimension.
L’idéalisation trop marquée de la relation conjugale
Le couple apparaît aussi à beaucoup comme le lieu où tous nos besoins devraient être satisfaits. Mon conjoint a pour fonction de pallier à mes carences et de contribuer à mon épanouissement. Se marier avec une telle perspective, c’est aller droit dans le mur. Un mur de désillusions et de déceptions. Alors certes le couple est un endroit particulier où je reçois, mais c’est aussi un lieu où je donne. L’attitude de consommateur – « Je consomme et je consomme encore... sans rien donner ! » - oublie complètement que l’on reçoit aussi en donnant. L’amour conjugal n’est pas qu’une route à sens unique. Donner de l’amour, c’est aussi une dimension extraordinairement épanouissante.
Refermer la porte de sortie
Lorsque ces deux malentendus ont pu être dissipés, j’encourage les couples qui connaissent un « refroidissement » de leurs sentiments à prendre conscience de leur choix et de leur décision du début. Chaque partenaire du couple est-il toujours décidé à tenir son engagement à l’endroit de l’autre, tel qu’il a été pris lors du mariage ? Inconsciemment peut-être ou par une décision intérieure, l’un ou l’autre a entrouvert une porte de sortie vers une autre relation, ce qui l’empêche de se donner totalement à son conjoint.
Dans ma pratique de psychothérapeute, j’ai pris conscience que s’il n’y a pas d’engagement profond à la fidélité, le couple n’entre pas dans un amour intense et durable. C’est seulement en se donnant totalement que l’on peut recevoir totalement.
Une femme est venue me voir un jour. Elle avait découvert que son mari la trompait. Au cours de la discussion, elle a pris conscience que, dans sa tête, elle aussi avait ouvert une porte de sortie à l’endroit d’une autre personne. Devant Dieu, elle a pris la décision, même si son mari était adultère, de refermer cette porte. Lors de l’entretien suivant, elle a relevé qu’à partir du moment où elle avait refermé cette porte, elle avait retrouvé de l’amour pour son conjoint.
En cas de panne du sentiment amoureux, chaque conjoint doit faire un travail sur lui-même et s’interroger sur son engagement. Pour donner une chance à son couple, il importe de fermer les portes de sortie et de poser à nouveau un acte de la volonté : « Je me décide à t’être fidèle dans les bons comme dans les mauvais jours ! »
Donner une chance à l’amour latent
Arriver à la conclusion qu’un refroidissement sentimental est intervenu dans le couple, c’est toujours une vue partielle de la situation. Ma pratique d’accompagnement me permet d’affirmer qu’il y a toujours dans les couples, si les portes de sortie ont été fermées, un amour latent auquel chaque conjoint peut donner la possibilité de s’exprimer. Lors d’une entrevue avec un couple en crise, j’ai pu dire à l’épouse : « Je ressens en vous de la gentillesse à l’égard de votre mari. N’accepteriez-vous pas de la laisser s’exprimer ? » La femme s’y est refusée, mais elle a admis volontiers qu’elle avait encore en elle des sentiments positifs pour son mari.
Chaque conjoint, même s’il ne ressent plus rien pour sa femme ou pour son mari, peut prendre quelques instants de réflexion et trouver au fond de lui-même un attachement, une inclinaison ou une bienveillance qui le poussera vers l’autre. C’est un tremplin qui peut permettre au couple de repartir et de développer à nouveau une vie conjugale épanouie. Mais il est aussi évident que l’on peut « tordre le coup » à ce sentiment.
Donner une chance aux actes d’amour
Les conjoints « refroidis » disent aussi souvent que le sentiment qui les motiverait pour poser des signes d’amour concrets à l’endroit de leur conjoint fait défaut. Et pourquoi ne pas prendre le chemin inverse ? Poser d’abord un acte d’amour et voir ce qui en résulte. Lors d’un entretien, un de mes collègues a encouragé un mari à se comporter comme s’il aimait son épouse. De retour à la maison, notre homme offre un bouquet de fleurs à son épouse. Il accepte de faire la vaisselle... 15 jours plus tard, il retrouve son conseiller et lui annonce que les sentiments d’amour ont été réveillés. Il en « pince » à nouveau pour son épouse.
La volonté joue donc un rôle important dans la relation conjugale. Décider d’agir en fonction de l’amour pour l’autre, peut faire revivre la relation et ressusciter des émotions fortes pour son conjoint.
Trouver en Dieu une source de résurrection
Mon face à face avec de nombreux couples en panne de sentiments m’a poussé à approfondir la manière dont Dieu aime. J’ai compris que nos couples pouvaient devenir des lieux où s’expérimente la dynamique d’amour de Dieu en Jésus-Christ. Sans attendre quoi que ce soit en retour, Dieu s’est donné lui-même pour chacun d’entre nous. Cette manière d’aimer est à même de restaurer de nombreux couples et de les conduire plus loin dans le développement de leur amour conjugal. En fait, l’apôtre Paul ne propose rien d’autre lorsqu’il met en parallèle l’amour du Christ à l’endroit de l’Eglise et l’amour conjugal (Ep 5, 21-33).
Rédaction : Serge Carrel d’après une interview accordée par Manfred Engeli