Qu’est-ce qui habite la CCMR à l’occasion de cette rentrée ?
La CCMR a un rythme de rencontres mensuelles. A partir du moment où une rencontre saute, les choses prennent beaucoup de retard. L’une des séances du printemps a sauté, et cela a reporté de deux mois l’information à faire aux communautés à propos de la formation que nous mettons en place. Nous avons donc provoqué une forme de stress dans les diverses communautés, ce que nous regrettons.
A côté de la formation, il y a d’autres choses qui se mettent en place. Deux communautés importantes ont déposé leur dossier, la FEV au mois d’avril et l’UVAM au mois de mai. Nous avons constitué au sein de la CCMR des sous-commissions pour suivre chacune de ces demandes. Trois personnes constituent celle qui examinera la demande des évangéliques : Patrizia Conforti (théologienne), Pascal Bregnard (représentant de l’Eglise catholique) et moi-même.
Quel va être le rôle de cette sous-commission ?
Nous envisageons de visiter lors d’un culte chacune des 42 communautés évangéliques signataires pour faire un travail de communication et de relation. L’une des difficultés que nous avons, c’est que les membres de la CCMR ont d’autres engagements et que l’examen de ces communautés va prendre beaucoup de temps. On se réjouit donc d’avoir encore 4 ans pour effectuer correctement ce travail. Lors de nos visites, nous examinerons le fait que chacune affiche une forme associative de type démocratique, ce qui correspond aux standards du statut des associations dans le Code civil suisse. Il y a aussi un gros enjeu au niveau financier. La CCMR ne dispose pas de toutes les compétences techniques pour examiner les comptes des associations, c’est pourquoi le dossier devra également être traité par les services spécialisés de l’Etat.
N’aurait-il pas été possible de mettre en place un examen plus léger des candidatures ?
Visiter chacune des communautés membres des fédérations nous paraît important pour des raisons d’égalité de traitement. Il y a aussi le désir de faire un travail d’explication des rapports qui vont être noués avec l’Etat. De plus, nous devrons construire un dossier solide pour le Conseil d’Etat, qui, à son tour, devra le présenter avec de bons arguments au Grand Conseil, et devant le peuple s’il y a référendum.
Nombre d’évangéliques ont été surpris par la mise en place de la formation « Communautés religieuses, pluralisme et enjeux de société ». Etait-elle prévue depuis longtemps ?
Cette formation part de la Déclaration liminaire d’engagement signée par les évangéliques. Son article 3 dit que « les capacités de leurs représentants de s’exprimer en français, ainsi que leurs connaissances en droit suisse et dans le domaine interreligieux feront l’objet d’une évaluation ». Au moment où nous relisions cette déclaration, nous nous sommes dit que s’il fallait évaluer des gens, nous avions besoin de critères, mais surtout de leur donner la possibilité de se former. Nous avons donc décidé de mettre en place une formation qui n’est pas obligatoire – soulignons-le ! – mais qui devrait contribuer à ce que la demande d’une communauté soit perçue favorablement.
Par rapport au dialogue interreligieux, nous nous sommes rendu compte que les plateformes interreligieuses concernaient une part très restreinte d’acteurs. Quant aux formations de théologie, leur rôle premier n’est pas de mettre les gens en relation. Dans quel lieu en Suisse romande aujourd’hui, existe-t-il une formation dans laquelle sont conviés des responsables de diverses communautés religieuses ? Ni à la HET-PRO, ni dans les Facultés de théologie de Lausanne ou de Genève. La seule offre, à ma connaissance, qui s’approche de ce que nous faisons concerne un CAS (certificat en études avancées) en études interreligieuses proposé par l’Institut œcuménique de Bossey, mais il s’adresse à un public international.
Notre formation a pour but de délivrer des connaissances en matière de droit et sur la diversité religieuse du canton de Vaud, mais le volet important, c’est de mettre en relation de manière personnelle différents responsables de communautés. Cette formation est donc le moyen de faire connaissance autour d’une réflexion commune et de découvrir ce que signifie le fait d’être une communauté reconnue par l’Etat et engagée dans une dynamique de service public. Il y a des pasteurs et des prêtres qui disposent d’une formation académique, mais aucune de ces formations ne propose ce type de rencontres.
Nous sommes en train de constituer un groupe de 20 à 25 personnes, en demeurant attentifs à la diversité des provenances : la proportion devrait être de 10 évangéliques, 5 musulmans, 1 ou 2 anglicans, 1 ou 2 juifs, et pour le reste des réformés et des catholiques nouvellement arrivés dans le canton.
Dans le milieu évangélique, il y a eu beaucoup de débats autour de la clause de non-discrimination en matière d’orientation sexuelle contenue dans la Déclaration liminaire…
Ce qui nous paraît clair, c’est qu’il faut distinguer entre les enjeux qui sont cultuels et les enjeux sociaux. Du point de vue du fonctionnement de la communauté religieuse, la CCMR ne peut pas obliger une communauté à engager un pasteur homosexuel. Elle ne peut pas non plus obliger une communauté à accomplir une bénédiction de couples de même sexe. L’enjeu de cette discussion porte sur ce qu’il advient de la communauté lorsqu’elle fonctionne dans le cadre d’un service public. De quelle ouverture témoigne-t-elle vers l’extérieur dans une aumônerie ? Prenons un exemple : une aumônerie fait de l’accueil de SDF. Un homosexuel se présente. Cette aumônerie doit l’accueillir comme toute autre personne et ne pas faire de pression contre son orientation sexuelle.
Le deuxième élément qui est très clair selon la loi, ce sont les incitations à la haine. Cependant, ce n’est pas parce qu’un pasteur cite des passages de la Bible, comme ceux de Lévitique 18 ou de Romains 1, et défend une position conservatrice dans le domaine de la morale sexuelle, qu’il a automatiquement commis une atteinte aux personnes… Ce qui est clair, c’est que tout appel à la haine, qu’il porte sur des personnes homosexuelles, étrangères ou d’une autre religion, tombe sous le coup de la loi.
Que faire des situations dans lesquelles un membre a des conflits avec son Eglise, notamment parce qu’il a été exclu de sa communauté à cause de son orientation sexuelle ?
Si cette personne saisit les tribunaux et considère qu’il s’agit d’une discrimination, on se trouve dans une zone un peu plus grise. Là-dessus, la CCMR n’a pas de doctrine. La situation concrète appellera à évaluation. Il faut faire une distinction entre un comportement systématique de la part d’une Eglise ou une occurrence où on va devoir réfléchir, avec la communauté et la FEV, à ce qui s’est passé.
Propos recueillis par Serge Carrel