Vaud : la reconnaissance d’intérêt public en débat

vendredi 16 janvier 2015 icon-comments 3

Ils sont trois. Tous membres de l’Eglise évangélique de Villard à Lausanne (FREE). Ils ont accepté de débattre de la pertinence pour les évangéliques vaudois de relancer leur demande de reconnaissance d’intérêt public.

Le 13 mars, la Fédération évangélique vaudoise (FEV) tiendra son assemblée générale dans les locaux de la FREE à Saint-Prex. A cette occasion, elle décidera si oui ou non elle relance sa demande de reconnaissance d’intérêt public auprès des autorités vaudoises. Trois membres de l’Eglise évangélique de Villard à Lausanne ont accepté de discuter des avantages et des questions que pose une telle demande.

Est-ce à l’Etat d’imposer le dialogue ?

Raymond Gloor, jeune retraité de la Ligue pour la lecture de la Bible, soulève plusieurs questions à la lecture du Règlement d’application publié par Béatrice Métraux le 17 novembre dernier (1). Tout d’abord l’ingérence de l’Etat dans le spirituel, notamment lorsque ce règlement prescrit aux communautés religieuses de pratiquer le dialogue interreligieux et œcuménique (article 8). « Que l’Etat encourage le dialogue, c’est bien ! Mais qu’il l’impose me paraît maladroit ! » Notamment lorsqu’il est question de cérémonies interreligieuses où musulmans, bouddhistes, hindouistes ou chrétiens pourraient être amenés à prier ensemble…

Raymond Gloor se montre aussi très circonspect face à la Loi sur la reconnaissance qui dit que les communautés religieuses s’engagent à ne pas faire de « prosélytisme contraire à l’ordre juridique suisse » (article 7.2). « Dans quelle mesure cela touche-t-il le fait de tenir un stand sur la place de la Riponne à Lausanne ? On pourrait nous dire que, parce que des musulmans passent par là, cela trouble l’ordre public et donc interdire de telles démarches. »

Jean-Luc Chollet, député au Grand Conseil, souligne l’importance de l’interprétation des textes législatifs par les autorités politiques. « Tant qu’il y aura des chrétiens évangéliques au Grand Conseil, ils pourront utiliser les instruments démocratiques tels que l’interpellation ou le postulat pour poser des questions au Conseil d’Etat et rectifier le tir, le cas échéant. » Toutefois en cas de désir des autorités de limiter la liberté d’expression du religieux dans l’espace public, Jean-Luc Chollet s’interroge sur le nombre de députés qui se dresseraient contre une telle limitation. « Heureusement, ajoute-t-il, les deux pasteurs réformés de Saint-Laurent Eglise dans le centre de Lausanne aident à maintenir nos rues ouvertes aux questions existentielles, en installant un cercueil à Pâques sur les marches de leur lieu de culte ou une voiture cabossée à Noël. Ce qui n’est pas toujours du goût des autorités lausannoises ou vaudoises ! »

Travailler au bien de la cité

De son côté, Jean-Jacques Meylan, président de la Communauté des Eglises chrétiennes du canton de Vaud (CECCV) et membre du conseil de la FEV, plaide la cause de la reconnaissance. Pour lui, il s’agit de placer la réflexion au niveau des valeurs. « Par rapport au XIXe siècle ou à une bonne partie du XXe, les évangéliques ont changé. Ils ont quitté une culture isolationniste et pris conscience de l’importance de travailler au bien de la cité (Jérémie 29.7). Travailler au lien social est donc quelque chose d’important. » Jean-Jacques Meylan souligne aussi que d’autres Eglises sont sur le point de déposer leur candidature : l’Eglise anglicane, les catholiques chrétiens, les orthodoxes. Dans ce contexte, ces autres communautés chrétiennes, petites par le nombre de leurs membres, ne comprendraient pas que les évangéliques ne saisissent pas cette opportunité. « Il y a là un devoir de solidarité auquel je suis très sensible », lâche l’ancien pasteur de l’Eglise évangélique de l’Oasis à Morges.

Pour lui néanmoins, il faudra clarifier les différentes sphères de compétences de l’Etat et des Eglises. Par rapport aux bénédictions de couples partenariés, ou par rapport au refus du suicide assisté, les évangéliques doivent continuer à faire valoir leur différence. « Parce qu’il est fondamental de défendre les valeurs qui sont les nôtres, il faudra bien dissocier ce qui est de l’ordre du spirituel ou du temporel. »

L’un des avantages d’une reconnaissance d’intérêt public, conclut Jean-Luc Chollet, c’est que les évangéliques pourront participer aux plateformes de consultation lorsque l’Etat finalise une décision. « Cela ne veut pas dire que nous serons suivis, mais au moins on nous demandera notre avis. Et cela représente une belle avancée ! »

Serge Carrel

Note

1 Voir l’article « Vaud : demande de reconnaissance des évangéliques, c’est reparti ! »

3 réactions

  • Lisboa, Manuel Herculano lundi, 19 janvier 2015 15:51

    Bonjours Chères.
    Dommage que on fait pas un débat publique vivant. Pour partager la pensée Chrétienne et politique .

  • YB lundi, 26 janvier 2015 10:09

    Si l'on souhaite continuer d'être souvent oubliés en tant qu'Eglise, comme par exemple sur http://www.24heures.ch/services/divers/Au-programme-de-vos-eglises/story/20257777 , ou pourtant les musulmans sont mentionnés, il faudra alors songer à demander la reconnaissance d'intérêt public, qui à mon avis a bien plus d'avantages que d'inconvénients. C'est une chance à ne pas manquer, et le chemin est long, alors ne pas trop attendre...

  • René MONOT mardi, 10 février 2015 18:27

    En présentant le « Règlement d’application de la loi sur la reconnaissance des communautés religieuses », le conseil d’Etat a exprimé sa volonté de « conserver un lien avec les Eglises et communautés religieuses qui s’engagent dans la société vaudoise ». Demander à l’Etat la « Reconnaissance d’intérêt public » est, en particulier, lui exprimer le soutien de nos Eglises dans sa lourde mission pour le bien de la société. Cela n’impliquerait pas un accord ou une soumission aveugle à tout ce qui pourrait être dit ou décidé. Au contraire, grâce à la « Reconnaissance », les communautés seraient consultées sur tout sujet mis en consultation par le Conseil d’Etat, comme l'a exprimé J.-L. Chollet.

    Par ailleurs la démarche de « Reconnaissance » contribuerait à disqualifier le terme de secte facilement utilisé envers les communautés évangéliques.

    Le changement le plus imporant qu’apporterait la « Reconnaissance » concerne l’aumônerie. Actuellement la Fédération évangélique vaudoise (FEV) finance l’activité de deux aumônières sur les sites hospitaliers de St Loup et du CHUV. Il s’agit d’un partenariat qui dépend de la bienveillance de l’EERV. La « Reconnaissance » permettrait d’exercer l’aumônerie de plein droit aux côtés des Eglises réformée, catholique et de la communauté israélite (sans toutefois bénéficier du financement de l’Etat). Il y a des aumôniers dans les prisons, dans les écoles, hautes écoles et apprentissages, dans les EMS et les établissements hospitaliers. Renoncer à cette éventualité de service auprès de cette vaste population serait tout à fait déplorable.

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