Depuis le 16 mars, les cultes sont suspendus en Suisse suite aux mesures de semi-confinement prises par le Conseil fédéral. Du côté des représentants des différentes communautés religieuses, on élabore, pour le déconfinement, des plans de protection, comparables à ce qui se fait dans d’autres secteurs d’activité. Les réformés ont publié le leur le 1er mai en soulignant que « la priorité n’est pas à une ouverture à la date la plus proche possible, mais à la garantie de la santé des fidèles participant aux cultes ainsi que des collaboratrices et collaborateurs ecclésiaux ». Côté catholique, on est plus impatient. En date du 27 avril, on s’est réjoui de voir l’assouplissement concerner les Eglises dans la troisième étape du déconfinement, soit à partir du lundi 8 juin.
Le « Plan de protection » des évangéliques
Le Réseau évangélique suisse (RES) a aussi publié son propre plan le 30 avril. « Nous avons proposé ce plan aux différentes fédérations d’Eglises, explique Christian Kuhn, le directeur du RES. Nous les invitons à se l’approprier, puis à le proposer aux Eglises locales. » Une annexe permet à chaque Eglise d’aménager le plan en fonction des réalités locales, tout en s’inscrivant, bien entendu, dans les mesures d’assouplissement, qui ne correspondent pas encore à un retour à la normale.
Concrètement, ce « Plan de protection pour cultes et rassemblements évangéliques » souligne tout d’abord qu’il ne s’agit pas de renoncer à la diffusion online des cultes, dès que le déconfinement pour les rassemblements d’Eglises entrera en vigueur. Ces prestations via internet demeurent importantes à la fois pour les personnes vulnérables qui ne feront pas le déplacement du lieu de culte, mais aussi pour ceux qui ne pourront pas assister à ce dernier, faute d’un nombre de places suffisant sur le site.
Du point de vue pratique, ce plan de protection des évangéliques propose un « paquet de mesures » visant à protéger les « personnes particulièrement vulnérables ». Il s’agit pour les responsables d’Eglise de recommander à ces personnes de rester à domicile. Tant par un courrier personnel que par une information sur le site web de l’Eglise. Les responsables d’Eglise devront aussi informer ces personnes-là à l’accueil dans le lieu de culte.
A l’accueil et dans la salle de culte
Dans chaque église, il faudra utiliser par terre du ruban adhésif pour faire respecter la distance sociale de 2 m entre les arrivants, et baliser, si possible, une entrée et une sortie différentes pour les participants. Ces derniers seront comptés. Le nombre de personnes autorisées sera calculé en fonction de la surface dont dispose l’Eglise locale et des 4 m2 requis pour chaque participant. Pour éviter que des personnes ne puissent entrer dans le lieu de culte faute de places, un système de réservation pourra être mis en place, surtout du côté des Eglises de grande taille.
Un poste d’hygiène sera installé à l’entrée du lieu de culte avec du liquide hydroalcoolique pour se désinfecter les mains. Par ailleurs, si les responsables de l’Eglise découvraient, suite à un culte, qu’un participant était atteint du covid-19 au moment de la célébration, ils devraient en informer tous les participants. Pratiquement : une liste de ceux-ci sera tenue. Le matériel d’information de l’Office fédérale de la santé publique (OFSP) sera également affiché à l’entrée du lieu de culte.
Dans son plan de protection, le Réseau évangélique suisse s’engage aussi à ce que les Eglises signataires nettoient les surfaces fréquemment touchées, les points de contact, et les toilettes. Par ailleurs, l’air de la salle sera changé avant le culte, pendant le culte et après le culte, à chaque fois en ouvrant les fenêtres pendant 10 minutes. Dans la salle, un siège sur deux sera utilisé. Une exception est faite pour les personnes d’une même famille qui pourront s’asseoir en groupe.
Pendant le culte, les livres de chants communs à la communauté seront laissés de côté. Le plan de protection invite aussi à renoncer à la sainte cène, mais à ne pas renoncer à aménager un programme pour les enfants qui, pendant le culte, sera conduit « selon les mêmes règles d’hygiène et de distance que dans l’école obligatoire ».
Ce plan de protection prévoit aussi la réouverture des rencontres en petits groupes moyennant que chaque personne bénéficie d’une surface de 4 m2. Il mentionne la possibilité d’organiser des cultes en plein air.
Pas un lobby suffisamment fort
« Nous n’avons pas pu rouvrir les lieux de culte à partir du 11 mai, comme les clubs de sport ou les restaurants, parce que nos courroies de transmission avec les autorités fédérales sont moins fortes, explique Christian Kuhn. Nous sommes actuellement assimilés à tous les organisateurs d’événements entre dix et mille personnes, qui attendent la première partie de juin pour être fixés sur leur sort. » Pour le directeur du Réseau évangélique suisse, il s’agit de rester prudent afin que la politique de déconfinement des évangéliques ne contribue pas à alimenter une deuxième vague de la pandémie. « Ce qui s’est vécu dans le cadre de l’Eglise Porte ouverte à Mulhouse et son impact médiatique pour les évangéliques devrait modérer nos ardeurs ! »
A regarder d’un peu plus près les trois plans de protection publiés par les Eglises catholiques, réformées et évangéliques, quelques différences et originalités sont à signaler. Catholiques et réformés ne font pas de croix sur la célébration du repas du Seigneur. Les fidèles catholiques recevront l’hostie trempée dans le vin. Côté réformé, on invite « à renoncer complètement au chant » et à ne pas ouvrir de garderies pendant les cultes. Côté catholique, on souligne que les regroupements à la sortie de l’église sont à éviter.
La décision définitive par rapport à un déconfinement en lien avec les célébrations religieuses devrait tomber le 27 mai. Et c’est le Conseil fédéral qui annoncera cette mesure.
190'000 évangéliques concernés chaque semaine
Selon une étude publiée en 2008 par le Programme national de recherche « Collectivités religieuses, Etat et société », 690'000 personnes participent chaque fin de semaine en Suisse à une célébration religieuse : 264'596 (38,4 %) à une messe catholique, 189'070 (27,4%) à un culte évangélique et 99'352 (14,4 %) à un culte réformé.
Serge Carrel