Inspiré par le débat sur l’Eglise missionnaire de la seconde moitié du XXe siècle, le terme « missionnel » voit le jour à la fin des années 90 avec « Missional Church » de Darrell Guder (2). Le terme « missionnel » est la conséquence logique de plusieurs bouleversements historiques et missiologiques du XXe siècle. En effet, certains théologiens, dont le réformé anglais Lesslie Newbigin, tirent la sonnette d’alarme face à l’état spirituel de l’Occident à cette époque. Suite aux tragédies historiques de ce siècle, à la montée en puissance du relativisme, au déclin du christianisme en Occident et à une intensification de l’activité missionnaire à l’étranger, les théologiens réfléchissent à l’élaboration d’une missiologie pour la culture occidentale.
En rupture avec une conception de la mission qui a prévalu de la période coloniale jusqu’aux années 50, le concept « missionnel » encourage l’Eglise à devenir missionnaire et à se donner les moyens d’être pertinente pour la société. Pour ce faire, Lesslie Newbigin crée le réseau « Evangile et culture » dans les années 80, dont fait partie le théologien presbytérien étasunien Darrell Guder. Lesslie Newbigin, fort d’un long séjour missionnaire en Inde où il a observé l’Eglise indienne évolué dans un contexte hostile à l’Evangile, constate l’existence d’un fossé culturel entre l’Eglise et la société en Occident. Selon lui, les chrétiens occidentaux ont perdu la faculté d’entrer en contact avec les populations postmodernes.
La mission est plus qu’un segment de l’Eglise !
Selon Darrel Guder, « l’Eglise doit passer d’une Eglise dotée d’un programme missionnaire à une Eglise entièrement missionnaire ». En d’autres termes, l’Eglise d’Occident est appelée à avoir la mission en ligne de mire ! La mission est plus qu’un simple segment de l’Eglise pour les promoteurs du concept « missionnel ». Chaque département de l’Eglise doit être tourné vers l’extérieur. Le budget d’une communauté constitue un bon indicateur de la « missionalité ». Il démontre le taux que celle-ci destine à la mission.
Le concept d’intentionnalité « missionnelle » s’inspire du renouvellement de la pensée missiologique qui s’est opéré lors de la conférence du Conseil international des missions de Willingen, dans le centre de l’Allemagne, en 1952. En rupture avec une vision trop anthropocentrique de la théologie et de la missiologie, les penseurs chrétiens y développent le fondement trinitaire de la mission. Dès lors, l’action divine retrouve sa primauté dans le mouvement missionnaire. Le champ de mission s’élargit et va au-delà des quatre murs de l’Eglise. Dieu agit non seulement en dehors de l’Eglise, mais il invite aussi son épouse à aller vers l’extérieur !
Un appel à changer de mentalité
Au-delà du développement d’outils qui favoriseraient la dynamique « missionnlle » au sein des Eglises, ce concept touche au cœur même de la nature et de la vocation missionnaire de l’Eglise. Une « Eglise missionnelle » réalise que la mission de Dieu consiste à l’appeler et l’envoyer sur le plan local et global, par la puissance de l’Esprit, afin de devenir missionnaire dans une société dont la culture est étrangère à l’Evangile. La mission est le résultat de l’initiative de Dieu qui souhaite être réconcilier avec les hommes. L’Eglise devient alors son agent dans cette tâche !
La mise en pratique du concept « missionnel » constitue un défi pour les Eglises d’Occident. Bien plus que le développement de nouvelles formes ecclésiales, le concept « missionnel » lance un appel aux Eglises d’Occident à changer de culture et de mentalité. Ce changement touche non seulement au cœur de la pratique missionnaire en Occident, mais il invite aussi à être et vivre l’Eglise différemment ! Les habitudes, les traditions et l’esprit de contrôle vont être mis à rude épreuve face à la puissance « missionnelle » qui arrivent sur l’Europe.
Camille Kursner