Les juges européens ont estimé à l’unanimité que la décision de renvoi de cet homme musulman qui a renié sa foi d’origine violerait les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme sur le « droit à la vie » et sur « l’interdiction de la torture, des traitements inhumains ou dégradants ». Ils estiment que les autorités suisses n’ont pas suffisamment évalué le risque que le requérant courrait en cas de retour au Pakistan.
Arrivé en Suisse en 2015, l’intéressé s’est converti au christianisme l’année suivante en se faisant baptiser dans une église mennonite. Lors de son audition en 2017, il était accompagné d’un pasteur qui a pu témoigner de l’engagement de ce paroissien au sein de l’Armée du Salut. Mais en 2018, sa demande d’asile a été refusée. Une décision confirmée par le Tribunal administratif en 2020.
Application toujours plus restrictive
Selon l’avocat neuchâtelois Olivier Bigler, actif dans ce qu’il appelle la défense des droits fondamentaux, les autorités suisses appliquent les conventions de Genève sur les réfugiés de façon toujours plus restrictive, même si la religion est un motif d’asile, et un facteur de persécution reconnu par le droit international. Selon l’avocat, Berne part du principe que si le gouvernement d’un pays n’est pas au courant de la conversion d’un de ses citoyens, celui-ci ne risque rien. Mais pour l’avocat, c’est un peu comme mettre une souris dans la cage d’un lion qui dort et espérer que celui-ci ne se réveille pas. Et c’est sans compter la persécution familiale qui peut être considérable.
Des conversions opportunistes ?
Il est vrai que la justice suisse craint des conversions opportunistes. Car n’importe qui peut se déclarer chrétien, pour reprendre le cas précis. C’est d’ailleurs un vrai problème pour les convertis qui demandent l’asile de réussir à faire reconnaître l’authenticité de leur nouvelle foi. Car suivant où, ils risquent non seulement la prison et la torture, mais la mort, tout simplement. A noter que l’apostasie ne concerne pas que les musulmans convertis au christianisme. Les ressortissants hindous en Inde qui se convertissent à l’islam peuvent également être considérés comme des apostats. Un nom qui qualifie celle ou celui qui rejette la religion de sa communauté et qui prend des risques sévères quand la confession du pays dont il est issu est un marqueur identitaire fort, voire un instrument lié à l’Etat. Dans certains pays, des polices particulières surveillent de près ces conversions.
Olivier Bigler dit s’occuper actuellement d’une dizaine d’Iraniens considérés comme apostats puisque devenus chrétiens. En reprenant son image, il précise que ni en Iran, ni en Inde, ni au Pakistan, le lion ne dort.
Gabrielle Desarzens
Une chronique à voir et à écouter Sur RTS La Première