«Affaire Norbert Valley» : le Togolais débouté apparaît en marge de la manifestation à Neuchâtel

Serge Carrel jeudi 11 avril 2019

Norbert Valley, pasteur dans l’Eglise évangélique du Locle et au Centre FREE de Morat, était convoqué par la justice aujourd’hui à Neuchâtel pour avoir donné à manger à un réfugié débouté de l’asile et l'avoir hébergé. Pour marquer sa solidarité avec le pasteur de la FREE, Joseph, le Togolais débouté de l'asile et depuis 2012 en Suisse, est apparu en marge de la manifestation. Il a accepté de dire à lafree.info ce qui l’habitait au vu des ennuis que connaissait Norbert Valley.

Pourquoi êtes-vous venu à Neuchâtel aujourd’hui ?

Joseph (prénom d’emprunt) – Je me sens coupable de tout ce qui arrive au pasteur. Ça me ronge de l’intérieur. Si je suis encore de ce monde, c’est parce que l’Eglise évangélique du Locle m’a recueilli. Elle m’a donné la chance de pouvoir continuer à vivre, alors que je me trouvais au carrefour menant à la mort et que je voulais mettre fin à mes jours, parce que la Suisse m’avait rejeté.

Comment percevez-vous les difficultés du pasteur Valley avec la justice ?

C’est très sévère. S’il n’avait pas été là, je serais les pieds sous terre. Je vous l’affirme. Grâce à cette Eglise et au pasteur, j’ai pu me relever.

Comment vivez-vous votre clandestinité en Suisse ?

En fait, je n’ai pas de vie ! Je me retrouve sans vie ! Mon existence est incertaine, avec des lendemains incertains. Quand je marche, je dois toujours regarder derrière pour voir si la police n’est pas en train de me suivre. Cela m’effraie beaucoup ! D’ailleurs, je ne peux même pas m’approcher des gens, de peur de leur porter préjudice. Je suis un homme sans visage, qui n’existe pas vraiment.

Concrètement, comment se passe votre quotidien ?

Dieu est grand en toute chose ! Je prie beaucoup. Je vis chez des proches, chez des frères. Je n’ai pas d’endroit fixe. Il m’arrive parfois de dormir dehors.

Comment envisagez-vous votre avenir ?

A 33 ans, je n'ai pas de plan pour mon avenir. J’attends que la situation se calme. Si j’ai la possibilité de retourner au Togo et que ce retour n’a pas de conséquences sur ma vie, je rentre tout de suite.

Qu’est-ce qui vous empêche de rentrer au Togo ?

Mon problème n’est pas avec le gouvernement actuel, mais avec ceux qui m’ont aidé à fuir le pays, alors que je me trouvais en prison pour avoir manifesté contre le gouvernement. Ma famille a payé des militaires qui ont joué un rôle de passeurs. Ils avaient reçu l’ordre de me liquider, mais, grâce à l’argent donné par ma famille, ils sont parvenus à me faire venir en Suisse jusqu’au centre pour requérants d’asile de Vallorbe. Si je retournais au Togo, ce serait eux qui auraient des ennuis et ils n’hésiteraient pas cette fois à me liquider.

Pourquoi vous êtes-vous retrouvé en prison ?

J’ai manifesté au début des années 2010 contre le régime en place avec l’ANC, l’Alliance nationale pour le changement. Nous nous battions pour qu’il y ait un véritable changement de régime au Togo. A une reprise, j’ai été arrêté et fiché, puis, lors de la seconde arrestation, on m’a envoyé en prison, loin de tous les regards. Ma famille a appris alors qu’il était possible, contre une certaine somme, de m’envoyer au loin. Lorsque je suis arrivé ici, je ne savais même pas que je me trouvais en Suisse.

Si vous aviez une demande à faire aux autorités helvétiques, quelle serait-elle ?

Depuis mon arrivée ici, j’ai prouvé par mes actions que je suis quelqu’un de bien, quelqu’un qui souhaite s’intégrer et qui est travailleur. Je leur demanderais simplement la chance de prouver ce que je suis, de recevoir un permis et un petit travail. La Suisse m’a soigné de l’hépatite C et je remercie ce pays pour tout cela. Je clame que c’est un acte que je ne vais jamais oublier. Je demande le minimum : me laisser vivre sans persécution !

Propos recueillis par Serge Carrel

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