Dossier 500 ans de la Réforme : Michaël Sattler, une autre personnalité de la Réforme à découvrir

vendredi 26 août 2016

On connaît Martin Luther, Ulrich Zwingli, Jean Calvin… Mais la Réforme protestante du XVIe siècle c’est aussi des personnalités comme Félix Mantz, Conrad Grebel… ou Michaël Sattler. Auteur d’un livre sur cette personnalité de la Réforme anabaptiste, Claude Baecher nous le fait découvrir.

A côté de Luther et de Zwingli, Michaël Sattler incarne au XVIe siècle une autre vision de la Réforme de l’Eglise. Il est né aux alentours de 1490, à Staufen au nord de Bâle, dans la Forêt-Noire actuelle. Il s’engage dans un monastère bénédictin près de Fribourg-en-Brisgau. Luther affiche ses 95 thèses sur la porte de l’Eglise du château de Wittenberg en 1517. 10 ans après Michaël Sattler est brûlé vif à Rottenburg, tout près de Tübingen, alors qu’il partage avec l’ensemble de la Réforme luthérienne et zwinglienne le retour à la Bible comme fondement unique de la foi chrétienne, l’affirmation du salut par la foi et par la grâce seule. Que s’est-il donc passé ?

Le baptême d’adultes, cause de la rupture

Pour le théologien et historien Claude Baecher, il semble que Michael Sattler a été mis en contact avec les idées de Luther au travers de paysans venus frapper à la porte de son monastère. La confrontation avec les idées du réformateur l’incite à quitter son ordre et à se rendre à Zurich, où il entre dans le cercle de ces humanistes proches de Zwingli, qui débattent de l’avenir de la Réforme zurichoise. Félix Mantz, le fils d’un chanoine de Zurich, et Conrad Grebel, un humaniste qui a étudié à Vienne et à Paris, sont du nombre. Michaël Sattler participe au débat sur le baptême qui se déroule en 1525 sur les bords de la Limmat. Contrairement à Zwingli, ces trois amis parviennent à la conclusion que « l’Eglise serait plus belle si ceux qui la composent professent eux-mêmes la foi en Jésus-Christ ».

La répression des anabaptistes (« rebaptiseurs » en grec) se met en place à Zurich dès mars 1526. En été, l’ancien moine bénédictin se marie à Margaretha, puis entame un ministère itinérant qui le conduit à la fin de l’année à Strasbourg, ville tolérante pour plusieurs partisans de la Réforme anabaptiste, mais pas pour tous ! Le 24 février 1527, il participe à Schleitheim (Schaffhouse) à la rédaction d’une confession de foi qui résume le point de vue anabaptiste. Début mars, il est arrêté dans le Wurtemberg, une région sous tutelle autrichienne, donc catholique. Le 20 mai à Rottenburg, il est torturé avec des tenailles incandescentes. On lui coupe la langue, puis il est brûlé sur le bûcher comme « hérétique ». Quelques jours plus tard, son épouse est noyée dans le Neckar.

Un mode de fonctionnement pertinent en post-chrétienté

Peu avant cette mise à mort, Michaël Sattler a été la cheville ouvrière de ce qui constitue la première confession de foi protestante : l’Entente fraternelle de Schleitheim. Ce document comprend 7 articles : notamment l’affirmation de la pertinence du seul baptême d’adultes, la mise en avant de l’importance de la discipline dans la communauté, la séparation de la réalité du mal et le refus du recours au « glaive » pour les chrétiens engagés. On a là, commente Claude Baecher, la poursuite de l’inscription dans l’identité chrétienne de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, une conviction affichée au XIIe siècle déjà par les disciples de Pierre Valdo et au XVe par certains disciples de Jean Huss.

« Aujourd’hui en Occident, nous nous trouvons dans une transition vers la post-chrétienté, ajoute Claude Baecher. On redécouvre ces chrétiens anabaptistes du XVIe siècle, parce qu’ils affichent un mode de fonctionnement minoritaire et surtout ‘prophétique’. Ils développent un style de vie marqué par une obéissance forte et un témoignage engagé à Jésus-Christ. Ils sont respectueux des consciences et résolument hostiles à tout usage de la force et de la contrainte dans le domaine de la foi. » Dans ce contexte, le baptême d’adultes est le signe même du refus de cette contrainte et de la séparation de l’Eglise et de l’Etat qui devrait se développer davantage à l’avenir dans nos contrées. « Je suis convaincu, ajoute-t-il, que la foi chrétienne est plus belle lorsqu’elle est attachée au Christ et à son enseignement, lorsque l’adoration du Père, du Fils et du Saint-Esprit et la suivance du Christ sont étroitement conjuguées ! »

Serge Carrel

Voir l’émission Ciel ! Mon info sur Michël Sattler avec Claude Baecher.

Une biographie et une traduction des savoureux documents de Sattler et de l’anabaptisme naissant se trouvent dans le livre de Claude Baecher, Michaël Sattler. La naissance d’Eglises de professants au XVIe siècle, Cléon d’Andran, Excelsis, 2002, 144 p.

Une bibliographie essentiellement de langue française relative à la Réforme anabaptiste se trouve ici.

A voir le film :The Radicals, sous-titré français et allemand. Durée : 100’. A commander à AFFOX AG, Lilienstrasse 113, CH-4123 Allschwil. Email: info@affox.ch.

Cet article fait partie des publications que nous mettons à votre disposition à l’occasion des 500 ans de la Réforme. Voir notre dossier ici.

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Serge Carrel

Serge Carrel est au bénéfice d’une formation double: théologique et journalistique. Après dix ans de pastorat en France et en Suisse romande, il a travaillé huit ans comme journaliste aux émissions religieuses de la RTS. Aujourd’hui formateur d’adultes et journaliste en lien avec la Fédération romande d’Eglises évangéliques (FREE), il essaie de tirer le meilleur parti de ce double ancrage. Que ce soit dans le cadre du FREE COLLEGE, de lafree.ch, de Vivre ou de la fenêtre chrétienne de MaxTV.

Formation reçue

Master en théologie (UNIL, 1986)
Centre romand de formation des journalistes (RP, 1996)

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