Alors que les rues de Manille, la capitale des Philippines, bouillonnent d’un incessant va et vient et d’un capharnaüm à n’en plus finir, cette même vitalité s’affiche dans une Eglise de Quezon City, la plus grande ville du Grand Manille. Cubao Reformed Baptist Church (CRBC) incarne remarquablement une Eglise locale qui se veut missionnelle et radicale dans son service à l’endroit d’autrui. Tandis que cette Eglise n’a pas plus de deux cents membres, une trentaine de responsables à plein temps gèrent les différents ministères qui émanent d’un désir de suivre l’exemple du Christ et d’annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres.
Jésus-Christ crucifié
Que ce soit dans les maisons d’accueil, où vivent plus d’une septantaine d’enfants au passé chargé (abus sexuels ou maltraitance), que ce soit durant les distributions de nourriture ou les soins médicaux gratuits apportés aux sans-abris, ou encore lors de rencontres avec les deux cents cinquante familles des bidonvilles bénéficiant de la scolarisation d’un de leurs enfants, l’Evangile est prêché et c’est Jésus-Christ et uniquement Jésus-Christ crucifié qui y est partagé. Analyn Cordova, la directrice de la maison d’accueil des filles, constate que « CCM (Christian Compassion Ministries), le ministère de CRBC centré sur les enfants des rues et des bidonvilles, a répondu parfaitement à [son] désir de travailler dans un milieu chrétien. Voir les enfants grandir dans un environnement sûr et aimant, les voir découvrir qui est Jésus, ça n’a pas de prix. » Lorsque la jeune femme, tout juste trentenaire, est interrogée sur sa plus grande satisfaction de directrice, Analyn affirme, avec son regard déterminé, que c’est de voir les enfants proclamer leur appartenance à Christ.
De sporadique à central
« CRBC n’a pas toujours eu les pauvres comme point de mire de son ministère », reconnaît Brian T. Ellis, le pasteur fondateur de l’Eglise réformée baptiste de Cubao. Cet Anglais, la septantaine bien entamée, relève qu’une quinzaine d’années a séparé la création de l’Eglise et le commencement d’un premier ministère en 1994. « A l’époque, nous rejoignions la communauté qui nous entourait de façon sporadique. Par exemple, lors d’une éruption volcanique en 1991, nous avons aidé financièrement à la création d’un élevage de porcs », ajoute Brian T. Ellis, dont la grande taille ne passe pas inaperçue. Alors que le projet d’élevage se termine en 1993, l’Eglise reçoit un don de 1000 dollars. Cette somme destinée aux pauvres et le souci grandissant de certains membres de CRBC pour les enfants des rues vivant à proximité, conduisent à la création, dans les locaux de l’Eglise, d’une maison d’accueil. « Cette démarche a vraiment eu un “effet boule de neige”, constate le pasteur anglais. Le Seigneur a béni et il continue à le faire. L’Eglise grandit et la grande mixité sociale au sein de nos membres nous apporte énormément. »
Des vies changées
Les fruits que les maisons d’accueil ont produits sont évidents. Plus de cinq des responsables parmi la trentaine impliqués à plein-temps dans les ministères de l’Eglise sont en fait des enfants accueillis par CCM dans leur jeune âge. Qu’ils soient assistants sociaux, infirmiers ou encore comptables, ils servent à leur tour au sein d’un ministère qui les a sortis du cycle infernal de la pauvreté. Ces différents ministères sont un reflet d’une Eglise locale qui a pris sa mission au sérieux : répondre aux besoins de la communauté avoisinant ses locaux. Alors que les Philippins expriment leur reconnaissance envers les donateurs occidentaux qui permettent le développement d’un tel ministère, c’est bien une Eglise philippine, qui s’implique localement, avec des responsables locaux, afin de prêcher l’Evangile dans les rues les plus pauvres de Manille.
Antje Carrel